Jeanne Côté a lancé son premier album, Suite pour personne, en janvier dernier. Oui, elle est la fille d’Alan Côté, celui qu’on connaît sous le pseudonyme de « manitou de Petite-Vallée », le festival. Mais elle est également une artiste à part entière. Pour son premier effort, elle s’est entourée d’Émilie Proulx (basse, chœurs, mix), Arthur Bourdon-Durocher (SPD, batterie, percussions, synth bass, chœurs, prise de son), Zacharie Boileau (guitare) et Reno McCarthy (guitare). Elle en assure également la coréalisation avec Émilie Proulx et Arthur Bourdon-Durocher. Suite pour personne a été enregistré à l’Hotel2Tango.

Pour son premier opus, la musicienne a voulu jouer avec la thématique de la solitude et la retourner dans tous les sens. Le tout est teinté du fait qu’elle a grandi en Gaspésie, « loin de tout » de son propre aveu (Le Soleil), ce qui crée une sorte de solitude bien particulière. La vague en est un bon exemple.  

La solitude m’a façonnée
Trempée dans l’écume et l’écho
Je porte son parfum salé
En tous points cousu sur la peau

– La vague

Le seul hic? Il s’agit d’une thématique abordée (presque trop) dans le monde de la chanson québécoise. Jeanne Côté a une voix superbe, bien campée, sa poésie est imagée, mais elle n’amène pas la thématique nécessairement plus loin. Peut-être ne suis-je pas le public cible ? Peut-être qu’une personne native de la Gaspésie (ou de toute autre région éloignée) se sentira interpellée par sa poésie d’une manière qu’une native de la banlieue ne peut pas comprendre entièrement.

L’autrice-compositrice-interprète a grandi à Petite-Vallée dans une famille de musiciens. En entrevue avec Le Soleil, Jeanne Côté raconte une anecdote de son enfance dans laquelle Plume Latraverse était dans son salon. « Je ne me rendais pas compte qu’il y avait du monde important qui passait chez nous! », commente-t-elle. On sent qu’elle a effectivement grandi entourée de musique et des plus grands artistes québécois, peut-être un peu trop justement. On sent qu’elle a compris ce qu’est une chanson, mais elle pourrait pousser plus loin son exploration et s’amuser un peu plus avec le concept. Suite pour personne est un album sage sur lequel il manque un peu d’expérimentation et de moments où on sent qu’elle a essayé quelque chose de nouveau.

Il y a somme toute quelques moments où on la sent moins sage. Touché coulé et Y peut mouiller en sont de bons exemples. Cette dernière est probablement la pièce la plus forte de l’album. Il y a quelque chose de libérateur de l’entendre clamer qu’elle n’a « plus rien à perdre; il peut mouiller » de manière moins polie que sur les 9 autres pièces qui forment le long format. Cette pièce d’espoir est efficace en tous points.

Tu m’as dit : « C’est trop
De rêver de plus beau
Regarde, t’es née dans la chance »
Mais vouloir que ça change
Ça m’fait danser
J’veux pas vivre mes funérailles
Dans la mort des glaciers

–Y peut mouiller

Impossible de parler de Suite pour personne sans souligner la sublime reprise de Je n’y suis pour personne, un morceau de Daniel Lavoie et un texte de Sylvain Lelièvre. La douceur et l’émotion qui transpirent de cette pièce donnent des frissons. Lorsque sa voix monte dans les aigus, notamment au moment de chanter « Surtout pas pour l’hiver, qui fout tout à l’envers » sa voix revêt un grain qui n’est pas sans rappeler Klô Pelgag.

Suite pour personne est un premier effort un peu sage, quoique très bien réalisé, qui laisse entrevoir un futur brillant pour Jeanne Côté.

Crédit photo: Artwork : Floating Studio Photo : Anne-Marie Garand