Critiques

Mobb Deep

Infinite

  • Mass Appeal
  • 2025
  • 52 minutes
7,5

Avides amateurs de rap, voici un projet attendu qui viendra satisfaire les old heads (les vieux de la vieille) et, qui sait, les plus jeunes d’entre vous. Vendredi dernier, le duo new-yorkais Mobb Deep effectuait son grand retour en déployant Infinite, un premier album depuis 2014. On retrouve ainsi Havoc et Prodigy, les deux MC derrière le populaire projet et les hits intemporels Shook One, Pt. II et Survival of the Fittest. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’Infinite nous arrive huit ans après le décès de Prodigy, figure emblématique du duo. En effet, le rappeur est décédé en 2017 des complications d’une maladie génétique du sang, après avoir été hospitalisé en pleine tournée aux côtés d’acolytes, comme son frère d’armes Havoc, Ghostface Killah et Ice-T

Pour Havoc, qui coproduit le projet avec The Alchemist (oui, encore lui), pas question de faire les choses seul, ou de les finir (l’album est annoncé comme le dernier du groupe), sans l’apport important de son fidèle partenaire dans cette affaire. On retrouve donc, sur Infinite, la prose acérée du défunt, en provenance d’enregistrements captés avant son décès, certains d’entre eux conservés et faisant partie de son patrimoine. Petite crainte avant l’écoute: les albums posthumes ne sont pas toujours les projets les plus cohérents. Belle surprise ici, alors que les MC s’envoient savamment la balle, en compagnie d’homologues talentueux, tout ça sur les productions sombres et aux contours rocailleux de Havoc et de Alc. La cohésion ne fait pas défaut, au contraire, les deux hommes nous rappellent leurs plus belles années.

Le projet de 15 chansons, s’étalant sur une cinquantaine de minutes, débute avec brio au son de l’extrait Against The World, l’un des singles dévoilés avant la sortie. Comme si de rien n’était, Prodigy nous ensorcèle d’emblée avec un couplet sur lequel il parle de New York et du fait qu’il a toujours voulu voir plus loin que la grosse pomme. « New York is just one crumb on the map, one crumb ain’t a lot / You happy with that piece, I’m gon’ need that pie », rappe-t-il avec prestance, alors que la production de Havoc, armée de cette boucle de trompette suave et bluesy, nous enchante jusqu’au refrain. 

Plus loin, le duo est rejoint par un autre sur Look At Me, soit celui de Clipse, rassemblant Pusha T et Malice, deux MC ayant fait couler beaucoup d’encre cette année avec le très bon album Let God Sort Em Out. Ici, c’est encore Prodigy qui ouvre le morceau avec un couplet bien réussi, garni de lignes violentes, alors que Havoc reprend le flambeau sur un refrain volontaire qui nous accompagnera jusqu’à la fin. Avec son timbre bien à lui, Pusha rend hommage à Prodigy dès sa première ligne. « I’d rather rhyme with your spirit than these other n***** », dit-il, avant que son frère prenne habilement le relais. 

Ce n’est pas le seul extrait sur lequel des invités se sentent bien à leur place. Pensons notamment à Jorja Smith et à Nas (ce dernier a souvent collaboré avec Mobb Deep), qui viennent respectivement offrir un magnifique refrain, chaud à souhait, et un couplet réglé au quart de tour, comme seul lui sait le faire sur Down For You. La chimie opère sur une production orchestrale et dramatique signée Havoc. Nas reviendra d’ailleurs en fin d’album sur des extraits, comme Pour The Henny et Love The Way, la deuxième partie de Down For You, qui invite cette fois la chanteuse H.E.R

Parlons-en de cette fin d’album. C’est un peu là où le bât blesse sur Infinite. La cohésion bat de l’aile ici et là, alors que les chansons se succèdent un tantinet à la manière d’une compilation, que les productions ne sont plus aussi luxuriantes et qu’elles deviennent légèrement répétitives. Ce n’est jamais mauvais, seulement moins riche qu’en début de parcours. 

À contrario, d’autres extraits forts, comme Taj Mahal, qui met en vedette une production mémorable de Alc, et Mr. Magik, fort de ses lignes inquiétantes, font d’Infinite un projet qu’il nous fait plaisir de réécouter. Comme à la bonne époque, Prodigy et Havoc s’amusent conjointement et nous font le cadeau de lignes assez violentes. « Criss Angel, David Blaine knows my sons / I make your body float when I throw you in the Hudson », entonnent-ils sur une production plus reposante que les textes. N’oublions pas les morceaux Easy Bruh et My Era qui ajoutent une couche belliqueuse supplémentaire avec des productions particulièrement fortes qui auraient pu paraître sur d’anciens albums du duo, comme les populaires The Infamous et Murda Muzik.

Infinite est à la fois un retour en force et une fin réussie pour Mobb Deep, l’une des plus importantes formations rap des trente dernières années. Le disque témoigne du désir de bien faire les choses pour honorer la mémoire d’un de ses fondateurs. À nouveau rassemblés sur album, Havoc et Prodigy nous offrent un disque cohérent et fidèle à leur identité, au son de productions à la fois nostalgiques et lugubres et de textes percutants. Après son écoute, c’est moins lourd de dire « adieu Mobb Deep ».

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.

Bloqueur de publicité détecté!

On a remarqué que vous utilisez un bloqueur de publicité. La publicité est un revenu important pour un média indépendant comme nous et nous permet de vous offrir du contenu gratuit de qualité. Est-ce que vous pouvez le désactiver? Ce serait bien apprécié!

- Merci, l'équipe du Canal Auditif