Mutoid Man
Bleeder
- Sargent House
- 2015
- 30 minutes
Vous connaissez le préjugé d’autorité? C’est ce réflexe à demi-conscient par lequel on attribue une valeur à l’argument d’autrui sur la base d’une expérience ou d’un témoignage. Le philosophe Emmanuel Kant a longuement disserté sur le recours aux arguments d’autorité, stipulant – si on résume à outrance – que lorsque nous cherchons à établir la véracité d’un fait, il faut soumettre l’autorité d’autrui au crible d’une rigoureuse analyse rationnelle. Ainsi seulement, l’argument d’autorité sera jugé valable, ou sera écarté s’il ne se plie aux critères de ladite démarche.
Eh bien critiquer un album de Mutoid Man, c’est un peu pareil. L’autorité ici, c’est le pedigree des forces en présence: les membres fondateurs, Steven Brodsky (Cave In) et Ben Koller (Converge, Acid Tiger, United Nations) ont non seulement une feuille de route impressionnante, ils peuvent également se targuer d’avoir révolutionner à leur position respective et dans leur groupe, la musique lourde, le heavy contemporain, le post-toute. Ajouter à cela, la sitedemo.caucteur Kurt Ballou (Converge, Baptists, Kvelertak, Trap Them et tout ce qui bûche finalement) et vaut mieux vous levez de bonne heure pour critiquer le travail de ces orfèvres du son.
Mais Bleeder, le deuxième album de Mutoid Man, est-ce qu’il est bon? Et pour répondre à cette question, il faudra confronter l’autorité du groupe à une fine analyse.
À la première écoute, ce Bleeder est moins accrocheur que Helium Head (2013). Cette impression demeurera aux écoutes subséquentes. Mais somme toute, on est frappé rapidement par la technique des musiciens bien rendue par une prise de son qui capture tout son côté sauvage.
L’ajout d’un troisième membre, Nick Cageao à la basse, ajoute de la rondeur au son du combo aussi. Toujours d’une furieuse rapidité, les chansons de Bleeder sont toutefois moins urgentes que les brûlots de «laser-métal» de Helium Head. Mais là où on perd en bordel sonore, on gagne en pesanteur, tout en conservant la précision mathématique de l’exécution.
À la première écoute donc, tout va très vite. On passe un bon moment, mais on termine l’exercice et on ne peut vraiment se remémorer un moment qui sort du lot, de cette trombe de décibels, à part peut être la pièce titre en clôture du disque, plus lente et texturé que l’ensemble. Ce titre d’ailleurs évoque Killing Is My Business de Megadeth, sachez-le.
Puis plus tard, en réécoutant, quelques morceaux se démarquent: Sweet Ivy, pour cette batterie improbable, Surveillance pour son refrain aussi accrocheur que répétitif, Beast pour sa lourdeur abyssale… Bref de bons moments en vrac, mais au final, cette impression pas du tout plaisante que la voix de Brodsky ne cadre pas avec l’assemblage métal-hardcore du trio. Exit les cris et les «growls», Brodsky chante avec une voix claire, soit désincarnée, soit «equalizée». Et ça nivelle également l’expérience d’écoute.
Pour un tel niveau d’intensité, pour une décharge aussi crue, on s’attendrait à une voix hargneuse, puissante, comme on ne l’entend que dans la conclusion de Dead Dreams.
Bref, un album technique, livré par de grands musiciens et un incontournable sitedemo.caucteur, mais un album que l’on n’écoutera pas longtemps.
Ma note: 6/10
Mutoid Man
Bleeder
Sargent House
30 minutes
https://mutoidman.bandcamp.com
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