Porteur de singularité : une entrevue avec Blick Bassy
Cet artiste 360 vient d’être sélectionné parmi les 10 albums du Prix Joséphine à Paris.
Le cinquième opus Mádibá signé Blick Bassy – fameux auteur-compositeur-interprète, producteur, guitariste et percussionniste – célèbre ce qu’il désigne comme étant la « chaîne du vivant ». Le 13 juillet, il communiera au Festival international Nuits d’Afrique pour nous faire vibrer aux humeurs folles de l’été.
Amiral d’Afrique et d’Occident
Fier représentant de la culture camerounaise Bassa, Blick Bassy en porte bien plus qu’une particule de son nom d’artiste. Toute son expérience du village originel a cultivé son être et sa langue, structuré ses pensées et façonné sa lorgnette sur le monde. « J’ai eu de la chance de vivre dans ce milieu… » soulève-t-il. Un environnement qui lui donnera la piqûre de l’expression de soi par la musique et les cordes vocales. À 17 ans, il formera un premier groupe Macase, avec un son éclaté qui annonce la lancée d’un créateur ayant soif d’introspection et d’ouverture vers l’ailleurs. L’une des clés de sa longévité dignement acquise depuis 1996 qu’il reconnaît. « Le voyage forme la culture, il s’agit d’une richesse psychologique à acquérir. Apprendre de l’autre comme d’un être, à chaque fois unique, abreuve ma soif de compréhension et me surprend encore ! »
Comme à son habitude, le rituel de création de Blick Bassy l’amène à explorer une thématique. L’album Mádibá éclosau printemps conçu comme une ode écologique, au vivant et à l’eau, matière vitale. Son appel ? Décimons le chaos qui s’installe par la destruction des éléments à notre survie, dont l’eau dont on ne peut se passer. « Elle compose tout l’humain. L’eau peut vivre seule, mais pas nous sans elle. J’ai voulu repenser notre amitié avec le vivant, car chacun doit en être contributeur. »
C’est avec sa pop indé libre que le chanteur conquiert son auditoire de sa voix oscillante entre tonalités claires et envolées puissantes. Un muscle dont il renforce la physiologie comme la portée, l’amadouant selon sa démarche pleinement singulière. « J’ai toujours assumé ma voix et exploré ce couloir de liberté, ce qui fait mon unicité. » Blick Bassy s’exprime essentiellement dans sa langue bassa, sincère et belle par ses reliefs et intonations méconnus.
Quête du souvenir apaisé
Épris de justice, l’artiste se consacre à la résistance historique anti-colonialiste camerounaise. En chansons comme en posture militante, autour de la figure de Ruben Um Nyobe dit « Mpodol ». Après avoir rappelé le souvenir des indépendantistes camerounais de 1958 sur l’un de ces albums, Blick Bassy agit à titre de co-directeur de la Commission mémoire sur le Cameroun. Sa démarche vise d’abord à éduquer en tant que résident en France où personne ne connaît ce pan sombre de la guerre coloniale ayant fait 400 000 morts. « Il me fallait ramener cette histoire, car on doit vivre sincèrement et guérir des blessures. Il y a eu un contentieux, et la France doit le reconnaître. La colonisation française n’a pas été glorieuse, l’Afrique doit célébrer les siens, en comprenant le chaos du passé pour commémorer les nôtres. Nous devons cohabiter en paix pour la mémoire de nos anciens… »
Blick Bassy, le 13 juillet au Théâtre Fairmount
Crédit photo: Gabriel Dia