James Blake
The Colour In Anything
- Polydor Records
- 2016
- 76 minutes
Il y a un peu plus d’une semaine, James Blake a sorti son album avec une formule surprise à la Radiohead et Beyoncé. Le chanteur post-dubstep-blue-eyed-soul-R&B-mélancolique avait fait tout un tabac avec l’excellent Overgrown qui, en plus de recevoir une pluie d’éloges de la critique, était reparti avec un prix Mercury.
Une chose que l’on peut dire de Blake, c’est qu’il n’est pas du genre à jouer les élitistes. Après le succès d’Overgrown, il a fièrement participé à quelques collaborations, dont deux pièces sur l’excellent Lemonade de Beyoncé. Ça se ressent sur The Colour In Anything puisque la progression du post-dubstep à la pop continue. Blake fait encore preuve d’autant de génie dans ses compositions, mais ses airs sont de plus en plus efficaces et se transforment en vers d’oreilles. Sur The Colour In Anything, il nous gâte de mélodies qui restent prisent entre les deux oreilles dont la velouté, touchante, simple, mais magnifique I Need A Forest Fire. Cette dernière compte sur l’apport de Justin Vernon et le mélange entre les deux voix hautes perchées et fragiles est émouvant. Très peu de textes, les mots étant répétés en boucle. Les deux chanteurs font plutôt confiance à la mélodie et l’émotion. C’est totalement réussi. Le genre de pièce qu’on peut écouter six fois d’affiler sans jamais s’en tanner.
Blake, qui a toujours aimé les collaborations, fait cette fois appel à deux importantes pointures de la musique contemporaine. D’une part, Justin Vernon, mieux connu pour son alias Bon Iver et Frank Ocean, l’un des artistes de R&B les plus pertinents et audacieux des dernières années. My Willing Heart, une pièce écrite avec ce dernier, commence avec une voix féminine soul et se transforme en chanson centrée sur le piano et la mélodie vocale mélancolique qui peint tout en gris. De légers arrangements viennent habiller l’ensemble et le résultat est tout à fait convaincant. Always et Meet You In A Maze sont aussi réussies.
Parmi les autres petites perles que nous envoie le chanteur anglais, Radio Silence, et ses paroles hypnotiques répétées en boucle, fait penser à Radiohead dans sa construction; bien que la facture est bien de Blake. Timeless évoque les lumières tamisées des fins de soirées. Put That Away And Talk To Me rappelle les meilleurs moments d’Overgrown alors que la dynamique et entraînante I Hope My Life nous souffle. Blake y va alors de plusieurs lancées vocales puissantes et efficaces.
Overgrown était une œuvre majeure. Ce n’est pas aisé de pondre un successeur de qualité. Blake y a mis un bon trois ans. Au final, The Colour In Anything possède un talon d’Achille: sa durée. C’est un généreux 76 minutes de musique qu’il nous envoie par la gueule. Ça fait beaucoup à prendre d’un seul coup. C’est beaucoup de rythmes atypiques, de mélodies inhabituelles et de mélancolie à absorber. C’est le genre d’album qui nécessite bien des écoutes. Mais au fur et à mesure, on découvre tellement de subtilités, tellement de beauté, tant de fragilité et d’humanité qu’il est très difficile de rester de marbre. Lui apposer une note devient un exercice difficile. Cependant, une chose reste claire, Blake frôle encore une fois le génie et continue de nous épater par sa maturité et son intelligence musicale.
Ma note: 8,5/10
James Blake
The Colour In Anything
Polydor Records
76 minutes
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