Renonce
Ombre
- Indépendant
- 2023
- 29 minutes
En tant que mélomane qui consomme énormément de musique américaine et anglophone, il m’arrive souvent de déplorer que plusieurs styles de musique plus nichée soient pratiquement absents de l’offre québécoise. C’est le cas pour mon style de rap préféré (l’horrorcore) et c’était jusqu’à tout récemment le cas pour l’électro-industriel.
Je parle au passé dans le cas du style dont raffolent les amateurs du courant musical popularisé vers la fin des années 80 puisque Ombre, tout premier album de Renonce, vient de voir le jour et que c’est exactement le style qu’on y retrouve, en français de surcroît!
Frédéric Nogarède a beaucoup erré dans les scènes punk et métal de la métropole (notamment au sein de la formation Adam Strangler) avant de développer un lien d’amitié profond avec les membres torontois d’Odonis Odonis, qui ont influencé son parcours suffisamment pour finir par réaliser ce premier album du projet Renonce. On y retrouve également une collaboration avec Jared Artaud, leader de The Vacant Lots et producteur des œuvres posthumes d’Alan Vega de Suicide. Bref, avec de tels crédits dans la fiche technique, c’est un projet qui avait tout pour piquer ma curiosité.
Dès les premières mesures de Faille, l’auditeur se retrouve happé par une ambiance musicale rythmée et anxiogène qui conviendrait sans l’ombre d’un doute au dancefloor enfumé et bardé de néons du bar Technoir, que l’on aperçoit dans le premier film de la série Terminator. La même ambiance habille les thèmes nihilistes des pièces Déjà Morts et Avec violence. Avec son atmosphère plus méditative, La cité des sentences offre un court, mais sombre répit avant que la seule pièce en anglais du lot reprenne l’assaut sur les sens, qui sera poursuivi par Goudron, dès l’aube, la plus hargneuse du lot.
La saturation des sons et la manière dont la voix est traitée et mise à l’arrière-plan ne vont pas sans rappeler The Soft Moon, groupe adoré des amateurs d’électro-industriel moderne. Si l’artiste cite également Nine Inch Nails parmi ses influences, ses chansons sont beaucoup moins construites sur le format pop traditionnel que celles de Trent Reznor et compagnie et il faut répéter l’écoute pour dégager des moments accrocheurs de ce périple somme toute assez glauque qui se poursuit avec une pièce dramatique un plus calme intitulée Le passage de l’orage. La danse reprend de plus belle avec Réalité et devient plus frénétique avec l’intense Abri pour se terminer sur les paroles «la mort vient enfin, la mort je n’ai plus peur» tirées de la conclusive Fleuve.
Bref, en moins d’une demi-heure, Nogarède installe bien les barèmes thématiques et stylistiques de Renonce et il est impossible que les fans d’industriel n’y trouvent pas leur compte. Voilà une première qui réjouira certainement le public des co-réalisateurs Odonis Odonis. En attendant que l’identité du projet se détache davantage de ses influences, c’est un début fort convaincant et on a bien hâte de vivre le (bad)trip en concert!