La formation expérimentale menée par Jamie Stewart est capable du meilleur comme du pire. En 2016, Xiu Xiu nous avait épaté avec Xiu Xiu Plays the Music of Twin Peaks; une magnifique relecture de la trame sonore de la mythique série de David Lynch. L’année suivante, Stewart et ses acolytes poursuivaient sur une bonne lancée créative avec Forget; un opus qui oscillait entre la pop synthétique et le post-punk des années 80.

Or, le groupe est retombé dans ses vilaines habitudes en nous présentant un Girl with Basket of Fruit (2019) bâclé. En 2021, Xiu Xiu s’unissait avec une pléiade d’artistes de renom pour l’album OH NO; une création collaborative réussie mettant en vedette Sharon Van Etten, Angus Andrew (Liars) et Chelsea Wolfe, pour ne nommer que ceux-là.

Sur ses plus récentes productions, Stewart s’est adjoint les services d’Angela Seo. Aujourd’hui, elle est considérée à juste titre comme une membre à part entière de Xiu Xiu au point où elle partage désormais le boulot vocal à parts égales avec Stewart. Pour la conception de ce nouvel album titré Ignore Grief, un troisième instrumentiste s’est joint au duo. Il s’agit de David Kendrick, un musicien qui a fait la démonstration de son talent au sein des formations Sparks et Devo.

Une création de Xiu Xiu ne fait et ne fera jamais l’unanimité. Certains mélomanes seront toujours rebutés par l’inaccessibilité musicale et l’aspect lugubre qu’arborent la vaste majorité des créations de la formation. Dans le communiqué de presse remis par la maison de disques Polyvinyl Records, Stewart déclarait « qu’il n’avait jamais tenté de choquer superficiellement les auditeurs ». On le croit sur parole, mais au bout du compte l’effet « malaisant » qui caractérise les albums de Xiu Xiu persiste et signe…

Et ça se poursuit avec Ignore Grief. Inspiré par les violents traumatismes vécus par des individus provenant de l’entourage de Stewart, l’album présente dix personnages, à travers dix chansons, qui ont perdu le contact avec la réalité, car la douleur qu’ils ressentent à la côtoyer est tout simplement insoutenable.

Xiu Xiu est un groupe parfaitement à l’aise à s’incruster dans des interstices moraux. Alors qu’une œuvre lumineuse et empathique pouvait être attendue avec Ignore Grief, Stewart, Seo et Kendrick pointent plutôt le projecteur sur l’imaginaire sinistre et délirant de ces personnages aux prises avec de sérieux problèmes de santé mentale. Qu’on soit d’accord ou non avec ce choix artistique, celui-ci a au moins le mérite de nous faire ressentir ce qui se passe dans la tête d’un être profondément troublé…

Dans l’introductive The Real Chaos Cha Cha Cha, Seo marmonne son texte sur une musique industrielle où l’on décèle des bouteilles qui s’entrechoquent entre elles. Un titre qui porte sur la violence conjugale…

He beat she too bad

What a godawful wonder is a man

– The Real Chaos Cha Cha Cha

Musicalement, les ténèbres sont omniprésentes ! Il y a bien quelques incursions dans la musique classique contemporaine avec Dracula Parrot, Moon Moth et 666 Photos of Nothing, mais la lumière ne se révèle que trop rarement dans ce disque hautement accablant.

Des exemples ? Dans Maeby Baeby, Seo joue le rôle d’un enfant qui se confie à une tarentule alors qu’il se cache sous son lit afin d’éviter les coups d’un parent violent. Sur Esquerita, Little Richard, l’atmosphère gothique sert à camoufler les propos hystériques proférés par le personnage joué de nouveau par Seo.

Quelques moments sonores valent quand même la peine d’être soulignés. Les drones d’orgues sinistres dans Parhump sont intéressants et les notes d’harmonium dans 666 Photos of Nothing sont troublantes et pertinentes à la fois.

En fait, si Xiu Xiu nous avait laissé croire à un avenir « lumineux » avec la parution de Forget, eh bien, le groupe retourne abruptement à ses premiers travaux. Le réemploi d’une formule passablement éculée n’est pas satisfaisant pour convaincre l’auteur de ces lignes de l’utilité de ce Ignore Grief.