
FIJM 2025 | Nas + Elisapie
Il y avait quelque chose dans l’air samedi soir à Montréal. On peut mettre ça sur le dos des concerts excitants qui apparaissaient sur la grille horaire du Jazz, ou encore en raison de la pluie des derniers jours qui s’est transformée en beau temps pour la veillée. Chose certaine, un programme musical comme celui-là, ça n’arrive pas tous les jours.
Crédit photo de bannière: Benoit Rousseau

Nas
Bon, la présence de Nas dans la métropole doit également justifier la frénésie qui régnait hier. Le rappeur new-yorkais, plus qu’émérite et actif depuis 1991, retrouvait le public montréalais à la Place des Arts dans le cadre de la célébration de son premier album en carrière, Illmatic, paru il y a 31 ans.
Pour l’occasion, le MC ne comptait pas faire les choses à moitié. Dans le but d’interpréter les classiques intemporels de son mythique album, Nas a fait appel à un orchestre d’une soixantaine de musiciens classiques. Ceux-ci, postés au fond de la scène de la Salle Wilfrid-Pelletier, derrière son talentueux band, allaient accompagner avec ampleur le rappeur dans ce nostalgique retour dans le temps.
Après la montée sur scène des musiciens, l’orchestre a solennellement introduit l’Américain de 51 ans au son de The Genesis, le morceau d’introduction d’Illmatic. Le rappeur est apparu avec énergie, vêtu d’un reluisant complet, bouteille de Dom Pérignon en main, visiblement d’attaque pour célébrer l’une des œuvres les plus importantes de l’histoire du rap devant un public euphorique. C’est de cette façon que les pièces du projet (qu’il a composé à l’âge de 20 ans seulement) ont défilé. Puis, un frisson a parcouru l’échine de pas mal de monde, pour le moment assis, lorsque les notes aiguës de N.Y. State of Mind ont retenti. Avec assurance, Nas a enfilé les couplets de ce morceau qu’il a du faire plus qu’une fois sur scène, tandis que les musiciens s’affairaient à habiller la chanson avec doigté et subtilité.
Les pièces de l’album se sont donc succédé dans l’ordre. Les spectateurs, démangés par l’envie de se lever de leur siège, ont entonné le refrain mémorable de Life’s a Bitch et les lignes rassembleuses de The World Is Yours, enduites des superbes arrangements musicaux soufflés par les musiciens aux vents. Puis, avec éloquence, Nas a délivré les couplets de Halftime, au son des percussions précises du batteur invité et des scratch de DJ Green Lantern. Délicat pendant les couplets du rappeur, l’orchestre apportait une touche cinématographique soignée lors des introductions des morceaux et des transitions entre ceux-ci, comme ce fut le cas entre les excellentes One Love et Represent.
Puis, après avoir revisité toutes les chansons d’Illmatic, à l’exception de One Time 4 Your Mind, Nasir Jones a remercié l’orchestre qui a quitté la salle, et le MC a proposé à la foule d’explorer d’autres moments phares de sa carrière. Les spectateurs ne se sont pas fait prier et se sont automatiquement éjectés de leur siège au son des premières notes mélancoliques de The Message, une chanson apparaissent sur le record It Was Written de 1996. Personne ne s’est assis par la suite, alors que l’artiste et ses musiciens restants nous ont emportés dans un medley senti, dans lequel se sont suivis rapidement de nombreux hits, soulignant l’entièreté de sa prestigieuse carrière. Le feu roulant qui a suivi a introduit de courts passages d’extraits comme Sweet Dreams, The Don et Made You Look, alors que, sur scène, le prodige enfilait les couplets en prenant des selfies et en signant les vinyles d’adeptes postés au premier rang. Finalement, Nas a compléter cette soirée festive avec la mémorable If I Ruled the World qui en a fait chanter plusieurs lors du refrain envoutant de Lauryn Hill, ainsi qu’avec One Mic lors de son rappel.
Avec Nas samedi soir, on a eu droit à tout un moment de nostalgie. Le MC nous a ramené dans le temps, au cœur du Queens, le temps d’une soirée grandiose pour célébrer son premier album et sa colossale carrière. Tout ça avec des musiciens particulièrement talentueux qui sont venus donner du coffre à ses plus grands morceaux. C’est entre autres pour cette raison que Nas est le rappeur préféré de ton rappeur préféré.

Elisapie
Et on ne s’arrêtait pas là! C’est en vitesse que j’ai quitté la PDA afin de me frayer un chemin dans la foule nombreuse vers la grande scène pour le concert d’Elisapie. Je n’étais pas seul. Nous étions une belle gang à s’être donné rendez-vous avec la chanteuse inuk et nous n’allions pas le regretter.
Sur la scène brumeuse, l’artiste est apparue, portant une superbe création de l’artiste Caroline Monnet, et nous a immédiatement conviés dans l’univers enchanteur de son projet Inuktitut, un album composé de reprises de chansons qui ont bercé son enfance à Salluit. « J’ai décidé de voler des chansons à des blancs », a blagué Elisapie.
Elle a débuté magistralement les choses avec Uummati Attanarsimat, une reprise géniale de la chanson Heart of Glass de Blondie. La mélodie s’est déposée sur la place des Festivals, tout comme une énergie bien spéciale qui allait nous accompagner jusqu’à la fin. Puis, on a virevolté au son de morceaux, comme Taimangalimaaq (Time After Time de Cyndi Lauper) et Inuuniaravit (Born to Be Alive), toujours frappé par la prestance magnétique de l’artiste sur scène qui était jointe, hier, par des musiciens de grand talent, comme Joe Grass à la guitare, Robbie Kuster derrière la batterie ainsi que Jason Sharp au saxophone basse. Ceux-ci nous en ont mis plein la vue lors de segments musicaux folk-rock chargés et émancipés. Elisapie a aussi fait appel à la chanteuse Beatrice Deer sur quelques chansons qui se sont superbement conclues au son de chants de gorge.
En soulignant les morceaux par des anecdotes touchantes, Elisapie a fait monter le niveau d’émotion d’un cran. C’est d’abord son interprétation suspendue de Dreams de Fleetwood Mac, chanson grandement appréciée par son défunt frère, qu’elle nous a chaviré. En arrière-scène, des projections magnifiques au ralenti d’un homme à moto étaient diffusées et illustrait la touchante adaptation de cette chanson classique. L’autrice-compositrice-interprète aux 25 années de carrière ne s’est pas arrêtée là. Elle en a ajouté au rayon de l’émotion avec Taimaa Qimatsiniungimat, sa reprise de Hey, That’s No Way to Say Goodbye de Leonard Cohen, un artiste qui fut une porte d’entrée sur Montréal pour Elisapie lorsqu’elle est arrivée dans la métropole. Pour l’épauler sur cette chanson, c’est nul autre que Patrick Watson qui est débarqué sur les planches. À deux, ils ont offert une version sobre et éthérée au son du battement d’un tambour.
Watson est d’ailleurs revenu plus tard, tout comme Beatrice Deer et tous les musiciens, rassemblés autour du pied de micro, pour la fantastique pièce Qaisimalaurittuq, la reprise de Wish You Were Here de Pink Floyd. De cette façon, la soirée a atteint son paroxysme, alors que la voix impeccable de la chanteuse flirtait avec son chœur.
Avec Inuktitut sur la grande scène, Elisapie nous a ouvert les bras et nous entrainé dans les confins intimes de sa jeunesse au son des chansons qui l’ont marquée, elle, ses proches et sa communauté. L’effort de mémoire derrière cette compilation, l’émotion qui en émane et qui côtoie la prestance des cette grande artiste; tout y était pour un concert des plus marquants.
































Crédit photo: Benoit Rousseau (Elisapie, photo couverture), Frédérique Ménard-Aubin (Elisapie photo texte), Victor Diaz Lamich (Nas), Eugénie Pigeonnier (Galerie photos Nas)