Le Festif! de Baie St-Paul 2023 : Dumas, Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, DakhaBrakha et un tout petit peu de Daniel Bélanger
Comme toujours, il fait bon de passer à travers les vallons impressionnants de Charlevoix avant d’arriver à Baie St-Paul.
Il faut dire que j’avais pas mal de retard. Un retard qui m’a coûté le concert de Philippe B que j’espérais enfin voir de mes yeux vus. J’ai passé beaucoup de temps avec l’album Nouvelle administration qui m’a totalement charmé. Hélas, les dieux de l’automobile-partage n’étaient pas de mon bord en cet ensoleillé matin de juillet. Je me suis donc résigné à ce que mon aventure festivalière commence avec Dumas.
Et je vis des enfers, des reveeeeeeers
Il faut dire que Dumas n’en a pas essuyé énormément des revers depuis la sortie du Cours des jours en 2003. Avec cet album, Dumas s’est établi comme l’un des auteurs-compositeurs-interprètes talentueux de sa génération. Depuis, il continue à explorer son écriture, musicale comme textuelle, à travers de nombreux albums. Mais le Cours des jours a frappé un grand coup et l’amour du public pour celui-ci est important. J’ai moi-même succombé totalement à celui-ci alors que j’étais un étudiant universitaire. Ce qui est le fun de revoir Dumas jouer ses chansons d’antan aujourd’hui est qu’il est devenu un excellent performeur sur scène. On est loin du Dumas un peu gêné en première partie des Cowboys Fringants au Centre Bell. Alors d’excellentes chansons qui résonnent avec en plus les talents de performeurs qu’il a accumulé avec les années, ça donne un excellent concert. Entre les chansons de son album célébré, il a glissé quelques unes des pièces plus récentes de son répertoire.
Charlotte Adigéry & Bolis Pupul
Il y avait de la grosse visite belge de passage à Baie St-Paul avec Charlotte Adigéry et Bolis Pupul qui était en ville pour présenter les excellentes chansons de son album Topical Dancer. Si l’album a un côté franchement dansant, il prend une toute autre forme sur scène alors que les moments musicaux sont plus que entraînants et ont transformé la scène de la Microbrasserie Charlevoix en piste de danse à ciel ouvert. Même s’il n’y a que deux personnes sur scène, Charlotte Adigéry qui chante et occassionellement ajoute un peu de percussion, et Bolis Pupul qui chante, joue de la basse et part les échantillons sur sa machine, on dirait qu’un groupe complet nous balançait les chansons.
Parmi les moments les plus marquants, il y avait HAHA, cette pièce un peu irréelle où Adigéry s’époumone à rire à gorge déployée. Le duo l’a étiré bien plus que 3 minutes 26 de la version sur album et a fait danser la foule alors que les rires contagieux éclataient dans les airs. Les deux Belges ont aussi offert Thank You, cette pièce qui normalement porte une lourde charge ironique envers l’industrie musicale et certains de ses acteurs qui se croient plus importants qu’ils ne le sont, mais en même temps, elle prenait un peu les airs de remerciement envers la foule aussi. Blenda, cette chanson qui pose des questionnements importants aux gens issus de la migration et leurs enfants, a aussi été un bon moment du concert. Belle surprise de la soirée, Charlotte Adigéry a ressorti Paténipat de l’excellent EP Zandoli en 2019. Je ne savais pas que Bolis Pupul avait participé à la création de celle-ci et j’étais très heureux de pouvoir me déhancher sur ces rythmes addictifs. Ajoutons que le duo a offert cette excellente performance tout en étant enrhumé. Du grand professionnalisme.
Un peu de Dan, beaucoup d’Ukraine
Je suis arrivé à temps pour attraper quelques chansons de Daniel Bélanger avant d’aller faire un tour du côté de DakhaBrakha. Il y avait du monde à la shop pour l’auteur-compositeur-interprète montréalais que j’avais vu en concert sur la même scène il y a quelques années. Le début du concert avait les airs de celui que j’ai vu au MTELUS en mai dernier et ça m’a fait moins de peine de manquer la suite, car ma curiosité pour DakhaBrakha a pris le dessus.
J’ai donc traversé vers le garage du curé pour voir si la rumeur qui courait au sujet du groupe était réelle et je peux dire que le quatuor m’a convaincu. Avec leurs habits traditionnels ukrainiens et leurs coiffes impressionnantes, Marko Halanevych, Olena Tsybulska, Iryna Kovalenko et Nina Garenetska ont offert un concert construit comme une lente ascension marquée par les blessures d’un peuple en guerre. Sur les écrans, on pouvait lire des messages comme « Ukraine will win » ou encore « Russia is a terrorist state ». Ça, c’est quand on ne nous envoyait pas des images de victimes de la guerre ou encore une suite d’images de soldats sur leur téléphone cellulaire. Ça frappe puisque les soldats qu’on voit sur les images sont du même âge que nous. Ce sont des gens dans la trentaine qui ont plus l’air de gens communs qui ont dû prendre les armes pour défendre leur patrie.
Musicalement, le groupe mélange des chansons de différentes ethnies ukrainiennes avec de la musique contemporaine américaine comme le blues et le rock. Les quatre membres chantent avec leur timbre propre à chacun ce qui permet souvent de créer des tapisseries auditives convaincantes et puissantes. Ils se permettent aussi de l’inventivité comme Halanevych qui imite la trompette avec sa bouche et un jeu de main. Le climax dramatique de la prestation du groupe est arrivé alors que de la fumée bleu et jaune enveloppait le groupe. Le concert s’est terminé sur des notes plus joyeuses et entrainantes et la foule à danser joyeusement sur les rythmes atypiques de la formation. Un concert à la fois touchant et puissant.
Crédit photo: Couverture : Samuel Gaudreault / Le Festif!