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Nicolet: «Créer des lieux avec la musique»

L’auteur-compositeur-interprète et ingénieur de son Nicolet présente ce vendredi 21 mai un second long format auto-réalisé, intitulé Dans la nuit lente. Cette nouvelle offrande fait suite à l’excellent Hochelaga, paru il y a déjà quatre ans. Le Canal Auditif tenait à s’entretenir avec le discret artiste, qui s’est exilé dans les Cantons-de-l’Est au milieu de la composition de l’album. On avait envie de parler de cette sortie qui a pris son temps, mais surtout, qui ouvre une porte sur un nouveau chapitre de vie pour Étienne Hamel, alias Nicolet. Celui du travail accompli et de l’exode vers la ruralité.


C’est au coeur des campagnes calmes et des forêts charnues de Sutton que Nicolet a construit sa maison de ses propres mains il y a deux ans, avec sa copine. Lorsque je rejoins Hamel via vidéoconférence, il revient justement d’une promenade en nature : « Il fait tellement beau dernièrement. Ça commence à sentir la forêt, les conifères. C’est bien stimulant, s’exclame-t-il gaiment. Construire notre maison, ça a été aussi trippant que de faire un album! Même genre de gros projet holistique qui touche à toutes les phases de ta vie, t’sais. »

Le petit gars de Montréal / Longueuil qu’il était a reçu l’appel de la région estrienne il y a près d’une décennie. Étienne et sa copine sont partis sur un coup de tête en appartement au village de Sutton. Leur retour à Montréal, dans Hochelaga, n’était que temporaire pour le travail et les études. « La région nous avait vraiment charmés. Alors on s’est lancé dans le projet de la construction et nous voici! La boucle est bouclée! »

J’ai tout d’abord eu le désir de matérialiser une idée, un mood, un lieu musical, plus que d’écrire une toune, t’sais. J’ai compris qu’au-delà de juste écrire de la musique, j’avais vraiment envie d’être capable de la matérialiser, de la conceptualiser, de lui faire prendre forme.

Nicolet
Nicolet
Crédits : Charles-André Coderre

Composer par instinct

J’avais entendu dire que Nicolet ne possédait ni technique ni théorie lorsqu’il a commencé à composer de la musique «sur le tard », il y a plus ou moins dix ans soit au début de sa vingtaine. « J’ai comme pas un cheminement musical tout à fait traditionnel, dans le sens où j’ai pas étudié en musique, puis à la base, je n’étais pas entouré de musiciens. » Hamel semble être de ceux qui sont beaucoup trop humbles pour le talent qu’ils possèdent, car il a su développer, au fil du temps, certaines techniques qui lui ont permis de « toucher un peu à tout », que ce soit à l’enregistrement, au mix ou à la composition. Il explique :

« Je ne suis ni un excellent guitariste ni un excellent parolier. Ma force, je crois que c’est de couvrir l’ensemble du spectre. J’ai tout d’abord eu le désir de matérialiser une idée, un mood, un lieu musical, plus que d’écrire une toune, t’sais. J’ai compris qu’au-delà de juste écrire de la musique, j’avais envie vraiment d’être capable de la matérialiser, de la conceptualiser, de lui faire prendre forme. Alors j’ai commencé à tâtonner par moi-même et ensuite je suis allé chercher ma seule formation postsecondaire à ce jour, soit une technique en sonorisation et enregistrement musical au cégep de Drummondville. »

« Ça a été un long cheminement qui commence à avoir du sens, parce que mine de rien, ça fait quasiment une dizaine d’années que j’ai commencé à faire de la musique. »

Nicolet
Crédits : dupaul

Une maison, un album, même affaire.

À force d’écouter Nicolet, je vois un parallèle se dessiner entre la construction de sa maison, la manière dont il a bâti son identité musicale et la façon dont il s’exprime pour parler de son album. Il crée des lieux qu’il érige lui-même en demandant l’aide dont il a besoin à des moments charnières. Dans le cas de sa demeure, je lui demande si le «système D» s’est activé, ou s’il est allé chercher certaines compétences qu’il ne possédait pas encore pour y arriver.

« Le parallèle est vraiment bon, car pour moi c’est un peu la même façon d’aborder les deux projets. » Toujours aussi humble, Nicolet spécifie qu’il ne veut pas avoir l’air de dire qu’il mérite tous les crédits. « Parce que j’ai longtemps tout fait tout seul au début [en musique], mais j’ai tranquillement compris que ça valait la peine de s’entourer pour obtenir des inputs externes… Parce que mes albums, je ne les ai pas faits tout seul. J’ai un super bon band! Avec la maison, c’est un peu la même chose. Je n’aurais pas pu faire ça par moi-même. On a travaillé fort et dur pendant toute la construction, mais la force c’est un peu de créer un réseau, puis d’aller chercher les gens qui sont en mesure de partager leurs connaissances avec toi pour en faire bénéficier le projet. C’est cet échange-là qui est intéressant. »

Hamel et sa partenaire ont travaillé de pair avec un entrepreneur de la région, spécialisé en construction de maisons écologiques et certifiées passives. Il me parle aussi d’un bon ami d’enfance, qui les avait suivis lors de leur premier déplacement à Sutton. « Il y est resté après mon départ à Montréal, il s’est acheté un terrain et y a construit sa maison. J’étais venu l’aider à l’époque, puis là, on a acheté le terrain juste à côté, on s’est construit, il est venu nous aider beaucoup. C’est un charpentier à la base, alors il était vraiment une ressource essentielle dans ce projet-là. »

Crédits : Charles-André Coderre

Je demande à Nicolet de se prêter au jeu des comparaisons pour pousser le parallèle encore plus loin. Quelles étapes de la construction de sa maison représenteraient les étapes de création de son album? Il accepte en rigolant.

« Clairement, moi qui fait les maquettes de mes chansons et qui les compose chez-moi, ça serait le plan. Après ça, on rassemble le band, on commence à réarranger les chansons et à les monter ensemble, ça serait comme les fondations? Après ça, on enregistre en studio, on monte les murs, la structure, tout ça… On continue à rajouter des pistes sur ce qu’on a enregistré, à faire venir d’autres collaborateurs, donc choisir un peu les portes et fenêtres, les revêtements… T’sais, le squelette est là, mais comment on arrange ça? Le mix, ça pourrait être l’étape de la peinture, on choisit les couleurs. Tandis que le master, ça serait comme… les moulures, le ménage, le vernis. Une personne pourrait entrer dans la maison sans se rendre compte que les moulures sont là, mais elle se dit quand même : Hey c’est bien beau ici, c’est bien fini! »

D’ailleurs, c’est encore à Emmanuel Éthier que Nicolet a donné sa confiance pour la touche finale pour Dans la nuit lente. Celui-ci avait occupé le même rôle sur Hochelaga.

Parlant de collaborations fortuites, Nicolet donne lui aussi des coups de main par-ci par-là à des amis. « Parmi mon groupe, j’ai la chance d’avoir des gens qui ne sont pas que des musiciens exécutants, mais qui sont aussi très créatifs et avec qui j’ai des liens étroits qui se sont tissés. » Il travaille entre autres avec le batteur Étienne Côté dont le projet solo LUMIÈRE (Laurence-Anne, Bon Enfant) vient de dévoiler son premier album. Il donne également de son temps au bassiste Étienne Dupré (Duu, zouz), qui joue littéralement avec tout le monde dernièrement. Nommons au passage Klô Pelgag, Mon Doux Saigneur, Larynx et Mélanie Venditti. « Je suis chanceux de l’avoir. En ce moment, on est en train de collaborer sur *quelque chose de secret*. Je trouve ça bien stimulant aussi! »

Crédits : Charles-André Coderre

King Gizzard & The Lizard Wizard, Brian Eno, Daniel Lanois, Talking Heads…

Dans la nuit lente est une oeuvre 100% éclectique. On croirait entendre la jangle pop de R.E.M. surle simple Le retour des animaux. D’autres fois, certains morceaux déploient des jams compliqués et abrasifs, tandis que les frissons courent sur nos bras avec la douce L’errance. J’ai donc envie de lever le voile sur les influences qui ont teinté de près ou de loin la création de Dans la nuit lente. Mais avant tout, je dois dire à Nicolet qu’il chante exactement comme Morrissey.

« Hey t’es pas la première personne qui me dit ça! Je sais que c’est le chanteur des Smiths, mais je dois avouer que je n’ai jamais écouté ça. […] Je vais le prendre comme un compliment! Mon album est assez éclectique, ça se promène beaucoup. Moi je suis vraiment un « amateur de musique » (rires) J’adore la musique!! », ajoute-t-il à la blague. « Sérieusement, j’écoute tellement de trucs diversifiés, alors au final, je vais piger à gauche et à droite. À l’époque où je composais l’album, j’écoutais autant du King Gizzard que du Daniel Lanois, que du Talking Heads ou du Eno, des trucs comme ça. J’pense que c’est un melting pot de tout ce que j’écoute et qui mijote dans moi. J’écoute aussi beaucoup d’afrobeat, de l’instrumental japonais un peu New Age des années 1980, et de plus en plus de musique portugaise ces temps-ci. »

Ça alors. On a exactement les mêmes goûts! Il reste que ces choix musicaux ont tous un point en commun : Personne de ces projets-là ne se contente de se ranger dans une seule case! « J’aime ça être curieux, voir ce qui se fait ailleurs et sortir toujours de ce que je connais », reconnaît-il.

« J’ai pas nécessairement un message que je souhaite véhiculer, je ne m’assois pas pour composer une toune pour parler de quelque chose. Quand je commence une chanson, j’ai une intuition abstraite, je m’y promène et je me laisse guider là-dedans. Ce sont les apparitions et les accidents qui ont lieu qui forment ce que la chanson va devenir. Et c’est peut-être bizarre d’appliquer ça à de la chanson. J’ai trouvé une façon de le faire au fil des années. »

Qu’est-ce que le futur réserve à Nicolet?

Pour se désennuyer en période de confinement, Hamel a commencé à travailler sur un album de musique instrumentale, qui n’aurait aucun lien avec Nicolet. « C’est littéralement plus axé sur la création d’espaces et d’univers. »

Autrement, puisqu’on ne peut rien prévoir à long terme, rien à l’horizon, sauf un concert de lancement. L’artiste passera les deux prochaines semaines en répétition pour celui-ci, qui aura lieu le 3 juin au cabaret La Tulipe. Le réalisateur de ses trois vidéoclips Charles-André Coderre, qui travaille presque uniquement sur pellicule 16mm, fera de la projection en direct sur grand écran, à l’aide de plusieurs projecteurs à la fois.

« C’est fou! Il manipule, superpose et crée des loops d’images en live avec les rubans. Ce sera l’habillage du spectacle, dont les images inspirées des quatre saisons ont été tournées en même temps que mes vidéoclips dans la dernière année. Le lancement sera l’aboutissement de cet environnement visuel avec la musique du band. Je suis bien enthousiasmé ! »

Vous pouvez précommander dès maintenant l’album Dans la nuit lente de Nicolet via Bravo musique et Bandcamp.

Pour toutes les informations à propos du lancement du 3 juin, c’est par ici.

Pour voir tous les autres vidéoclips de Nicolet, ça se passe sur sa chaîne YouTube.

Crédit photo: dupaul