Que faire après une trilogie particulièrement réussie? Demandez à Tolkien, Zemeckis, ou simplement à Dominique Fils-Aimé. Cette dernière vous répondra d’en commencer une nouvelle. Après avoir exploré la culture afro-américaine dont elle tient fièrement ses racines sur Nameless, Stay Tuned! et Three Little Words, l’auteure-compositrice-interprète montréalaise nous revient avec Our Roots Run Deep, un voyage introspectif teinté d’une musique jazz encore plus assumée.

Ce qui frappe d’abord l’auditeur dans Our Roots Run Deep, c’est la construction musicale atypique. Débutant l’ouverture homonyme de l’album sur une simple contrebasse et sa voix à l’unisson, Dominique Fils-Aimé superpose les chants, abandonne peu à peu l’ambiance intimiste d’abord installée pour se laisser rejoindre par d’autres instruments, avant d’arriver après un long crescendo à cet apogée du morceau. Le processus s’avère intéressant, mais il est possible de pousser la réflexion encore plus loin. Utilisant un vocabulaire particulièrement typé à l’univers végétal, une sorte de concept d’émancipation, une suite logique chantée par Fils-Aimé peut être dégagée à travers les treize morceaux. Évoquant d’abord les racines, un arbre se reposant dans la forêt, l’artiste implore d’aller voir ailleurs (Just Let Me Go), se brûle les ailes (Or Let It Burn), prend le temps de se recentrer après la désillusion (Some Room to Breathe) pour s’élever suivant l’acceptation (Feeling Like A Plant). Et ce thème traduisant sa connexion spéciale avec la nature pourrait être retrouvé jusqu’à la pochette, verte et florale. Ingénieux, un concept plein de douceur et de légèreté.

My love will grow back
My love will glow back
Just like the sun will rise again

– Love Will Grow Back

Si Fils-Aimé opte vers une musicalité plutôt riche, les textes de l’artiste penchent davantage dans la sobriété. S’harmonisant elle-même sur des pistes à ne plus savoir compter, Dominique Fils-Aimé n’hésite pas à répéter la même phrase en boucle dans le courant des morceaux de ce nouvel opus. Dans cette idée de reprendre le message encore et encore afin de mieux l’intégrer. Les plus impatients d’entre nous n’apprécieront peut-être pas ce manque de renouvellement constant, mais pour les adeptes d’un monde plus posé, Our Roots Run Deep ne peut être vu autrement qu’un petit trésor. Écouter le disque d’une traite accroît encore ce sentiment méditatif, encerclé dans une spirale positive, se laissant bercer une trentaine de minutes par la proposition hypnotique de l’artiste. Ralentir, respirer.

Le jazz demeure comme annoncé le dérivé premier de l’album, le point d’ancrage d’Our Roots Run Deep, mais les influences soul et gospel restent encore profondément marquantes. Notamment sur l’excellente Or Let It Burn, les harmonies vocales puisant dans la culture si forte des ancêtres de Dominique Fils-Aimé. Cette dernière ne joue pas d’instrument à proprement parler, mais maîtrise le plus beau de tous : sa voix. Transparente comme du verre, juste, enivrante : les adjectifs manquent, mais ce qui est certain, c’est que l’artiste respire ce talent propre.

On a bien hâte de voir ce qu’elle nous réserve pour défendre son album sur les planches au prochain Festival de Jazz!