Le FRIMAT 2023 | Jour 1,2 et 3
Le FRIMAT, c’est 3 jours de musique à Val-d’Or. Le FRIMAT, c’est aussi 18 ans de festival, soit plus que la majorité des autres événements régionaux, qui, pourtant, finissent bien souvent par jouir d’une bien plus grande visibilité. Qu’à cela ne tiennent, les irréductibles Abitibiens réitèrent année après année une mission de découverte et une programmation familiale dans une ambiance sans prétention.
Quand on parle de découvertes musicales d’ailleurs, le FRIMAT a au cœur de son ADN la présentation de vitrines d’artistes locaux en tout début de carrière, leur proposant une occasion de se produire sur scène, une bourse en argent, des activités de professionnalisation avec des mentors de l’industrie musicale et, nouvellement, une présence dans le cadre de la programmation de Coup de cœur francophone à Montréal en novembre. Les trois artistes retenus cette année étaient Émilie Bédard, Marion Lamontagne et Code Kidam, que l’on aura pu voir en ouverture des différents programmes principaux des trois jours de festival.
Tout comme l’an dernier, l’ensemble de la programmation était présenté à l’historique Cité de l’Or, évitons donc de trop diverger avec un bon vieux bulletin de notes pour chaque artiste; exception faite des vitrines avec qui on sera plus indulgents.
Simon Kearney 7/10
Le prince de la pop ‘n’ roll, Simon Kearney, avait la tâche difficile d’ouvrir le festival au parc Albert-Dumais, utilisé depuis quelques années comme rampe de lancement du FRIMAT. Belle surprise : le public est au rendez-vous, plus que jamais pour le festival, se pressant devant une bannière de fond de scène beaucoup trop grande pour la place. Simon est généreux et s’adapte bien au public, qui ne le connaît pas nécessairement déjà, mais fini par chanter avec lui et avoir du bon vieux fun, convaincu par les solos virtuose du guitariste et son band aux couleurs des Francouvertes. Avec Héron et Jeanne Laforest sur scène, difficile de mal faire.
Émilie Bédard
Présence soliste pour la jeune artiste active depuis 2020, qui présente une musique lumineuse et dépouillée « sans son band, parce que hein ». L’exercice n’est pas sans danger, alors que des pépins techniques avec ses pédales d’effets mineront quelque peu la fin de sa performance, mais on aura tout de même l’occasion de constater à quel point Émilie Bédard se révèle être une excellente mélodiste à la voix captivante. On découvre dans sa musique à saveur résolument folk une direction pop intéressante qui permettra également de bien rythmer son court set. Belle énergie, gros potentiel!
Vendôme 4,5/10
Après un départ quelque peu chaotique, Vendôme livre une prestation malheureusement inégale sur le global. Fort efficace dans ses moments les plus pop, le spectacle finit toutefois par s’éterniser un peu lors des chansons planantes et contemplatives qui font pourtant la beauté du groupe sur album. Notons toutefois que le public semble réceptif et que les enfants, nombreux dans la salle, en profiteront pour danser sans lendemain, d’où les quelques surprenantes siestes qui suivront lors de la prestation suivante.
P’tit Belliveau 9,5/10
P’tit Belliveau était particulièrement en forme pour son spectacle en terres valdoriennes, dûment vêtu d’un chandail des Foreurs. Du moins pour la première moitié du spectacle, avant de finir en « chest » après un suant solo de batterie sur une version punk de L’arbre est dans ses feuilles. Ouin, ça brasse. Si le spectacle commence particulièrement fort, il y a peut-être un petit temps mort dans le « pacing » lorsque le groupe présente des extraits de son nouvel album les uns à la suite des autres en fin de spectacle, alors que le public ne semble pas encore assez bien connaître les chansons autant que celles de son album et ses EPs précédents. Sinon, le reste est triomphal et clôt avec brio cette première soirée de FRIMAT.
Je me permettrai par contre le commentaire suivant en conclusion : « Quessé faire y’a pas eu de moshpit!?! C’était difficile de faire plus punk pourtant. Je suis un peu déçu de toi, Val-d’Or ».
Marion Lamontagne
Jour 2 qui débute avec la vitrine de Marion Lamontagne, artiste au passé trad qui se présente sur scène pour présenter une musique manifestement folk et profondément personnelle. Ce qui laissera place, disons-le, à des interventions anecdotiques qui s’étiolent entre les chansons, affectant ainsi le rythme d’une prestation qui s’avérait, sinon fort professionnelle, surtout pour une artiste qui n’en est pourtant qu’à son deuxième festival en carrière, carrière soliste d’ailleurs elle-même lancée en 2023. Avec un peu de maturation, le projet devrait prendre son envol bientôt on l’espère, surtout pour la voix vespérale bien intéressante de l’artiste abitibienne.
Lysandre 7/10
L’une des belles pépites pop encore bien trop méconnues des Québécois.e.s, même si en fidèle lectorat du Canal Auditif le nom vous dira déjà quelque chose. L’accueil du spectacle de Lysandre témoigne toutefois de ce constat, alors que le public tarde un peu à arriver et à accrocher comme il se doit à la prestation d’un groupe pourtant « all star », avec notamment Samuel Gougoux (Corridor, Victime) aux percussions et les deux tiers de zouz également sur scène. La performance est fort honnête, bien que parfois un peu trop contemplative, principalement via les derniers simples de l’artiste, pour les fans de Cœur de Pirate.
Coeur de Pirate 7/10
Le public l’attendait de pied ferme, alors que l’artiste, tête d’affiche du festival expédiée par avion directement de Montréal, s’aventurait en Abitibi pour la toute première fois de sa pourtant prolifique carrière. Et Cœur de Pirate lui rendra justice, à ce public : succès après succès, elle enchaîne dans une formule scénique minimaliste en duo le meilleur de sa carrière plutôt que de ne surfer que sur les chansons de son dernier album. Bonne décision, alors que plusieurs chanteront avec elle durant la majorité de ce spectacle dans une ambiance aussi festive que réceptive.
Täbï Yösha 7,5/10
Nouveau nom sur la scène R&B québécoise, Täbï Yösha arrive toutefois sur scène avec l’attitude d’une fille à qui tout appartient déjà, vêtue d’un manteau de cuir avec des flammes annonciatrices de l’énergie qui marquera sa performance. Son premier en carrière, à paraître sous peu sous étiquette Bonsound, sera dévoilé pour l’une des toutes premières fois sur la scène d’un festival et la réaction qui l’accompagne est visiblement fort prometteuse. Si le set se révèle par moment quelque peu inégal, les bons moments sont si forts que l’on parvient à tout excuser à la chanteuse au sourire aussi généreux que la « bass » de ses prods.
Virgine B 10/10
Sexy, sulfureuse, et à l’aise comme jamais, Virginie B semble avoir tout à fait trouvé son erre d’aller dans cette formula « late-night » en duo. Accompagnée de son beatmaker/homme à tout faire Louis Jeay Beaulieu, elle livre des versions souvent remixées et boostées aux stéroïdes des chansons de son album Insula, s’amusant avec une orgie d’effets de voix efficaces au possible. Le public est particulièrement réceptif, même si la proposition se révèle être la plus champ gauche du week-end. Comme quoi prendre des risques peut toujours être payant.
Vanille 9/10
Les circonstances sont aussi exceptionnelles qu’absurdes, alors que Vanille se produit en spectacle dans le fin fond d’une mine souterraine, accessible uniquement par une ride impressionnante de grosse machinerie. Vêtue d’un casque jaune de circonstance, elle offrira un spectacle dépouillé en solo, mettant de l’avant plus que jamais la beauté cristalline de sa voix devant un public silencieux et admiratif. Silencieux, par contre, jusque dans les dernières chansons du spectacle, alors que la choriste Arielle Soucy, absente, sera remplacée sur le pouce par une subtile chorale de journalistes. Comme quoi on ne fait pas toujours que mettre le trouble dans la place ou boire gratis, hein.
Code Kidam
Pour la troisième et dernière vitrine de ce FRIMAT 2023, on a droit à une prestation des jeunes Code Kidam, trio qui livre un spectacle parfait pour une soirée de brosse au Quai des Brumes. L’influence des Colocs se fait (parfois trop) sentir, alors que l’on allie blues rock bien gras à un chant presque rappé sur fond de textes à saveur politico-humoristique. Le public se révèle dithyrambique : le groupe se verra titulaire de l’une des meilleures réceptivités de tout le week-end, avec de généreux applaudissements et une demande de rappel sans réponse. Pas par mauvaise volonté, mais par manque de catalogue tout simplement. On leur fait confiance, le party devrait lever lors de leur passage montréalais à venir dans le cadre de CCF.
Gab Bouchard 6,5/10
L’enfant terrible de Saint-Prime venait jouer juste avant ses mentors de Gros Mené en offrant quelques minutes de relaxation entre deux formations qui bûchent. Peut-être un peu trop d’ailleurs, avec un côté propret par moment, qui convient très bien à un public « de tous âges hors des grands centres », mais fini par manquer d’un peu de mordant. Deux gars sur la brosse près du bar s’écriront d’ailleurs : « Hey il sonne comme Hubert Lenoir lui! » Reste à voir si, dans les circonstances, il s’agit d’un compliment ou pas, mais ça témoigne au moins de la belle sensibilité pop que Gab Bouchard continue de développer au fil de sa carrière et avec laquelle il fait bon renouer à chaque spectacle.
Gros Mené 5/10
Pour être 100% honnête, le spectacle s’est révélé passablement interminable. Les fans se trouvent convaincus et comblés, mais le public moins familier avec les prestations volontairement pesantes et les envolées en jam du groupe l’est peut-être moins, alors que le feu de foyer extérieur se peuplera de plus en plus au fur et à mesure de la performance. Faut aussi dire que la musique était tellement forte que le spectacle se révélait presque plus agréable en termes purement sonores à l’extérieur que dans la salle, mais qui est réellement surpris? Tomber des nues en apprenant que Gros Mené est « loud », c’est comme de constater que le ciel est bleu, si vous n’êtes pas daltoniens bien évidemment.
Q052 7,5/10
Il n’y avait visiblement pas de représentants de la CAQ sur place et c’était très bien comme ça. Fortement politisée, la prestation de Q052, qui sort tout juste d’une première partie de Cypress Hill au FEQ qu’il mentionnera à plus d’une reprise – et on le comprend –, sera tout au long teintée de critiques sociales à propos du traitement réservé aux populations autochtones par les élites politiques québécoises et canadiennes. Le sujet étant particulièrement sensible à Val-d’Or, saluons la réception du public. Mais pour en revenir au spectacle en soit, malgré une offre scénique moins rock qu’à l’habitude dans la formule duo ici offerte, le natif de Gesgapegiag tire stylistiquement dans tous les sens, mais réussit étonnamment à garder le public avec lui tout du long, une belle surprise autant qu’une réussite méritée.
Shreez 9,5/10
Lui aussi très attendu du public, Shreez aura prouvé que le rap ne garantit pas systématiquement l’étiquette de « slacker » qui y est normalement associée au genre en livrant ce qui aura probablement le spectacle le plus cohésif du festival. Du moins dans son cas à lui directement, son « crew » sur scène étant peut-être moins pertinent, malgré un DJ engagé et présent. Vocalement impeccable, le rappeur enchaîne les chansons à un rythme effréné sans jamais s’essouffler ou relâcher l’énergie palpable autant sur scène que dans la salle. Étonnante prestation que celle-ci, qui proposera une probante finale à un FRIMAT somme toute bien réussi malgré une nouvelle équipe toute jeune. Chapeau!
Après, le FRIMAT nous aura aussi présenté des expériences sortant du monde de la musique directement, avec trois spectacles/numéros de danse et une activité de « live painting » qui auront rencontré un bel accueil du public de Val-d’Or, public ouvert, réceptif et visiblement heureux de faire chaque année de nouvelles découvertes dans un cadre propice au gros fun sale. Souhaitons que le mot se passe enfin et que la 19e édition du festival en soit une encore plus courue des Montréalais.e.s et du reste du public québécois.
Crédit photo: Camille Giroux