Il y a quelques années, un épisode de la série Black Mirror mettant en vedette Miley Cyrus, abordait de manière caricaturale le marchandisage et le muselage souvent imposé aux vedettes de la pop par l’industrie de la musique. Sans que ce soit l’un des meilleurs épisodes de cette série dystopique, je me souviens avoir crié au génie en apprenant que les chansons interprétées par Miley seraient en fait des pièces de Nine Inch Nails revitalisées à la sauce pop bonbon. C’était un véritable coup de génie. Pourquoi? Parce que sous la distorsion, les guitares hurlantes et les rythmes intenses, la plupart des chansons écrites par Trent Reznor sont en fait de véritables tubes et le show l’a prouvé à tout le monde.

Il y a quelques semaines, j’étais au cinéma pour aller voir Don’t Breathe 2. Avant le film, une publicité d’un film IMAX qui est en fait le compagnon visuel d’un album de la chanteuse Halsey RÉALISÉ PAR TRENT REZNOR ET ATTICUS ROSS. Non, je n’ai pas accroché le Caps Lock, c’était vraiment écrit gros comme ça sur l’écran de la salle 9 du Scotia Bank. Pour moi, Halsey n’était alors que le nom d’une chanteuse pop que je voyais passer de temps en temps et qui devait probablement écrire des chansons en s’inspirant de ses histoires d’amour avec des dudes semi-célèbres comme Taylor Swift, mettons. Je sais que je partais déjà avec plein de préjugés mal placés, mais c’est juste pour que tu comprennes à quel point je suis tombé de haut après avoir écouté ce quatrième album de l’artiste.

Exactement 16 notes de piano sont jouées tout en douceur au tout début de l’album avant que l’auditeur ne comprenne toute l’importance de l’apport créatif des membres de Nine Inch Nails. À partir de ce moment et jusqu’à la fin de l’album, toute la gamme des motifs et des émotions habituellement exploitées par Trent Reznor y passera, des puissantes déflagrations distordues de Easier Than Lying à la finale dramatique de You Asked for This. Ce qui est remarquable, c’est que le travail de Reznor et Ross ne vole jamais la vedette aux compositions riches et aux textes incisifs de la chanteuse.

Les véritables vedettes de l’album sont évidemment le concept et le propos. Au départ, il devait s’agir d’une œuvre qui aborde les rapports humains sous l’angle de la mortalité et de l’amour. Toutefois, puisque la chanteuse vivait sa première grossesse au moment de composer et d’enregistrer les chansons, plusieurs thèmes se sont greffés à l’ensemble, notamment ceux qui abordent la notion de contrôle et d’autonomie. Au final, on se retrouve donc avec un album qui est assez fort pour lui, mais conçu pour elle, qui aborde sans gants blancs les joies et les horreurs de la grossesse et de la naissance. On pense à Tori Amos époque From The Choirgirl Hotel pour le propos (ou Boys for Pele pour la pochette) et aussi à Kate Bush pour le côté très théâtral de la performance.

Le gros succès de l’album sera probablement Honey, sur laquelle on retrouve l’omniprésent Dave Grohl à la batterie et, qui est plus traditionnellement pop-punk-rock-avril-Lavigne que les autres pistes. De mon côté, j’ai vraiment adoré les pièces portant les traces les plus évidentes d’industriel comme 1121, Girl is a Gun, Bells of Santa Fe, et surtout, surtout I am not a Woman, I’m a God, qui est sans conteste le clou du spectacle. Quelques pièces plus épurées prennent un peu plus d’écoute avant de séduire, comme Darling et Ya’ aburnee qui ferme l’album. Certains les entendront comme des moments plus tranquilles nécessaires et l’écoute répétée joue en leur faveur.

Trêve de bavardage, voilà un album absolument réussi qui m’a donné le goût d’explorer l’œuvre antérieure de la jeune Halsey Nicolette Frangipane. De plus, je ne vous cacherai pas que j’étais très content d’enfin entendre une femme devenir, le temps d’un album, leader du boys club de Trent Reznor, qui, contrairement à son ancien pote Marilyn Manson, n’arrête juste plus de bien vieillir.