Critiques

Thom Yorke

Tomorrow’s Modern Boxes

  • Indépendant
  • 2014
  • 39 minutes
7

140926-thom-yorke-tomorrows-modern-boxes-coverL’histoire d’amour entre Radiohead et l’industrie de la musique n’existe tout simplement pas. Le groupe anglais n’a jamais apprécié ce cirque et la mafia des grandes maisons de disque qui sont particulièrement efficaces à réformer les électrons libres. En 2007, à l’occasion de la sortie d’In Rainbows, la formation avait frappé gros en mettant de l’avant une formule «payez ce que vous voulez». C’était le premier grand groupe à offrir sa musique sans prix fixe.

Puis, lundi dernier, Thom Yorke et son collaborateur de longue date, Nigel Godrich, ont partagé sur Twitter une image cryptique d’un vinyle blanc avec une forme irrégulière noire au milieu. N’en fallut pas plus pour que les gens s’excitent et pensent immédiatement à un nouvel album de Radiohead. Le lendemain, les membres du groupe et Yorke confirmaient qu’ils étaient en studio, mais le musicien est un fin renard et vendredi matin alors que tout le monde se préparait au week-end, Tomorrow’s Modern Boxes apparaissait sur les internets suscitant une excitation digne du retour du Christ. Non seulement, le nouvel album était disponible, mais pour l’acquérir, il fallait l’acheter directement au chanteur et le télécharger via Bit Torrent. Une première (pour un artiste d’envergure) et le tout, pour la modique somme de 6,67$ canadien. On peut arguer que Yorke est en position de le faire, n’ayant pas à s’inquiéter du paiement de son prochain loyer, mais tout de même, ce genre d’échange direct doit commencer un jour ou l’autre et Yorke réaffirme l’importance de s’adapter au fonctionnement du web. La démarche est plus que louable.

Qu’en est-il de l’album en lui-même? On retrouve Yorke exactement où on croyait le trouver. Ceux qui suivent les différents projets de l’artiste ne seront pas surpris: Yorke se positionne entre Atoms For Peace, Radiohead et une version plus ambiante et électronique de lui-même. Ceux qui pensaient retrouver un univers plus rock avec ce deuxième album solo seront plutôt déçus. Yorke n’est plus là depuis fort longtemps. Il s’est épris de machines et de technologies diverses, et soyons honnêtes, Yorke manipule ces matériaux sonores habilement. Par contre, Tomorrow’s Modern Boxes est plus chaleureux que The King Of Limbs concocté avec Radiohead. On retrouve le chanteur dans un univers qui ressemble franchement plus à In Rainbows, malgré le penchant synthétique accentué de l’affaire.

Parmi les pièces plus rythmées, A Brain In A Bottle, qui ouvre l’album, se débrouille plutôt bien, comptant sur des arrangements somme toute simples, mais efficaces. Il n’y a pas beaucoup de fioritures sonores sur Tomorrow’s Modern Boxes. The Mother Lode fait aussi partie de ces morceaux plus rythmés qui donnent quasi envie de taper du pied. À l’usage, on finit par battre la mesure en compagnie du créateur. On accepte qu’à défaut de surprendre, l’homme fasse très bien ce qu’il sait faire.

Même les pièces plus intimes ne sont pas désagréables ou ennuyantes. Interference avec son synthé lourd et lent accompagne à merveille un Thom Yorke qui lance une mélodie captivante qui rappelle House Of Cards paru sur In Rainbows. Une douce complainte sur le refus de s’investir maladroitement et sans retenue dans un conflit amoureux. Truth Rays en comparaison est moins intimiste et demeure plus austère, surtout dû à sa touche ambiante. Yorke est sans doute le champion de ce type d’interprétation et il se gâte avec cette pièce.

Il offre aussi une pièce cryptique intitulée There Is No Ice (For My Drink) où il y va d’une construction électro laissant toute la place à la musique. Il poursuit sur sa lancée, avec Pink Section, sur un rythme plus ambiant pour conclure avec Nose Grows Some, une pièce planante qui termine toute en douceur la galette.

Si vous êtes fanatiques et que vous connaissez bien Radiohead (et le travail de Yorke en général), vous ne serez pas surpris par ce Tomorrow’s Modern Boxes. À la limite, vous serez peut-être même un peu déçu, car l’artiste n’ose pas revisiter un passé où la guitare et la distorsion avaient sa place. Malgré tout, Yorke fait le travail et un album «correct» de sa part en vaut un très bon d’un autre artiste. Le perfectionnisme qui se retrouve dans chacun de ses projets reflète la volonté d’un artiste qui n’accepte pas aisément le compromis. Sans doute, la chose la plus importante à retenir du lancement ce nouvel opus est la courroie de transmission utilisée. Yorke a décidé de tenter de créer un lien aussi direct que possible avec le mélomane et lorsqu’il déclare que c’est le futur de la musique, on serait presque tenté de lui donner raison… Et c’est tant mieux, car ce lancement ramène les choses en perspective et oblige l’humilité, autant du côté de l’auditeur que de celui de l’artiste. Après tout, ce n’est que de la communication artistique entre êtres humains et là réside toute la beauté de la démarche!

Ma note: 7/10

Thom Yorke
Tomorrow’s Modern Boxes
Indépendant
39 minutes

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