FEQ 2022 | Jour 5 : Denzel Curry, Ludacris et une chanson de Marie-Pierre Arthur
Photos par Alexanne Brisson
Pour cette édition, le FEQ essaie de faire résonner la planète rap : deux soirées sur les Plaines, l’une pour la connexion Keb-Bruxelloise du 12 juillet, l’autre dédiée à nos voisins du Sud dimanche dernier. Une édition qui s’annonce comme un vrai régal pour le blanc-bec que je suis. Cette soirée ensoleillée du 10 juillet débute avec l’une des plus grosses pointures américaines : le Zeltron, l’ouragan floridien, nul autre que Denzel Curry.
Denzel Curry
19h40, il se présente avec une énergie sans bornes, la chevelure effilée comme un héros de manga. Après 2 chansons, il était tout simplement couvert de sueur. Même chose dans la foule, mais rajoutée à cela d’énormes nuages de poussière qui montaient des mosh pits un peu partout à l’avant-scène. Constat médical : après une journée, je mouche encore noir, on dirait que j’ai le nez d’un mineur de charbon du 19e siècle. Au centre de l’un des cercles se tient un jeune homme qui prend sa job de moniteur de camp au sérieux. En vrai animateur de camp pour adulte, il aidait les volontaires à faire des «backflips». Je n’ai pas osé demander l’aide de ce gentleman circassien de peur d’accrocher la vape de quelqu’un et de devoir répondre de mes actes par la bagarre.
Pendant que j’essaie de voler une paire de Pit Vipers sans me faire assommer à travers les brasse-camarades, Curry enchaîne les chansons pratiquement sans pauses. Il navigue entre ses trois albums avec aisance. L’agressivité incisive d’ULT ou de Sumo| Zumo se mélange sans aucun problème avec le joyeux foutoir de Ricky et Speedboat. Évidemment, il nous expédie avec sa précision d’art martial plusieurs pièces (Walkin ouvre avec ampleur les festivités) de Melt My Eyez See Your Future, nous prouvant que sa dévotion au Wu-Tang-Clan s’accorde avec puissance avec les basses fréquences du rap actuel. Il clôture son apparition déchaînée et magistrale avec Clout Cobain alors que la foule est en furie. La rumeur dit qu’il devrait revenir, en attendant on peut se consoler avec son Tiny Desk où il utilise sa prosodie précise entourée de cuivres. Un rappeur manga qui est atterri dans un club de dédiés au soul.
Ludacris
Après la performance essoufflante du Floridien à la tignasse épineuse, les Plaines se détendent un peu, pendant que le club de Ludacris se met en place sur la scène. Le rappeur d’Atlanta laisse d’abord son DJ, Infamous, réchauffer la scène. Une tactique bien agaçante à mon avis pour une prestation de festival, mais la foule est bouillante comme un spa, je me laisse donc flotter. Les bulles des seltzer bleuets et fraises font leur effet ! Le DJ prendra le relais avant la fin de la performance pour nous donner un avant-goût des festivités qu’il animera au Dagobert. Mon agacement est toujours présent, mais au moins il fait jouer Smells like teen spirit. J’inhale une autre bonne dose de poussière de mosh pit, mais aucun signe du gentleman circassien…
Luda passe résolument un bon moment sur scène. Souriant, un brin arrogant, il déballe son impressionnante quantité de succès, et moi qui croyais que sa carrière s’était arrêtée en 2004 avec Get Back! Il nous a offert Yeah !, Glamorous (qui vient d’être échantillonné par l’angelot Jack Harlow) et All I do is Win. Vous avez probablement remarqué que toutes ces pièces sont des chansons d’autres artistes dans lesquels Ludacris ajoute ses épices sudistes. C’est indéniable qu’il a un rythme vocal agile, festif, mais j’étais bien surpris d’entendre du Taio Cruz en 2022 sur les Plaines. Je ne me plains pas, je suis juste surpris.
En plus de ses pièces d’apparitions, Ludacris nous a présenté son entraîneur personnel dont c’était l’anniversaire. En bon boss, il a demandé à la gent féminine de s’«occuper» de lui durant la fin de soirée au Dagobert. Il chante encore, mais son sexisme est définitivement resté en 2004. Sur la scène, il a pris l’occasion d’annoncer la sortie du prochain film Fast and Furious en nous disant d’aller le voir. Une surprise de taille nous attendait : les prochains truands qui rejoindront la famille Toretto ne sont nul autre que Michel Barrette et Gildor Roy, les deux plus grands amateurs de vitesse du Québec. Au final, le vieux routier du rap festif a donné une prestation amusante qui ressemblait par moment à une soirée d’autopromotion. Une manière comme une autre d’aborder ce rap-jeu.
Puisque je ne portais pas de chapeau coloré et que je n’avais aucun tatouage facial, on m’a demandé de quitter les Plaines avant que les $uicideBoy$ ne me voient. Il faut se plier aux codes du rap. Pour sécher mes larmes en autotune, j’ai atterri à la fin du spectacle d’Ariane Moffatt, juste à temps pour qu’elle cède le micro à sa bassiste : Marie-Pierre Arthur. Sa version douce et tamisée de Rien à faire, accompagnée par son fils-danseur, a apaisé mon cœur de pseudo-thug de Limoilou.
Crédit photo: Alexanne Brisson