Kanen | Entrevue : indie-rock authentique
Kanen lancera le 6 avril l’album Mitshuap, son premier en carrière, au Studio TD à quelques heures qu’il paraisse sur les plateformes d’écoute en ligne. Entrevue avec une artiste confiante et prête pour les prochaines semaines.
C’est un peu jetlag que je retrouve Kanen par un matin de la fin mars. Elle revient tout juste d’une tournée en Europe avec le spectacle Nikamu Mamuitun : « c’est sûr que ce n’est pas des vacances. » C’est d’ailleurs la création de ce spectacle qui a tout changé dans la vie de l’autrice-compositrice-interprète qui se destinait d’abord à une carrière en cinéma. « Tout d’un coup, il y a ce projet-là qui est arrivé et je découvrais un univers tellement différent du cinéma. Quand j’ai écrit mes premiers textes là-bas (NDLR : à Petite-Vallée pour la création), j’ai eu un coup de cœur d’expression. »
Puiser dans l’indie-rock
Pour ceux qui suivent Kanen depuis ses premières créations, il y aura peut-être un peu de surprise avec Mitshuap. On y retrouve moins de folk au profit d’un indie-rock assumé où les guitares sont un peu plus mordantes. « C’est quelque chose qui me rejoint plus. J’ai toujours aimé l’indie-rock et l’alternatif. J’ai toujours voulu faire ça, mais je ne savais pas par où commencer, par où m’y prendre. » Quand elle parle des artistes qui ont influencé les sonorités qu’elle cherchait, elle cite Feist (particulièrement Metals et Pleasure), Orla Gartland, Billie Marten et Phœbe Bridgers qu’elle a vu l’été dernier en concert et qui a beaucoup nourri sa réflexion.
Pour aller dans de nouvelles zones sonores, elle a fait confiance à un duo de réalisateurs. Tout d’abord, Simon Walls qui la suit depuis le début du projet Kanen et Jérémie Essiambre (La Faune) pour creuser de nouvelles sonorités.
Écrire dans sa langue
Kanen est toujours dans un processus de réappropriation de sa langue maternelle. Lorsque je lui demande comment s’est passé le processus d’écriture puisque plusieurs textes sont en innus, elle me répond : « c’était long! » avant d’éclater d’un rire franc. « Je fais un vrai exercice de réappropriation identitaire. Je commence par écrire par moi-même, mais c’est difficile, même avec la base que j’ai acquise en suivant des cours. Ensuite, j’envoyais ça à ma mère qui me revenait avec des questions quand c’était trop poétique. Il a fallu simplifier les paroles. Des fois, je devais lui expliquer au complet ce que je voulais dire avec la chanson pour qu’elle comprenne ce que j’avais écrit. Là, je te dis juste le début et c’est compliqué! Puis, les corrections qui ont été faites dans un institut linguistique. » Chose certaine, Kanen n’a pas chômé pour arriver à ce résultat.
Cette quête d’identité qui est indivisible de son œuvre, quand elle en parle, elle devient animée et on sent la flamme qui brille en elle. Par contre, ce n’est pas non plus un geste volontaire, ça fait simplement partie d’elle en ce moment et donc ça se retrouve dans les chansons qu’elle écrit. « Pour moi, ma démarche identitaire, c’est d’abord la langue, mais c’est aussi de comprendre la réalité d’être une femme innue en milieu urbain. J’essaie d’approcher les savoirs et la culture avec humilité. Le côté traditionnel ne s’entend pas beaucoup sur l’album et je pense que ça fait partie de cette démarche-là. Je suis en train d’apprendre sur ma culture. Je ne veux pas l’utiliser ou en profiter pour mon besoin.» Ce délicat équilibre, Kanen le trouve en assumant qui elle est, mais en évitant à tout prix de se retrouver dans des situations de « tokenism ». L’idée est de donner autant qu’elle prend dans la culture, tout en restant elle-même.
Retrouver le confort sur scène
Quand elle envisage le spectacle de lancement, elle est confiante et rassurée. Une bonne partie de cela vient du fait que ses deux réalisateurs et collaborateurs seront sur scène avec elle. Elle se sent bien entourée autant par ses musiciens que par l’équipe qui l’entoure pour organiser le concert. C’est davantage l’album qui la rend nerveuse que le concert qui sera partagé sur scène avec des gens qu’elle respecte. Il y aura donc Simon Walls, Jérémie Essiambre, Gregory Fitzgerald et Marie Claudel.
Kanen lancera donc Mitshuap le 7 avril prochain sur les plateformes d’écoute, mais vous pouvez aussi assister au lancement qui se tiendra le 6 avril au Studio TD. C’est gratuit, donc premier arrivé, premier servit!
*Cet article a été rédigé en collaboration avec le Festival International de Jazz de Montréal.
Crédit photo: Shuen