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Festival Musique du Bout du Monde 2022 – Jour 4 : Vieux Farka Touré, EMDE (encore),Valérie Ékoumè et LaF

Retour sur ma dernière journée au Festival Musique du Bout du Monde (FMBM) où j’ai assisté au concert au lever du soleil de Vieux Farka Touré, déjeuné avec EMDE puis vu les spectacles de Valérie Ékoumé et LaF.

Crédit : Roger St-Laurent

Spectacle au lever du soleil de Vieux Farka Touré

La particularité du FMBM est sans conteste le spectacle au lever du soleil, qui marque le début de la dernière journée des festivités (pour moi du moins). Pour se rendre, il fallait réserver une navette qui partait à 3h30 du matin. Quiconque me connait un chouia sait à quel point me lever tôt n’est pas dans mes activités préférées. C’est pourquoi j’ai pris la décision éclairée de ne pas me coucher, tout simplement. Je me suis donc rendue vers le point de rencontre pour la navette vers 3h du matin, alors que les gens bien éméchés commençaient à sortir des bars tout doucement. Je me suis d’ailleurs fait accoster dans les escaliers menant audit point de rencontre par un groupe de trois personnes qui m’ont demandé ce que je faisais et qui m’ont conseillée de ne pas aller au spectacle car « il va pleuvoir à 5h du matin! » Ils avaient raison sur un point : il a effectivement plu toute la matinée. Mais j’ai très bien fait d’assister à ce spectacle. Voici pourquoi.

Un coup tous installé dans l’autobus scolaire qui servait de navette, des notes de flûte se sont mises à flotter dans les airs. Le multi-instrumentiste Juan Sebastian Larobina, qui a joué dans la première et la seconde édition du festival ainsi qu’en 2005 et 2011, s’occupait de l’ambiance musicale. « Il faut que personne ne s’endorme », a-t-il expliqué. Il s’est assis à mes côtés, comme j’étais seule, pour offrir de multiples chansons, dont une reprise de Le vent nous portera, qui, avec son accent latino, prenait un nouveau sens. Lorsque j’y repense, j’ai l’impression que c’était un rêve tant c’était magique comme moment.

Crédit : Roger St-Laurent

Parlant de rêve, le spectacle de Vieux Farka Touré au lever du soleil m’a laissé la même impression. Je ne sais pas si c’est parce que je n’avais pas dormi, si c’était le lieu tout simplement magique ou le contexte de festival, mais je dois me convaincre en écrivant ces lignes que je n’ai pas imaginé ce moment. Pour cette 11e édition des spectacles au lever du soleil du FMBM, l’organisation a décidé d’y aller avec Vieux Farka Touré. Choix audacieux, selon moi, qui s’inscrit quand même dans la ligne directrice du festival. Il aurait été facile de miser sur un choix plus convenu pour s’assurer de vendre des billets, mais ce n’est pas un problème qu’a eu le festival : en 24h, tous les billets s’étaient envolés.

C’est donc sous des parapluies mauves et blancs prêtés par un des commanditaires du festival que le public s’est rassemblé. J’aimerais quand même souligner ce bon coup du festival : plutôt que d’annuler ses spectacles lorsque la pluie s’invite à la fête, il s’arrange pour prêter des parapluies. Passons au programme principal maintenant : la performance du guitariste malien. Le jeu de guitare de Vieux Farka Touré est tout simplement incroyable. Les percussions et les basses viennent nous chercher droit au cœur. Les mélodies bluesy du musicien ont même réussi à me faire oublier (un peu) ma fatigue.

Quand on s’arrête pour y penser, il y a quand même quelque chose de fou à se donner rendez-vous au Cap Bon-Ami du parc Forillon à 4h45 pour un spectacle de musique. C’est une belle folie quand même, le genre d’expérience à vivre au moins une fois dans sa vie. Il y avait quelque chose de tout simplement sacré dans cette présence et dans le spectacle. Même l’écoute était religieuse. Or, tel qu’énoncé par Vieux Farka Touré, on n’aura pas le droit à un lever du soleil à proprement dit. Le temps restera nuageux tout au long de la performance, et les parapluies, rois. Ils empêcheront une bonne partie de la foule de voir les musiciens également, mais l’artiste a offert une performance plutôt contemplative, qui ne nécessitait pas nécessairement de voir ce qui se passait sur scène.

EMDE

Après une bonne sieste de quelques heures, je suis allée rejoindre EMDE qui jouait au resto dans l’hôtel où je logeais. J’aurais pu aller voir Inbal Zadok, qui était au même moment, comme j’ai assisté au spectacle du musicien malien le jour d’avant. Or, j’ai eu un immense coup de cœur pour sa proposition et petit deux je n’apprécie pas particulièrement le son du sitar (c’est d’ailleurs la raison derrière la quatrième position de Georges Harrison dans le palmarès de mes Beatles préférés). La question ne semblait pas trop se poser pour moi. Je ne pense pas qu’il y ait de meilleure manière de commencer une journée qu’avec un bon chocolat chaud et un spectacle d’EMDE. Son énergie et sa complicité avec ses musiciens, qui n’étaient qu’au nombre de deux cette fois-ci, m’ont bien fait sourire. Comme son concert est resté somme toute assez similaire, je vais m’en tenir à ces mots : s’il passe près de chez vous sous peu, allez voir EMDE. Vous ne le regretterez pas, promis.

Crédit : Alexya Crôteau-Grégoire

Valérie Ékoumè

C’est en ne m’attendant littéralement à rien que je suis sortie du QG des médias (où je rédigeais les lignes ci-haut) pour assister au spectacle de Valérie Ékoumè. J’ai rapidement été surprise par une pluie plutôt tenace. Mais malgré ce possible agacement, le public s’est présenté somme tout nombreux et prêt à participer. « Gaspé, tu aimes l’ambiance grave! » a lancé l’artiste camerounaise établie à Paris vers la toute fin de sa performance. Rapidement, un élément accroche mon œil : les masques d’éléphant des trois musiciens aux côtés de Valérie Ékoumè sur scène. « C’est interdit de voir ce qui se cache en dessous. C’est mystique. C’est une société secrète », explique-t-elle. « Tu ris?, demande-t-elle à quelqu’un dans la foule, fais attention! »

À un certain moment, ces derniers viendront nous rejoindre dans la foule pour faire la procession des éléphants. Tous doivent les suivre et danser avec eux. Ça crée un mouvement de communion qui ne s’estompera pas de tout le reste du spectacle. Car rapidement, Valérie Ékoumè a pris le public dans sa paume et elle le contrôle comme sa marionnette. Chaque personne du public réagit à sa moindre demande, que ce soit de se baisser, de sauter ou de lever les bras. Elle était dernièrement en tournée au Canada, et ce spectacle au FMBM était sa dernière date. « Je compte sur vous pour faire mieux que les autres dates. » Je pense qu’il est safe de dire que ça a été défi relevé des deux côtés de la scène : Valérie Ékoumè a fait passer un excellent moment au public, qui lui a rendu son énergie au centuple. À un tel point qu’elle a souligné qu’on l’avait fatiguée, quelques chansons avant la fin, avec son immense sourire bien scotchée au visage.

Crédit : Alexya Crôteau-Grégoire

LaF

C’est à LaF qu’est revenue la tâche officieuse de clore les festivités du FMBM. Je dis officieuse, parce que le groupe Qualité Motel s’y arrêtera demain dans le cadre de sa tournée La virée du Saint-Laurent avec LaF et L’Isle. Je dois l’avouer : j’avais vu LaF l’an dernier aux Francos avec mes amis, et contrairement à l’un d’entre eux, je n’avais pas été nécessairement charmée. Pas que la formation n’était pas bonne, elle ne m’avait simplement pas marquée plus que ça. J’avais hâte de voir comment je vivrais ce dernier spectacle de mon périple gaspésien cette fois-ci.

« On a toujours voulu faire le Festival Musique du Bout du Monde, on le fait trois fois cette année », a lancé en début de performance le groupe. Trois fois, en effet, parce qu’il était également là hier soir lors des afters. Mais comme j’avais besoin de prendre le temps de consigner mes impressions d’hier avant d’aller voir Vieux Farka Touré, je n’y suis pas allée. J’ai plutôt misé sur leur performance de ce soir. Après quelques chansons, Bkay s’est foulé la cheville en direct sur la scène pendant la chanson Tour du monde. Sur le coup, il décide de continuer le spectacle. « Pour célébrer le fait que je me suis foulé la cheville, on vous fait une nouvelle chanson, ça vous va? », lance-t-il à la foule qui répond avec enthousiasme. Il reste énergique, mais dès qu’il doit se déplacer, on le voit clopiner. Finalement, LaF annoncera prendre une pause « pour raison de cheville. »

Pour faire patienter la foule, Mantisse et Jah Maaz feront quelques blagues, puis décideront d’arrêter, avant de revenir finalement pour faire une chanson à deux. Bkay reviendra avant la fin de cette première chanson à deux, sous les applaudissements du public. Malgré sa blessure, il terminera le spectacle tout en dynamisme, quoique plus statique qu’à l’habitude. La foule donnera toute son énergie au trio, en dansant abondamment.

J’aimerais souligner l’apport de Mantisse au sein du trio. Chacun des trois rappeurs de LaF a ses forces. Mais Mantisse me semble tout simplement magnétique. Mes yeux sont toujours attirés par lui, qu’il soit en train de chanter ou non. Il est mélodique, charismatique, dynamique et lorsqu’il n’a pas le lead, il joue le rôle du hypeman avec brio. Bref, ce spectacle de LaF était une excellente manière de terminer ce festival haut en couleur et m’a donné envie d’aller réécouter leur matériel.

Maintenant que mon expérience au FMBM est terminée, j’aimerais souligner le travail tout simplement incroyable de l’équipe qui travaille dans l’ombre. Merci aux bénévoles et à l’équipe qui a rendu possible cet événement. Merci de proposer une programmation diversifiée et surtout différente de ce qu’on retrouve dans les autres festivals. Merci de permettre aux festivaliers de faire d’aussi belles découvertes. Je repars à Montréal avec de très beaux moments gravés dans mon esprit et sur mon cœur. J’espère pouvoir vous retrouver l’an prochain!