Blonde Redhead, Bibi Club et Nous Deux au Studio TD le 3 novembre 2023
L’ambiance impalpable de novembre se prêtait de façon beaucoup trop adéquate pour assister à ce concert de Blonde Redhead accompagné des groupes Bibi Club et Nous Deux en premières parties. Retour sur un set que je qualifierais de… parfait.
Nous Deux & Bibi Club
Le premier objet qui saute aux yeux lorsqu’on arrive dans la salle est probablement la magnifique harpe qui sut accompagner le duo Nous Deux en tout début de soirée. Quelque chose de très délicat souffle chez eux ; les harmonies vocales (qui se veulent un peu spoken word) passent à travers des pédales de boucles, les mélodies de guitares, elles, sont fragiles. Quelques percussions apparaissent pour créer cette bulle, mais toujours à tâtons. On se dit qu’on assiste à la construction même des chansons, qu’on fait maintenant partie de cette intimité. Intimité dans laquelle Simone Pace, batteur de Blonde Redhead, a pu un peu s’incruster en fin de set pour un dernier morceau. Un bel ajout surprise pour cette première partie.
L’arrivée de Bibi Club en seconde partie nous propulse soudainement vers un feu nouveau. Comme à leur habitude, Adèle Trottier-Rivard & Nicholas Basque maîtrisent totalement la scène. Ils nous livrent une nouvelle chanson, Le feu, un morceau aux sonorités un peu plus vrombissantes grâce à la guitare de Basque. Mais tout de même, les synthés et les drums machines prennent place pour nous permettre de danser. On les regarde et on se dit que la chimie est flagrante, qu’ils sont solides. On comprend absolument pourquoi Blonde Redhead leur avait même proposé d’ouvrir pour eux lors de leur concert à Londres, il y a quelques semaines. Bref : ma carte de membre du Bibi Club est à nouveau renouvelée et le sera sûrement à JAMAIS.
Blonde Redhead
Enfin l’arrivée du trio qu’on attendait ; Kazu Makino et les frères Pace. Dix ans s’est écoulé depuis la sortie de Barragan, mais les voilà maintenant sur scène du Studio TD armé de leur nouvel album, Sit Down For Dinner, sorti il n’y a même pas un mois.
Le concert débute en force avec l’un des albums les plus marquants de leur répertoire, Falling Man de Misery Is A Butterfly (2004), frappe la foule en plein cœur comme une vague cassant au vent. La voix intacte et vulnérable d’Amadeo Pace a encore cette touche juvénile, une voix, je trouve, qui hante l’oreille et laisse son empreinte indéfiniment. Cette jolie hantise se mêle parfaitement à la voix de Makino, qui honnêtement, semble avoir fait un pacte avec le diable : elle n’a pas vieilli d’un cheveu! Lorsqu’elle pousse les premières notes d’Elephant Woman, je pourrais certainement bien imaginer que ceux qui ont vécu l’arrivée de Misery Is A Butterfly en 2004, croirait avoir été cryogénisé.
Parce que oui, l’énergie du groupe est constante et réussit à garder le cap de la fougue pendant l’entièreté du spectacle. La présence de Simone Pace derrière la batterie oblige à garder cette endurance, surtout quand ils passent à travers quelques morceaux de 23 (2007), dont la chanson SW. Toutefois, quelque chose se dépose tout doucement dans la salle quand le set tombe sur les morceaux Sit Down for Dinner, Pt. 1 & Pt. 2. Pour une fois, l’énergie n’est pas impétueuse et s’attarde sur l’une des autres puissantes facettes de Blonde Redhead, que j’ose croire est la vulnérabilité. Kazu Makino livre les paroles avec sensibilité et les lignes de guitares éthérées, ressemblant à des cris d’oiseaux, traversent la salle jusqu’au fond. Mon moment le plus inoubliable de la soirée.
Bref, ils ont pu passer à travers une bonne majorité de leurs catalogues, sauf, à mon grand étonnement, celui de Melody of Certain Damaged Lemons (2000). La foule était amplement heureuse de ce que le groupe nous avait offert malgré tout, Kazu Makino semblait même émue. Elle s’est penchée – exténuée – tout en serrant la paume du public en première rangée. Un beau moment qui sut clore une belle soirée.
Crédit photo: Charles Billot