Pitchfork Music Festival 2018 – Vendredi
Le week-end débute avec des vibrations psychédéliques, douces et envoûtantes de la Natural Information Society. Tous les membres sont assis et semblent plongés dans un dialogue avec leur instrument. Au centre du groupe, Joshua Abrams, un ancien membre de The Roots, joue de son guembri, une guitare en peau de chameau d’Afrique du Nord qui ne possède que deux cordes. Un instrument étrange qui sonne parfois caverneux et qui n’a pas de grandes subtilités, mais qui surprend par l’étendue de son registre. Les sons curieux produits par le guembri sont magnifiquement complétés par les autres instrumentistes accomplis. Ils bâtissent ensemble de longues pièces dont l’origine est le jazz, mais qui se termine en expérimentations hypnotiques de plusieurs minutes. Malgré les quelques averses, le public est resté conquis du début à la fin.
Déplacement vers la scène verte où Tierra Whack, une jeune rappeuse de Philadelphie doit performer. Peut-être pour faire honneur à son propre nom de scène, la prestation débute bizarrement avec son DJ qui balance des succès de hip-hop pendant 10 minutes. Finalement, elle apparaît et semble survoltée. Malgré le départ ordinaire avec son DJ, elle se rattrape avec son débit impeccable, qui me rappelle celui de Missy Elliott, et ses chansons accrocheuses. Elle avoue sa nervosité devant la plus grande assistance qu’elle n’a jamais eue. Bien que nerveuse, elle s’amuse à nous faire répéter son nom « Whack » et des sons incompréhensibles. La foule est joueuse et se prête volontiers à l’exercice, ça fait changement des foules du FEQ (je n’en suis toujours pas revenu). Au final, une prestation courte (son premier album dure seulement 15 minutes) et dynamique qui montre le potentiel de l’artiste. J’espère que la prochaine fois que je la verrai ce ne sera pas pour passer le quart du spectacle avec son DJ…
Toujours en mode hip-hop c’est au tour du natif du west side de Chicago, Saba, de conquérir la foule. Signé sous l’étiquette de J.Cole, Saba est un MC qui mélange un débit old school à des ambiances trap et jazz. Ses histoires sont denses. La foule le suit dans la dureté de son quartier, ses échecs amoureux, son désir de s’éloigner d’une violence quotidienne. Parfois crooner, un peu trap, il montre que les deux genres se marient bien sans que le contenu soit redondant. Attention, Drake, la relève s’en vient! Une prestation émotive et spéciale pour l’artiste qui le répète à plusieurs reprises et qu’il dédie, comme tous ses spectacles, à son frère assassiné à l’hiver 2017.
Après l’énergie contagieuse du rappeur de Chicago, direction la musique mélancolique de Big Thief. Dès les premières notes, voire même durant le soundcheck, la foule semble impatiente d’entendre les pièces de la bande de Brooklyn. Je n’avais pas été convaincu à l’écoute de leur dernier album, mais en direct impossible d’être indifférent à la voix d’Adrianne Lenker. Une voix bien grinçante qui mélange blues, country et rock ambiant. Ça sonne grandiose quand elle nous parle de douleur amoureuse ou de la beauté d’une fleur. Elle nous offre un solo de guitare à tout casser en plus. Un groupe que je surveillerai avec attention à l’avenir.
Pour la fin de soirée, Courtney Barnett a offert un concert avec un bel équilibre entre ses chansons rock tranquilles et ses moments punks, mais c’est un spectacle que j’apprécie dans l’herbe un peu en retrait. Sans être au cœur de l’action, j’apprécie beaucoup les qualités de la musique de Barnett qui se prête à n’importe quelle ambiance. Avec le soleil couchant, l’Union Park prend des airs de fête de quartier, je suis charmé.
Puis, la foule se masse avec excitation pour les enfants chéris de l’Australie Tame Impala. Ils arrivent sur scène pile à l’heure, comme tous les spectacles de la journée, tout est parfait ou presque. Rapidement, la foule s’exclame Turn it up! Ce n’est résolument pas assez fort. Déjà que la voix de Kevin Parker se perd facilement à travers les couches de rock psychédéliques. C’est dommage, parce que la qualité du son avait été impeccable tout au long de la journée jusqu’à ce moment fatidique. Des confettis sont lancés à la 2e chanson… c’est beau. Mais « ils auraient pu mettre l’argent des confettis dans l’achat de plus gros speakers » (traduction libre du dude en arrière de moi).
Ce pépin technique ne vient que confirmer ma position sur Tame Impala : un groupe avec un don pour des pièces accrocheuses, mais dont la présence sur scène ressemble à celle de panneaux de cartons. Leurs superbes projections ne peuvent pas les sauver quant à moi, c’est donc le temps de quitter le parc.
Un départ convaincant pour cette édition. J’ai déjà hâte à Fleet Foxes samedi soir! On s’en reparle!
Crédit photo: Camille L. De Serres