Critiques

Alice Glass

PREY//IV

  • Eating Glass Records
  • 2022
  • 33 minutes
7,5

Une demi-décennie s’est écoulée depuis la dernière parution d’Alice Glass, cofondatrice de Crystal Castles et reine incontestée de la darkwave canadienne. Son premier opus solo PREY​/​/​IV est synonyme de résurgence, de reconstruction, qui fait suite à une relation radioactive. Sans trop déterrer le passé, rappelons que Glass a eu légalement gain de cause dans une histoire où elle accusait Ethan Kath (ex-partenaire et moitié de Crystal Castles) d’abus sexuel et psychologique. La réincarnation de la Torontoise (née Margaret Osborn) se matérialise via un album où la violence subie est canalisée dans une hyper pop gothique et abyssale.

PREY//IV est un acte en 12 chapitres (tous très brefs), sans détour, feintes ou embuscades. Par contre, Osborn a visiblement l’intention de troubler nos rêves et notre imaginaire. Glaciale, venimeuse, acerbe et tranchante, Alice Glass s’amuse avec notre humeur comme si nous n’étions qu’une simple armée de marionnettes. Danser, pleurer, danser en pleurant, pleurer en dansant et se remettre en question dans un tourbillon sans fin. Personnellement, je compare l’expérience d’écoute à celle d’un court métrage horrifique. Le public a l’intention de se foutre les jetons, de se placer dans une position d’inconfort, et c’est très bien ainsi. Peu importe le résultat, on accepte la transformation psychique.

Cela étant dit, l’offrande d’Alice Glass est bien plus ténébreuse que ce qu’elle proposait via Crystal Castles. Contrairement à la révolte de 6 chansons viscérales qu’était Alice Glass EP paru en 2017, j’ai l’impression que le bouillon de tourments est prêt à être servi, comme s’il n’avait utilisé que les ingrédients succulents de Crystal Castles.

Du moins, c’est le cas sur la plupart de la douzaine de morceaux. La production distordue est à la fois dérangeante et salivante, irrationnellement sentimentale.

FAIR GAME est d’ailleurs un vestige épique de la sonorité caractérielle de Crystal Castles.

À travers ce désordre planifié, quelques friandises se retrouvent sur notre chemin. EVERYBODY ELSE est l’une d’elles. Une berceuse/comptine sinistre étrangement accueillante. Après tout, les moments de répit sont les bienvenus dans une hantise musicale. Nous recevons le même type de tranquillité sur I TRUSTED YOU en fin d’écoute, où la souffrance agressive laisse place à la mélancolie. La transparence de la principale intéressée est rarement divulguée de la sorte et la trame pop/r&b en surprendra plus d’un.e.

I don’t care what they wanted me to do

I’ll sit here by myself

(You lied to me)

I don’t need to see the sun to know it’s not there

– I TRUSTED YOU

La force de PREY//IV va bien au-delà de l’univers digipop, c’est un puissant transmutateur fusionnant des matières abrasives et libératrices. Glass n’avait pas la prétention ni la volonté d’invoquer un album accessible en ce bas monde, et c’est justement cette irrévérence qui le rend attirant.