FME 2025 | Pierre Lapointe, Antoine Corriveau, Frannie Holder, Empanadas Ilegales, Loïc Lafrance, Ada Lea, Les Freaks de Montréal et TEKE::TEKE
Le FME est terminé, vive le FME. Pendant quatre jours, le Canal Auditif s’en est donné à cœur joie à Rouyn et a eu droit à de la méchante bonne musique. Retour sur la dernière journée du festival et d’autres concerts marquants qui sont survenus en amont!
Alors que c’était l’acolyte LP Labrèche qui était sur le beat samedi, j’ai aussi eu la chance de voir quelques shows notables lors de cette journée bien chargée. Partons avec ça!

Loïc Lafrance
Les Mooses, cette salle de réception qui est devenue mon passage obligé à l’heure de l’apéro pendant le week-end, accueillait, samedi, le plateau double d’Alphonse Bisaillon et de Loïc Lafrance. Bien en place pour capter la performance du second, j’ai eu la chance de voir ce jeune artiste basé à Québec et son projet en constante expansion. Même si le plancher des Mooses était clairsemé, l’auteur-compositeur-interprète ne s’en est pas formalisé et a offert une prestation digne d’une grande scène.
Preuve à l’appui, sa chemise détrempée nous a montré à quel point il ne fait pas les choses à moitié. L’artiste déploie son rock teinté de grunge et de pop en s’époumonant, s’élevant tel un sauteur de haies et en allant à la rencontre du public afin de créer un peu de brasse-camarade bienveillant sur le parterre. À L’Ordre loyal des Mooses, Lafrance a mis les premières buches de la soirée enflammée du samedi avec les airs abrasifs de son disque La peur est une fleur.

Antoine Corriveau
On a déjà vu Antoine Corriveau et sa bande en concert cet été. Toutefois, c’était dans des circonstances plutôt difficiles, alors que ce dernier performait dans un aréna de Baie-Saint-Paul en raison du mauvais temps lors du dernier Festif.
Il était donc plus que nécessaire de retrouver Corriveau et son Oiseau de Nuit dans un contexte plus avantageux et sans reverb, et c’est au QG Salle de spectacles que ça se passait. Malheureusement, un autre pépin est survenu samedi et le concert a été retardé de plus d’une heure en raison de soucis techniques hors du contrôle de l’artiste et de son équipe.
Tout le monde qui était réuni, public et band compris, a fait preuve de patience et le spectacle a finalement eu lieu dans l’antre de cette salle particulièrement sombre. En vrais professionnels, les musiciens ont interprété les hits envoutants du dernier disque avec générosité. Après deux concerts en deux mois, on ne se tanne toujours pas d’entendre les bangers de ce record, comme Imprudences et son groove franchement délicieux, Suzo avec son intensité inquiétante ainsi qu’Interruption avec son hook complètement lascif. Sur scène, Corriveau est en forme, toujours vêtu de ce grand imperméable rouge. Guitare en main ou vagabondant dans l’assistance, le talentueux musicien et son équipe allstar (Simon Angell, Cherry Lena, Stéphane Bergeron, Lysandre Ménard, Marc-André Landry) nous font passer un sacré bon moment.

Pierre Lapointe
Mon épopée du samedi allait se conclure du côté du Paramount, où un certain Pierre Lapointe était en visite avec sa tournée Chansons démodées pour ceux qui ont le cœur abimé. « Ça va être le show le plus rock et le plus émergent du FME », a blagué le vétéran chanteur en lever de rideau. Bien sûr que ce n’est pas ce qui a suivi, mais ça n’a visiblement pas incommodé personne dans la salle pleine à craquer de la rue Gamble.
Dans le cadre de cette tournée, Lapointe est flanqué des pianistes Amélie Fortin et Marie-Christine Poirier, qui forment ensemble le duo Fortin-Poirier. Sur les planches, les deux virtuoses se réapproprient, à quatre mains, les arrangements du disque Dix chansons démodées pour ceux qui ont le coeur abîmé, alors que le chanteur y dépose sa voix toujours juste (pour vrai, comment fait-il?).
Avec prestance, élégance et humour, le nouveau trio présente un concert généreux, ponctué de moments délicieux qui surprennent l’assistance. Le natif d’Alma a ce don de nous faire passer par toutes les émotions, alors qu’il entremêle les morceaux de son dernier disque avec ceux de projets antérieurs, nous rappelant l’immensité de sa discographie.
L’ajout de la très touchante chanson Maman, papa, issue de son album de Noël et sur laquelle il a eu un blanc de mémoire (qu’il a encore une fois transformé en moment charmant), nous a fait nous demander si quelqu’un coupait des oignons dans la salle, alors que des vieux classiques, comme Je déteste ma vie et Nos joies répétitives se sont faufilés sur l’impeccable setlist.
Puis, on a droit à un énième moment charmant avec eux, lorsque Pierre Lapointe a demandé à ses pianistes de le surprendre avec une nouvelle pièce instrumentale et qu’il s’est accoudé sur le grand piano, comme au bar, pour les regarder. Ce n’était pas rock, ni émergent, mais un sacré bon moment quand même dans ce Paramount transformé en cabaret réconfortant le temps d’une veillée.

Empanadas Ilegales
Pas grand-chose de mieux que de commencer mon ultime journée au FME avec un concert surprise du groupe de cumbia psychédélique Empanadas Ilegales au Jardin botanique de Rouyn. Comme si c’était arrangé avec le gars des vues, ou avec la mairesse, qui animait simultanément sa traditionnelle épluchette de blé d’Inde, les pièces entrainantes du groupe basé à Vancouver ont été accompagnées des rayons les plus chauds de la fin de semaine.
Il nous a fait danser et transpirer avec ses rythmes décadents propulsés par des arrangements de salsa et de free-jazz, tout ça mené par la trompettiste Jocelyn Waugh, par le guitariste Ricardo Perez et par le batteur Daniel Ruiz.
Le soleil cuisant et les chansons complexes et envoutantes d’Empanadas Ilegales, faisant bouger petits et grands, nous ont incontestablement offert le moment le plus caliente du week-end.

Frannie Holder
Ajout de LP Labrèche: C’est à l’Agora des Arts que Frannie Holder nous avait conviés pour nous présenter les premières pièces solo de sa carrière. On peut dire que, pour une première fois, c’était on-ne-peut-plus-solide. Frannie Holder m’a captivé pendant 35 minutes avec la première moitié d’un album qui devrait venir dans un an.
Incarnée sur scène, Holder a montré qu’elle maîtrise la langue à travers un slam impressionnant. Les pièces, dansantes pour la plupart, passent le test de la scène. S’il y a une chose à redire, c’est peut-être au rayon des constructions similaires; début calme qui, éventuellement devient plus grandiose. Mais franchement, c’était une des meilleures performances que j’ai vues au FME cette année.

Ada Lea
De mon côté, c’est avec Ada Lea que j’ai passé mon apéro dominical au réputé Café L’Abstracto. La Montréalaise était en ville pour y présenter les chansons de when i paint my masterpiece, disque paru au début du mois d’août.
Avec son énergie calme, elle a été très convaincante sur plusieurs des chansons indie pop/rock qu’elle a envoyées, notamment sur la très jolie midnight magic, lors de laquelle Alexandra Levy, de son vrai nom, était postée derrière le clavier. Cependant, avec un album encore récent comme celui-ci, on a par moments senti la voix de la chanteuse être affectée sous le coup du stress ou de la nouveauté de ces morceaux en live. C’est tout de même une belle performance que Levy nous a offerte avec son subtil band, lors de cet apéro posé et marqué par l’odeur délicieuse du café.

Les Freaks de Montréal (Un bummage à Aut’Chose)
La 23e édition du FME allait se clore, entre autres, avec un concert hommage à Lucien Francoeur et Jacques Racine, les deux capitaines du groupe Aut’Chose. Pour ce faire, cette célébration conviait de nombreux musiciens qui ont collaboré avec ces deux artistes qui nous ont quittés à la fin 2024.
Tout au long du show, des membres de la plus récente itération d’Aut’Chose, comme Vincent Peak (Groovy Aardvark), Michel Langevin (Voivod), Alex Crow, ainsi que Joe Evil (GrimSkunk) ont rocké ça comme les musiciens d’immense talent qu’ils sont. Avec eux, ce sont aussi succédé de nombreux jeunes artistes qui sont venus célébrer Francoeur et Racine en interprétant leurs pièces. On a pu y voir les gars de Population II, le temps de deux chansons, dont Blue jeans sur la plage qu’a chanté Pierre-Luc Gratton. N NAO, quant à elle, est venue donner une performance époustouflante et incarnée de Chanson d’épouvante, ce qui a été un des moments forts de ce court concert. On y a aussi vu Rose Cormier et Alix Fernz, qui sont aussi venus le temps d’une toune chacun.e. Malgré le son des voix, qui, par moments, nous laissait sur notre faim, le concert nous a charmé et à vive allure, il s’est conclu avec Le Rap-à-Billy, morceau pour lequel tout le monde est remonté sur scène. Le DJ Félix B. Desfossés et le saxophoniste Nollan Potter se sont aussi ajoutés à la fête, et la gang a fini ça avec ce succès de Francoeur au grand plaisir de tout le monde sur place.

TEKE::TEKE
TEKE::TEKE a la réputation de donner d’excellents concerts et faire appel à ce groupe, pour fermer les livres de la soirée de clôture au Paramount, était une saprée bonne idée. Le groupe rock psychédélique basé à Montréal, qui nous captive avec ses pièces aux inspirations traditionnelles japonaises, comme l’eleki, nous a fait le cadeau d’un généreux concert de plus d’une heure et quart. On a bougé fort devant le groupe, qui, sur scène, ne contient pas ses ardeurs. La formation menée par le guitariste Serge Nakauchi Pelletier et la chanteuse Maya Kuroki a présenté de nombreux extraits tirés de l’album Hagata ainsi que des pièces se retrouvant sur la bande sonore du jeu Assassins Creed Shadows que le groupe a créé entièrement.
La guitare de Hidetaka Yoneyama et la flute de Yuki Isami nous entrainent dans un torrent de morceaux mouvementés et mélodieux à la fois. Pour décrire ce mélange, je pense notamment aux magnifiques pièces Doppelganger et Garakuta qui ont été deux moments forts de la soirée. Expressive comme personne, Maya Kuroki donne tout ce qu’elle a, alors que Nakauchi Pelletier nous fait vibrer et entrecoupe les chansons d’allocutions plus calmes et bien senties.
Ce fut d’ailleurs le cas, lorsque ce dernier a pris la parole lors d’un plaidoyer franchement intéressant au sujet de Spotify et des groupes qui quittent la plateforme. Serge Nakauchi Pelletier a expliqué que son groupe aimerait emboiter le pas de band comme Godspeed You! Black Emperor, Deerhoof et King Gizzard and the Lizard Wizard, qui ont retiré leurs chansons de la plateforme en raison des investissements du géant de l’écoute en ligne vers des compagnies d’armements militaires. Cependant, puisqu’environ 80% des gens qui découvrent TEKE::TEKE passent par Spotify pour découvrir le groupe, ce dernier est pris dans un fâchant dilemme. Cette discussion sentie devant le public nous a amené vers la fin de ce concert et nous, on est rentré, sourires aux lèvres, songeant à toute la musique que l’on a consommée dans les deniers jours.
Voilà, c’est ainsi que s’est terminé notre FME. On quitte ses charmantes contrées et l’automne peut enfin commencer! Merci pour l’accueil et pour ce feu roulant de bonne musique. À la prochaine!
Crédit photo: William B. Daigle, Louis Jalbert, Christian Leduc, Thomas Dufresne