Dinosaur Jr.
Green Mind
Dans le cadre de la chronique Le Vieux Stock, on célèbre ce mois-ci le 25e anniversaire de parution du 4e album de la formation originaire d’Amherst, Massachusetts, Dinosaur Jr, titré Green Mind. C’est paru en février 1991! Un peu d’histoire? Lorsque le groupe s’est formé, on y retrouvait bien sûr le meneur incontesté J Mascis (guitare, voix et principal songwriter), mais le trio était complété par l’icône alterno Lou Barlow (basse, voix) ainsi que par Murph qui officiait à la batterie.
Sous cette forme, Dinosaur Jr a fait paraître trois excellents disques sous l’étiquette SST Records. L’homonyme Dinosaur (1985) de même que les sublimes You’re Living All Over Me (1987) et Bug (1991). Souvent catégorisée dans la grande famille fourre-tout du rock alternatif américain, la bande à Mascis a toujours pigé dans les rythmes rapides et furieux du punk rock, proposant une ribambelle de riffs efficaces et des chansons très souvent caractérisées par des solos de guitare tonitruants et explosifs. La musique distinctive de Dinosaur Jr s’écoute manifestement le volume dans le tapis!
Dinosaur Jr était en effet une trinité rock relativement unie au cours de la gestation des trois premiers rejetons, mais cette belle solidarité a pris fin abruptement tout juste avant l’enregistrement de Green Mind. Puisque les tensions entre Lou Barlow et J Mascis montaient en flèche depuis la parution de Bug, le flegmatique, mais despotique pouilleux, a congédié sans ménagement Barlow; Mascis stipulant qu’il pouvait très bien se débrouiller seul comme un grand garçon… La preuve? C’est que Murph s’agite derrière les fûts sur seulement 3 chansons de ce Green Mind: The Wagon, Water et Thumb. La plupart du temps, c’est Mascis qui joue de la batterie. De son côté, Barlow en a profité pour aller former Sebadoh. Rien que ça! C’est pour vous dire le talent qui animait ce groupe!
Bien entendu, tous ces événements ont eu une influence majeure sur le son d’ensemble de ce Green Mind. La distorsion tapageuse, le son crotté, salopé et déflagrant fait place parfois aux guitares acoustiques, à un mellotron (voire la touchante Thumb) et à des ballades chevrotantes comme seul Mascis sait faire. Mais ce qui caractérise encore plus cet album, c’est l’avènement drastiquement plus prononcé des solos de guitare épiques et retentissants de sieur Mascis… ce qui est devenu, avec les parutions subséquentes, l’incontestable marque de commerce de Dinosaur Jr.
Dinosaur Jr se transforme alors et devient le projet du seul maître à bord: J Mascis. Au point où la qualité générale des chansons en a grandement souffert par la suite. Après Where You Been (1993), le plus grand succès commercial de Mascis, l’œuvre du chevelu «dinosaure» bat de l’aile, mais qu’à cela ne tienne, le virage entrepris à l’époque sur Green Mind fonctionne encore drôlement bien aujourd’hui. L’alternance entre les morceaux plus punk rock et les moments plus folk, inspirés directement du vétéran Neil Young (il s’agit d’entendre chanter Mascis sur ce disque pour acquiescer), permet à Dinosaur Jr d’élargir quelque peu son public sans perdre une seule once de pertinence. On y retrouve du Dinosaur Jr «classique» dans les pièces The Wagon et How’d You Pin That One On Me, mais le «guitar-hero» à la voix approximative émeut sur Flying Cloud, Water et Thumb (magnifique mellotron).
Bonus? La superbe photo qui enjolive la pochette de l’album intitulée Priscilla 1969, prise par le photographe Joseph Szabo, fascine toujours après autant d’années. L’album s’est hissé à la 168e position du palmarès Billboard 200 où il est demeuré pendant 6 semaines. Ce disque a contribué sensiblement au balbutiement de la vague grunge. Encore aujourd’hui plusieurs jeunes groupes se revendiquent de l’héritage de Dinosaur Jr. Green Mind n’est peut-être pas le meilleur album de Mascis (on lui préfère Bug et You’re Living All Over Me). Néanmoins, c’est un disque capital dans la carrière du groupe et c’est surtout le petit tremblement de terre précurseur du tsunami musical à venir un peu plus tard au cours de cette même année: Nirvana, Nevermind. Juste pour raison, Green Mind vaut la peine d’être écouté.
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