Avec pas d’casque | Entrevue : lever (un peu) le mystère sur Cardinal
Il fait soleil sur l’heure du diner à Rouyn-Noranda quand je rejoins Stéphane Lafleur, Joël Vaudreuil, Mathieu Charbonneau et Nicolas Moussette autour d’une table à piquenique pour discuter de leur 6e album en carrière.
Il y a des choses qui ne changent pas dans la carrière d’Avec pas d’casque : la douceur de leur folk, l’humour que Stéphane Lafleur saupoudre dans ses textes, la poésie qui est omniprésente, les arrangements magnifiques et leur succès. Avec pas d’casque est un groupe qu’on s’arrache presque. La preuve : il faisait deux concerts à guichet fermé pour venir présenter un album qui n’était pas encore sorti au FME et il a déjà vendu deux La Tulipe à Montréal en novembre : le premier a pris 4 minutes, le deuxième douze. Mais ça, les quatre gars autour de la table n’en diront mot pendant la demi-heure qu’on va passer ensemble. Trop humbles. Trop humains. Avec les préoccupations ailleurs.
Sur la route
Avant de faire cette « rentrée montréalaise », Avec pas d’casque va avaler de l’asphalte sur les routes du Québec. La formation sera aux quatre coins de la province pour présenter Cardinal au cours de l’automne, mais avec un rythme acceptable. Des concerts en grappes, mais avec des moments pour souffler entre elles. Joël Vaudreuil ajoute : « On a demandé à nos bookers de ne pas booker toutes les semaines parce qu’on ne veut pas que dans un mois, on regrette, puis qu’on voit la montagne qui s’en vienne. Qu’elle soit infranchissable, tu sais? Ça fait que je pense qu’il y a ça aussi qui est cool. »
Parce qu’avec des vies bien remplies, des familles dans le mix, les quatre membres du groupe veulent garder le plaisir au centre de tout ça. Parce que les moments sur scène ne sont qu’une petite partie de la vie d’un groupe. Stéphane Lafleur ajoute que : « J’aime bien répéter, tu sais, qu’être un band, c’est être 90% du temps dans une van, tu sais, puis 5% de musique. » L’autre 5% sont les bières après les concerts à rencontrer des gens sur la route, faire des entrevues et tout le tralala.
L’amitié avant tout
S’il y a une chose qui habite Avec pas d’casque, c’est l’amitié qui lie les quatre musiciens. S’ils n’ont pas sorti d’albums depuis 8 ans, ils ont tous été occupés sur d’autres aventures artistiques auxquels les autres membres ont participés. Joël Vaudreuil résume bien pourquoi l’amitié est si importante : « Fait que moi, je trouve que c’est ça : entre quelqu’un qui me dit, moi, je suis vraiment bon, j’ai fait ce job-là dans plein de films, puis mon ami qui est capable de faire la job, mais à qui j’ai envie de te parler tous les jours. Je vais choisir le deuxième. Le band, ça ferait longtemps qu’ils marcheraient plus si on jouait ensemble parce qu’on trouvait que l’autre, il fait juste des accords cool. »
Mathieu Charbonneau a travaillé à la musique de Viking, le dernier long métrage de Stéphane Lafleur, Nicolas Moussette était chef animateur sur le film d’animation Adam change lentement de Joël Vaudreuil, Mathieu Charbonneau y a aussi participé pour les arrangements musicaux. Bref, tout le monde collabore.
L’album qui s’en vient est flambant neuf (ou presque)
Les pièces qui composent Cardinal, à l’exception Le soleil se cherche du stationnement dans l’horizon qui a été composé pour une session en studio lors de la dernière émission de Bande à Part en 2013, ont été travaillée pour la première fois lors d’une résidence de création au Bic à la fin de la tournée précédente. Puis, la formation a été prise par des projets individuels. C’est un concert au festival BleuBleu en 2021 qui a été la bougie d’allumage pour replonger dans le matériel qu’ils avaient composé quatre ans auparavant.
Après avoir travaillé les pièces et en avoir environ 16 de prêtes, le groupe a donné deux concerts en novembre 2023 où il a pu tester les nouveaux titres devant un public principalement composé d’amis. Stéphane Lafleur explique que : « On s’est dit, ce serait le fun d’aller casser les tounes devant du monde deux soirs dans une petite salle. On s’est arrêté sur le Verre Bouteille. Comme l’idée du studio, c’était d’être tout le monde ensemble et de jouer les tounes ensemble, il faut que tu les aies vécues un peu ces chansons-là. Puis la meilleure façon de le faire, c’est de les savoir comme il faut. Puis la meilleure façon de les savoir comme il faut, c’est de savoir que tu vas les jouer devant du monde, parce que tu as moins envie de te casser la gueule. Tu sais, arriver en studio et de ne pas connaître la toune, c’est correct, on va te pardonner. Mais devant du monde, c’est un peu plus gênant. »
Le groupe a pu faire des constats. Les membres en parlent beaucoup comme une question de sentiment par rapport à la chanson et la réaction du public. Un sentiment que la mayonnaise prend ou ne prend pas. Tous sont clairs sur le fait que, comme dirait Nicolas Moussette, : « tu le sens dans la pièce » quand une chanson frappe les bonnes cordes. À ce titre, ça ne veut pas dire que c’est le seul test. Mâcher tes bottes, le premier extrait du nouvel album, a été joué dans une version complètement différente. La mélodie ne satisfaisait pas le groupe, mais en studio un essai a tout changé. Christophe Lamarche-Ledoux (Organ Mood, Chocolat) a pesé sur « enregistrer » et la magie a opéré.
Mystère et relations humaines
Si les relations humaines occupent encore une bonne place dans les paroles de Stéphane Lafleur, notamment les amis et la famille, on retrouve aussi une pièce intéressante qui parle d’« accepter le mystère ». Et même si Lafleur le transforme, sa genèse est autre : « Je suis toujours embêté de dire la genèse de ce truc. J’étais avec du monde, puis on a vu quelque chose dans le ciel de Montréal. En fin d’après-midi. Puis, on ne sait pas c’est quoi. Puis, on ne l’a assez bien vu. Puis, c’est resté de même. Puis, on a décidé d’accepter le mystère. Mais, si tu me demandes le point de départ de la chanson, c’était ça. Je me suis dit, bien, ça s’applique à beaucoup de choses dans la vie. Il faut parfois juste accepter le mystère. » N’allez pas dire le mot ovni, il ne s’agit pas du tout de ça et Lafleur réfute totalement le mot. Mais… il y a du mystère tout de même. Et c’est peut-être là que réside le plus grand élan de poésie.
À travers le tout, Stéphane Lafleur parle aussi de la nécessité d’équilibre, thème qui était déjà présent sur Effets spéciaux. « On fait des drôles de métiers. Puis, toi aussi, je suis sûr que tu travailles 7 jours sur 7. Essayer de trouver un équilibre là-dedans — on a beau aimer ce qu’on fait — ce n’est pas évident. À un moment donné, c’est facile de se perdre. Puis, là, je te parle de travail, mais je parle aussi de réseaux sociaux, de ces discussions-là qui tournent en rond. Puis, de tout le monde qui se pitche des marteaux sans se connaître. À un moment donné, c’est juste de prendre un petit pas de recul. Ce que Nicolas a très bien fait. Oui, il est allé… Toi, tu as vraiment pris un bon pas de recul. Toi, tu es allé vivre à la campagne. »
Joël Vaudreuil pour sa part ajoute que : « C’est des jobs tough. Puis, tu travailles 24 heures sur 24. Fait que si la personne avec qui tu travailles, ce n’est pas un de tes amis avec qui tu peux faire des jokes, le fun, le plaisir, il est nulle part. » Et on revient au début de cette entrevue avec l’importance de travailler avec des amis. Une chose est sûre, l’harmonie et les sourires étaient bien présents par cette belle après-midi de fin août à Rouyn-Noranda.
Avec pas d’casque lancera Cardinal le vendredi 13 septembre. Vous pouvez précommander et présauver sur votre plateforme préférée ici. Le groupe sera en tournée au cours de la prochaine année, vous pouvez voir les dates ici.
Crédit photo: Christophe Lamarche-Ledoux