Titus Andronicus
The Will to Live
- 51 minutes
Depuis 2005, Titus Andronicus perpétue la tradition « classic rock » de tous ces groupes originaires du New Jersey. La bande menée par Patrick Stickles, résidente de Glen Rock, nous propose toujours des créations résolument énergiques, mâtinées de hard rock et de punk vieille école.
C’est en 2010 que la formation a agrandi son auditoire avec la sortie de The Monitor; un disque qui relatait les moments douloureux de la Guerre civile américaine (1861-1865). Après un Local Business (2012) couci-couça, Stickles et ses acolytes nous ont présenté un autre album-concept : The Most Lamentable Tragedy (2015). Cet opéra rock scindé en cinq parties explorait la bipolarité de Stickles qui, depuis de nombreuses années, est aux prises avec une alternance d’états dépressifs et d’excitation. En 2019, Titus Andronicus nous offrait un virage hard rock assez divertissant avec An Obelisk.
La semaine dernière, le 8e album en carrière de Titus Andronicus voyait le jour. Intitulé The Will to Live, la genèse de ce nouvel opus remonte en 2021 alors que le claviériste et fondateur de la formation, Matt « Money » Miller, rendait l’âme. Stickles a donc rameuté ses comparses afin d’écrire et composer les nouvelles chansons de ce The Will to Live pour ensuite les enregistrer chez nous, à Montréal, au studio Hotel2Tango, sous la férule d’Howard Bilerman (Godspeed You! Black Emperor, Leonard Cohen, Bell Orchestre). Pas moins de 15 musiciens ont participé de près ou de loin à l’enregistrement, incluant des membres d’Arcade Fire et du E-Street Band, entre autres.
Le décès de Miller a plongé Stickles dans une profonde réflexion sur le sens de la vie. La mort d’un proche l’a forcé à reconnaître la fragilité de l’existence, mais l’a aussi contraint à réfléchir sur l’interconnexion viscérale qui existe entre tous les êtres humains. Stickles croit que tous ces disparus font dorénavant partie d’un univers beaucoup plus vaste qui dépasse largement nos propres individualités. En fait, The Will to Live est une réflexion sur la puissance de l’empathie dans un monde de plus en plus narcissique et cruel.
Avec Titus Andronicus, l’idée de « concept » n’est jamais trop éloignée. Cette fois-ci, cette production est segmentée subtilement en trois sections. Une première où Stickles s’insurge contre les pouvoirs en place. Dès le départ, dans l’introductive My Mother Is Going to Kill Me, on y entend un signal d’alarme, des sirènes de police et des cris de détresse; une sorte d’instantané sonore de l’atmosphère qui prévaut à l’heure actuelle chez nos voisins du Sud.
Dans la deuxième partie, Stickles fait le constat que ce monde est dur et parfois même infernal. Enfin, dans la troisième et dernière partie, il s’interroge sur la manière idéale de vivre dans un monde qu’il considère sans issu en se posant la question suivante : comment faire preuve d’empathie envers des gens qui pourraient se transformer bientôt en ennemis ?
Les constats et les ruminations de Stickles sont loin d’être enthousiasmants. Or, le rock offert par Titus Andronicus apaise et réjoui à la fois. Des morceaux comme Give Me Grief et All Through the Night sont franchement accrocheurs. Bridge and Tunnel contient une énergie « sprigsteenienne » qui tonifie. Les ascendants punks entendus dans Dead Meat et We’re Going Back durcissent agréablement le ton. Même I Can Not Be Satisfied, avec son « arena rock / hard rock » gonflé à l’hélium — mais assumé — réussit à nous divertir.
Ce que nous propose Titus Andronicus sur The Will to Live pourrait paraître ringard et désuet pour certains élitistes, mais puisque Stickles et ses amis endossent totalement leur démarche, on écoute ce nouvel album avec le sourire aux lèvres… en se disant que le meneur de la formation est encore bien vivant et créatif.
Une bonne nouvelle pour nous, mais surtout pour Patrick Stickles, lui qui en a sérieusement bavé.