Emilie Kahn
Ten Thousand
- Secret City Records
- 2015
- 43 minutes
Il faut un certain temps pour se remettre d’une première écoute de Ten Thousand, le premier long jeu d’Emilie & Ogden. D’une beauté délicate et envoûtante, la voix d’Emilie Khan se marie avec le son majestueux des trente-huit cordes d’Ogden, sa harpe. La qualité de ce premier effort impressionne et marque l’imaginaire.
L’auteure-compositrice-interprète a composé un album indie-pop de onze pièces d’une haute qualité. Quelque chose dans les rythmes et dans les accents mis sur la voix rappelle l’œuvre de Feist (surtout sur Go Home), le duo harpe/voix évoque plutôt Joanna Newsom, l’ambiance féérique, onirique, elle, renvoie à Agnès Obel. Pourtant, il se dégage une saveur originale de Ten Thousand, malgré toutes les références possibles.
C’est qu’on a affaire à un album cohérent, qui exploite la harpe tantôt comme une guitare, comme un banjo pratiquement parfois, jamais comme un simple outil à féérie. Jamais, sur Ten Thousand, n’avons-nous l’impression de tomber dans un album de relaxation nouvel âge, comme malheureusement la harpe évoque si souvent.
Closer connaît une belle progression en intensité, soulignée par le violoncelle de Kaitlyn Raitz. Dans White Lies, la voix de Jesse MacCormack, qui a travaillé aux arrangements, rejoint celle de Khan pour un crescendo puissant. La finale de la pièce, violoncelle à l’appui, poigne au cœur. Des frissons, pour vrai. Il faut vraiment souligner l’apport de MacCormack, tant par sa voix qui se marie merveilleusement avec celle de Khan que pour son jeu de guitare, de basse, de banjo, la sitedemo.cauction et l’ingénierie (avec Jean-Bruno Pinard). On a pu constater avec Rosie Valland son apport, mais dans ce cas-ci, on est encore une coche au-dessus.
Long Gone, qu’on retrouvait sur le EP, agit comme un vers d’oreille pétillant: «Waiting for a sign/From the good Lord/I refused to be ignored/Cause I need answers much more than food». La batterie de Francis Ledoux (Fire/Works, Caltâr Bateau), efficace sur tout l’album, se démarque particulièrement sur la lancinante Go Home. Petro Amato, qui doit être le seul joueur de cor français du Québec puisque c’est lui qu’on retrouve sur tous les albums, a ajouté sa signature sur la jolie Babel.
What Happened est probablement la pièce qu’on voudra écouter en boucle le plus, parce que son refrain avec le petit «ouh» délicat, la bouche en cœur, fait rêver et que la finale de la pièce en «nananana» donne envie de se joindre au chœur. Une hymne pop efficace en tout point.
Enregistré surtout au Studio B-12 à Valcourt entre février et octobre 2014, en Estrie, dans une maison magnifique désignée par l’architecte Jacques De Blois, Ten Thousand a la charpente d’un album de musiciens d’expérience, l’originalité de la jeunesse, l’intelligence de la connivence.
Ten Thousand se réinvente de pièce en pièce, on visite l’album comme on déguste un livre d’art, en y revenant souvent. Les paroles soignées, délicates, romantiques sans être kitchs se marient aux mélodies. Aucun faux pas, aucun bémol. Un bijou qui laisse un sourire rêveur sur le visage.
Ma note: 8,5/10
Emilie & Ogden
Ten Thousand
Secret City Records
43 minutes
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