Critiques

Tanya Tagaq

Animism

  • Six Shooter Records
  • 2014
  • 49 minutes
9
Le meilleur de lca

TanyaTagaq-AnimismIl y a un peu plus d’une semaine, c’était la remise du prestigieux prix Polaris. La dernière personne à prendre la scène avant l’annonce du vainqueur était l’artiste Tanya Tagaq. J’avais entendu que du bien à son sujet, mais je n’avais pas eu la chance de m’y attarder. Rien qui ne pouvait me préparer à ce qui allait se sitedemo.cauire quelques secondes plus tard. La jeune femme chiquement vêtue arborant un décolleté plongeant est entrée. Elle se présentait sur scène afin d’interpréter Uja et Umingmak. Les gens qui regardaient le gala ont eux deux réactions soit: un «c’est n’importe quoi!» bien assumé ou un «mon doux Jésus!» accompagné de regards éberlués. Je fais partie des adorateurs du Christ…

Animism ne sort pas de nulle part. Cette artiste inuite a participé à l’enregistrement et à la tournée de l’album Medúlla de Björk. Tagaq a également joué avec le Kronos Quartet dans le passé. Son dernier album comptait aussi sur la participation de Buck 65 et Mike Patton. Ce n’est pas rien et pourtant, très peu de gens avaient entendu parler d’elle. Nommée constamment dans les catégories contenant la mention «indigène» lors des remises de prix, elle a passé longtemps sous les radars des journalistes musicaux. Six ans se sont écoulés entre le nouvel album et la parution du précédent, Auk/Blood.

Animism se traduit par la croyance que les objets naturels (animaux et plantes), les phénomènes et l’univers lui-même possèdent des désirs et des volontés de toutes sortes. À entendre Tagaq chanter sur Tugulak, difficile de croire que le surnaturel n’existe pas. À travers la voix de Tagaq, c’est le Styx qui nous parle oscillant entre les bas fonds de l’enfer et les cris de jouissance d’un orgasme extatique. Il y a chez cette jeune femme quelque chose de plus grand que nature, de profondément viscéral et émouvant.

Musicalement, aidé de Jesse Zubot, la jeune femme a accouché d’un Animism qui évite le piège de se figer dans une époque musicale précise, faisant surtout appel à la guitare, au violon, à différents arrangements issus d’instruments de musique traditionnelle, dont l’utilisation judicieuse des cuivres. Pourtant, cela ne l’empêche pas d’utiliser sur Uja des sonorités qui rappelle le «synth-goth» très actuel. C’est ainsi qu’Animism s’extirpe du quotidien pour rejoindre l’universel. Chez Tagaq on sent le danger dans son art. D’une façon très étrange, elle possède les mêmes éléments qui créent cette prenante angoisse à l’écoute de Swans. Fracking qui ferme la marche est un excellent exemple de cette capacité à créer du glauque.

Ce qui a permis à Animism d’être une création aussi coup de poing est sans contredit l’attitude de Tanya Tagaq qui refuse avec fermeté d’oublier la culture qui l’a mise au monde tout en ne fermant pas la porte à ce que la culture occidentale contemporaine peut lui apporter. Tagaq assume pleinement ses racines, y allant même d’un: «Fuck Peta» lors de la remise du Prix Polaris, réclamant son droit de chasser le phoque sans se faire culpabiliser par une diva française déchue et un Lord anglais beatlesque. Oui, Tagaq refuse le compromis et Animism en est le parfait reflet. Une oeuvre qui j’espère ne portera plus le sceau «indigène» aux prochains Junos, mais qui pourra simplement faire partie d’une catégorie musicale plus universelle. Un grand album!

Ma note: 9/10

Tanya Tagaq
Animism
Six Shooter Records
49 minutes

tanyatagaq.com/

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