Critiques

Anna Meredith

FIBS

  • Moshi Moshi Records
  • 2019
  • 45 minutes
7,5

L’artiste écossaise Anna Meredith a commencé sa carrière dans le milieu symphonique, expérience qui a teinté de manière importante l’esthétique de sa musique. Elle a commencé à utiliser des échantillons d’instruments d’orchestre joués au clavier, montés de manière à générer de grandes masses mélodiques soutenues habituellement par un rythme venant complètement d’un autre répertoire. Ça donne parfois des résultats un peu cacophoniques, mais ça permet surtout de découvrir de nouvelles recettes, ou d’anciennes, refaites d’une nouvelle façon. On se retrouve donc avec Black Prince Fury (2011), une première publication qui a fait des vagues sur la scène de la musique contemporaine britannique pour son originalité. Son premier album Varmints (2016) a confirmé le vent de fraîcheur que Meredith était en train d’apporter sur le territoire entre le symphonique et l’électronique. Son deuxième album publié en octobre dernier, FIBS, reprend sensiblement cet équilibre, mais prend quelques risques en plus.

Saw Bones part d’un coup sur une suite rapide d’accords aux claviers, jusqu’à ce qu’un synthétiseur lourd arrive dans les basses et crée une montée en densité qui culmine sur une séquence triomphante de synth wave. La transition est surprenante et fait sourire tellement ça part dans une autre direction, bien que la basse nous ramène à cette impression incertaine d’écouter deux pièces en même temps. Inhale Exhale démarre sur une autre suite rapide d’accords de clavier, celle-ci combinée à une ligne percussive au-dessus de laquelle Meredith chante de façon presque enfantine. La complexité de la ligne musicale monte à un niveau épique, générant une tempête électronique devant laquelle la voix garde tout de même le cap. Calion ramène sur terre avec un kick profond et un clavier arpégé, doublé par une deuxième ligne synthétique plus scintillante, passant d’un mouvement saturé à un mouvement léger presque synth pop. Les basses reviennent ensuite en force, alourdissant le thème mélodique à un niveau dramatique par-dessus lequel la mélodie se délie en longues notes brillantes. Killjoy prend une direction très entraînante rythmiquement, apportant une teinte folklorique à la palette électronique et des changements de tempo qui font penser à une comptine de Jethro Tull. Meredith chante en duo sur un texte livré rapidement, avec un enthousiasme contagieux qui complète l’atmosphère de fête.

Les cuivres de Bump avancent en parallèle à l’orgue synthétique qui y répond rythmiquement, ça s’essouffle un peu mi-chemin comme un solo désynchronisé, et ça devient carrément comique et décousu jusqu’à la finale qui rétablit tout dans les temps. moonmoons se développe plus doucement, laissant un clavier arpégé monter comme des bulles, une élévation qui mène à une ligne de violon placé à proximité. La mélodie mène à un plateau à mi-chemin de la pièce, en apesanteur au-dessus d’un tourbillon sous-marin qui s’intensifie jusqu’à ce que le courant reparte plus loin. Divining reprend les claviers rythmés comme toile de fond devant laquelle Meredith chante en duo, ajoutant des harmonies vocales très jolies, bien que le mixage des deux favorise plus souvent la partie musicale. Limpet change complètement de répertoire en passant au rock alternatif des années 90, étonnement en version instrumentale puisqu’on ressent une structure couplet refrain, c’est comique.

Ribbons revient à la palette électronique avec son kick gonflé, Meredith chantant doucement dans les hautes comme dans une ballade, atmosphère confirmée par la jolie mélodie sortie d’un rêve d’enfant. Les claviers arpégés de Paramour ouvrent à nouveau de façon rythmique avec un niveau d’empressement renouvelé, composé en forme de solo de guitare électrique. La basse monophonique et le kick s’ajoutent à l’ensemble jusqu’à l’incroyable pont électro métal, qui nous fait retomber dans un segment de musique de chambre à la clarinette et xylophone, contraste extraordinaire suivi d’un sommet mélodique avec solo de guitare électrique et cuivres bien ancrés dans le rythme. Unfurl passe à une atmosphère nocturne, scintillante, laissant la voix de Meredith flotter au-dessus des claviers cristallins comme une dernière petite comptine avant de dormir.

Au-delà de l’originalité du son d’Anna Meredith, il y a l’ingéniosité dans le choix des combinaisons stylistiques et la maîtrise totale de leur mise en valeur dans le phrasé. On s’entend qu’il faut parfois un temps d’adaptation avant d’arrêter d’avoir l’impression d’écouter deux pièces différentes en même temps. Une fois cette étape franchie, on peut apprécier la richesse du lexique symphonique, qui prend beaucoup de place et donne un effet maximaliste avec le rythme et les sons électroniques. À écouter plusieurs fois avant de bien comprendre ce qui s’est passé.

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