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Ambre Ciel Calamine Étienne

Entrevue avec les finalistes des Francouvertes 2021 : Ambre Ciel, Calamine et Étienne Coppée

Les finalistes du concours Les Francouvertes 2021 ont été dévoilés le 28 avril dernier. Ce sont les projets de la compositrice de musique néo-classique et ambiante Ambre Ciel, la rappeuse féministe et queer Calamine ainsi que le chaleureux auteur-compositeur-interprète Étienne Coppée qui s’affronteront le 17 mai sur la scène du Club Soda de Montréal pour obtenir les faveurs du public et du jury.

J’ai rencontré ces trois douceurs dans ma cour arrière, sous une pluie de pétales d’un pommetier en fleurs — c’était féérique. Nous avons discuté de cette ultime soirée où iels devront se montrer encore plus assumé.es et convaincant.es. On en a profité aussi pour jaser d’indépendance dans l’industrie de la musique, d’affronter leurs peurs sur scène, de rap islandais et de leurs coups de coeur musicaux du moment.

Habile montage par Eloïse Léveillé
Photo par Clémence Giroux-Tremblay
LCA : Avant toute chose… Possédez-vous des indices sur l’identité de la personne derrière le compte Instagram Luis-Juan Cormier? 

Calamine, éclatant de rire : « Je sais trop pas, mais il est tellement drôle! »
Étienne : « Moi j’ai l’impression que c’est plus qu’une personne… Je pense qu’on cherche mal! Un détail à ne pas négliger. » 

LCA : Bon, ce n’est pas mon jour de chance. Je poursuivrai mon enquête rigoureuse une autre fois.
Vous semblez être tous les trois des naturels. Ça semble si facile lorsque vous êtes sur scène de jouer vos compos. Vous dégagez l’assurance! Avez-vous dû vaincre certaines peurs quand vous avez décidé de faire de la scène?

Calamine : « Moi perso, ça ne me vient pas naturellement de me mettre de l’avant. Au départ dans ma carrière, si tu m’avais demandé de choisir entre ça, ou ne pas faire de scène et juste composer de la musique, je pense que j’aurais choisi la deuxième option, parce que je pourrais facilement ghost-writer dans l’ombre, j’aimerais ça! Ma motivation à faire de la musique ne vient pas du fait de monter sur un stage. Aussi, quand t’arrives avec des messages militants, t’as comme pas le choix de mettre ta face dessus. Il manque de représentation des femmes et de la communauté queer en rap , alors je me suis dit qu’il fallait que je le fasse. Alors la scène s’est présentée comme un mal nécessaire et finalement, je suis devenue à l’aise à force d’en faire. »

Pour Ambre Ciel, le nerf de la guerre était plus de trouver une manière d’adapter une harpe et des synthétiseurs au format des Francouvertes. : « Moi j’ai étudié en interprétation au violon puis en musicologie à l’université, alors c’est full abstrait… J’ai eu quelques cours en composition, mais c’était surtout de l’initiation. Je m’identifie plus comme compositrice qu’interprète. On dirait que le contexte de performance des Francouvertes, avec les contraintes au niveau technique aussi, ça m’a poussé à me libérer de toute volonté de « performer », de gagner des prix et d’être comparée à d’autres projets. Je me suis mise dans le mindset [état d’esprit] que « c’est la musique qui compte et rien d’autre ». »

Étienne : « Moi ça me stresse encore beaucoup de monter sur une scène, mais je pense que ce que les gens perçoivent pendant mes spectacles versus ce qui se passe dans ma tête, c’est pas du tout pareil. Dans mes premiers shows, je le disais que j’étais stressé dans mes interventions. On m’a dit qu’on ne remarquait pas ce détail jusqu’à ce que je le dise, parce qu’une fois que je l’avouais, là on le voyait. Alors, j’ai appris à trouver une manière d’avoir du plaisir sur scène, de me laisser aller et de me surprendre moi-même, d’accepter que ça va se passer comme ça va se passer. Je pourrais devenir une bibitte de studio moi aussi [en référence à Calamine], mais je pense que c’est en spectacle que ma musique prend le plus son sens. J’ai envie de donner ma musique aux autres. Spotify le fait bien, mais c’est moins humain! »

LCA : Ambre Ciel et Calamine, vous composez actuellement du nouveau matériel. Étienne, tu peaufines ton prochain album. Est-ce que vous allez casser de nouvelles choses le soir de la finale?

Calamine : Déjà en demi-finale on a essayé une nouvelle touneLes jours de pluie — puis ça a bien été. Dans les commentaires qu’on a reçu, on nous a dit que notre show était un peu linéaire dans le mood, t’sais, que c’était assez smooth. Alors on en sort une qui est plus entraînante et sportive! Ça rajoute un p’tit thrill! On a vraiment hâte de la faire. »

Ambre Ciel : « Moi j’ai joué les quatre même chansons ; J’ai adapté avec des délais serrés le EP Vague distance que j’avais sorti à l’hiver dernier en créant de nouveaux arrangements pour être accompagnée de musiciennes et musiciens. Mais oui, j’ai une nouvelle compo qui sera possiblement prête pour la finale! »

Étienne : « En prévision de trois spectacles aux Francouvertes, je voulais absolument qu’il y ait des changements dans le setlist [l’alignement des chansons]. Donc je me suis gardé une chanson que je n’ai pas encore fait. »

LCA : Quel est votre projet coup de coeur de la 25e édition?

Calamine : « Moi j’ai vraiment aimé Douance. Oui merci, j’ai adoré leur énergie! Perséide, leur stoner rock a vibré dans mes cordes! Aussi, Les Monsieurs! Leur espèce de grosse loghorrée sur l’apocalypse et la fin du monde, je trouve qu’ils ont livré la marchandise. Ah! Mais Bermuda aussi! Gros groove. »

Étienne : « Grosse question! Ben… Ambre Ciel, j’ai vraiment un gros crush là-dessus! [S’adressant à elle] J’ai vu ton show en diffusion, alors j’ai hâte de le voir en vrai, avec les vibrations et tout. Mais pour vrai, mon coup de coeur cette année, c’est la diversité musicale. Et je m’assume complètement dans ma têteusité, en disant ça (rires). Le fait que nous trois on se retrouve en finale, ça me confirme que la musique va bien en ce moment au Québec. »

Ambre Ciel : « C’est effectivement une grosse question. J’ai vraiment été impressionnée par la prestation de Super Plage car c’est un projet qui serait « facile » à rendre, mais il l’a performé avec des musiciens. Puis Virginie B, sa voix…! Wow. Sinon je suis très fière d’être avec Étienne et Calamine. Étienne a un projet pop loin peaufiné. Puis Calamine, ton show m’a rendue nostalgique parce que ça me rappelle un festival en Islande, où j’ai vu un groupe de rap islandais — j’écoute pas vraiment de rap, mais j’écoute du rap islandais! Ton projet m’a ramenée un peu là-bas et ça m’a fait du bien en pandémie. Je trouve qu’avec les enjeux que tu adresses, en plus avec l’année qu’on a eu, on dirait que j’étais pessimiste par rapport au milieu musical et là je le suis moins. »

LCA : Pour terminer mes entrevues, j’aime demander aux artistes quelle est la dernière chanson qu’iels ont écouté aujourd’hui.

Mais ma question prend le bord puisque ni Étienne ni Ambre Ciel n’ont leur téléphone portable sur eux. D’autant plus qu’Étienne possède un flip phone ! Calamine, quant à elle, bloque ses données pour réduire son temps d’écran. Décidément, les finalistes de la 25e édition donnent le bon exemple. Je leur demande alors quel.le artiste les fait tripper en ce moment.

Ambre Ciel : « Justement, le duo de rap islandais dont je parlais (rires)! Ils s’appellent Jóipé et Króli. Je suis allée cueillir des têtes de violon en fin de semaine et on écoutait ça dans la voiture. »

Calamine : « La Torontoise Haviah Mighty (The Sorority) c’est malaaaaade! Et un duo de rap féminin de Calgary, Cartel Madras. C’est genre du Megan Thee Stallion canadien. Elles sont vraiment fortes, leurs clips sont badass, grosse affirmation de fxmme et tout. » (D’ailleurs, les deux seront au Festif! de Baie-St-Paul en même temps que Calamine. Notez ça!)

Étienne : « On dirait que je suis plate : J’écoutais les Beatles avant d’arriver… I Want You (She’s So Heavy)la toune qui dure 7:47 minutes, à la fin c’est genre quasiment métal ! Ça coupe, puis t’as Here Comes the Sun qui part direct après. Ce duo de chanson-là, c’est du génie comme ça se peut pas. Sinon, c’est l’album de Charlotte Cardin qui tourne en boucle! Ouais, Beatles / Charlotte Cardin, c’est mon signe en ce moment. 

LCA : « Oui, Phoenix est un solide album pop. C’est le fruit d’un travail de cinq ans ! »

Étienne : « Je trouve ça beau les artistes qui prennent du temps pour créer un album, parce que ça veut dire qu’il ou elle est en train de vivre des trucs. J’ai l’impression que de plus en plus, l’industrie et le monde dans lequel on est nous force à penser qu’après un an, ça commence à être long puis qu’il faudrait sortir quelque chose. Phoenix c’est bon bon bon bon, c’est super authentique et honnête. Il était temps, au Québec, d’avoir une pop dont on est fier. Admettons que Marc Dupré, c’est pas mon The Weeknd ou mon Justin Bieber. J’aimerais ça qu’au Québec, on puisse aimer assez un artiste pop pour qu’en festival on capote t’sais. Je trouve que Charlotte Cardin a ce potentiel. En tous cas, c’est très personnel, hein! »

Calamine : « C’est drôle, mais moi l’aspect marketing d’attendre et de calculer ses sorties de manière stratégique… Je me trouve à l’opposé de ça. On a approché un peu des maisons de disque pour de la mise en marché et tout, puis on me dit toujours : « Ah, si tu viens avec nous, on est booké jusqu’en 2022, on ne pourra pas te distribuer d’ici là ». Mais on a tellement de stock que ça nous sort par les oreilles. Comme j’ai toujours hâte de dropper des singles, je fais tout de manière indépendante, je m’en fous, genre. Pour Boulette Proof, on a sorti rien qu’un single et on a droppé un dix tracks d’un coup. C’est loin d’être stratégique de faire ça, mais regarde… Elles sont là [les chansons], elles sont prêtes, alors on balance! »

Étienne : « J’pense que c’est exactement ça la vibe dans le monde du rap, et ce que tu fais est stratégique en fait. Il y a quelque chose de : « C’est qui le plus prolifique »? Parce que si Daniel Bélanger sortait une toune par semaine, on lui dirait de se calmer et de prendre son temps puis de faire un album. Alors que dans le rap ou le hip hop, il y a peut-être une atmosphère de compétitive de : « J’écris plus de chansons que toi, elles sont f*cking bonnes, alors je vais les sortir à chaque trois semaines ». C’est cool, t’sais vous avez vos propres règles. »

LCA : Ne jamais oublier que chaque chemin est bon! Il y a des groupes comme Men I Trust qui n’ont jamais rien voulu savoir d’un label et qui sont indépendants depuis toujours, mais qui roulent leur bosse partout en Amérique et même en Asie. Ils ont des bookers un peu partout. Puis t’as des bands qui, à force de se faire dire non par des labels, s’ouvrent leur propre boîte de gérance. C’est le DIY pur et dur. Bref, peu importe la route que vous allez prendre, ce sera la bonne. 

Assistez virtuellement à la Grande Finale de la 25e édition du concours Les Francouvertes ce lundi 17 mai à 20 h, en direct du Club Soda de Montréal.

Crédit photo: Frédérique Ménard-Aubin

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