Critiques

Angel Olsen

Whole New Mess

  • Jagjaguwar Records
  • 2020
  • 42 minutes
7

À peine un an après avoir lancé son disque le plus ambitieux en carrière, le superbe All Mirrors, l’auteure-compositrice-interprète américaine Angel Olsen nous offre une sorte d’antépisode avec Whole New Mess. Constitué de plusieurs des mêmes chansons en version intimiste ainsi que de deux nouveaux titres, l’album offre une incursion inédite à travers le processus créatif de cette musicienne hors du commun.

Il est quand même rare qu’on puisse ainsi remonter le temps pour découvrir la genèse d’une œuvre. Bien sûr, les compagnies de disques sont passées maîtres dans l’art de proposer des rééditions d’albums devenus des classiques, bourrées de versions démo ou de prises additionnelles en studio. Mais la démarche est différente ici, puisqu’il ne s’agit pas de prises ratées ou d’expérimentations en studio ayant évolué jusqu’à leur forme finale, mais bien de ce que les chansons auraient pu être à l’origine.

All Mirrors est né d’une période particulièrement difficile pour Angel Olsen. Après une rupture douloureuse, la musicienne originaire de St-Louis a en effet vécu une grave crise existentielle au beau milieu de la tournée de son album My Woman. Non seulement venait-elle de perdre son amoureux, mais elle avait aussi dû tirer un trait sur des amitiés qui lui étaient chères. C’est alors qu’elle s’est isolée dans le but de travailler sur la matière qui constituerait son prochain disque, en formule guitare-voix uniquement, comme à ses débuts lo-fi. Évidemment, les choses ont pris une autre tournure par la suite puisque la musicienne a décidé d’enrober ses nouvelles chansons d’arrangements somptueux, avec la participation d’un orchestre à cordes.

Bref, Whole New Mess nous fait entendre ces premières versions, que j’hésite un peu à qualifier de « versions de travail », étant donné qu’elles auraient pu sortir sous cette forme, après tout. Évidemment, ça sonne comme un disque de pandémie, créé dans un contexte de confinement, sauf que dans ce cas-ci, le confinement était volontaire. Ceux et celles qui s’ennuient de l’approche davantage bricolée d’Angel Olsen à ses débuts pourraient d’ailleurs y trouver leur compte puisqu’il s’agit de son premier album sans un groupe accompagnateur depuis Half Way Home en 2012.

Au total, neuf des 11 morceaux d’All Mirrors sont ainsi offerts en version épurée. Si certains perdent de leur force de frappe en l’absence d’arrangements (Lark Song est un peu longuette sans son crescendo orchestral), d’autres se révèlent sous un nouveau jour. La ballade Chance (Forever Love) se fait poignante de vulnérabilité, avec de simples arpèges de guitare pour soutenir la voix d’Olsen, tandis qu’elle était enrobée d’un glamour digne d’une comédie musicale dans sa version orchestrale.

L’un des intérêts de cet album réside évidemment dans les deux nouvelles chansons qu’il propose : la pièce-titre et la délicate Waving, Smiling, un très joli morceau de bedroom folk. Whole New Mess est toutefois la plus intéressante : une sorte de ballade doo-wop aux accents rétro comme Olsen les affectionne particulièrement, avec un texte qui décrit cet état un peu apathique qui nous envahit lorsqu’on a le cœur brisé, et qu’il nous semble impossible de poser les gestes nécessaires pour aller mieux :

« Gettin’ back on track, gettin’ back on track

When it all fades to black, I’ll be gettin’ back on track

Back to my own head, cleared out, ’till the time comes ».

Whole New Mess

Même s’il ne constitue pas un ajout essentiel à la discographie d’Angel Olsen, Whole New Mess s’avère un parfait complément à All Mirrors et illustre comment les mêmes chansons peuvent servir deux intentions complètement différentes. Ainsi ramenées à leur plus simple appareil, elles montrent la douleur qui a mené à leur création, tandis qu’en version orchestrale, elles permettent une forme de transcendance.

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