Osheaga 2015
C’est le week-end dernier que se déroulait le désormais «festival mastodonte» Osheaga. Il n’y a aucun sarcasme dans cette expression; une simple constatation que l’humble évènement qui a pris naissance il y a de cela dix ans et devenu un important festival nord-américain. Même si le virage indie pop (amorcé avec la venue de Coldplay en 2009) a ralenti quelque peu l’enthousiasme de votre vieux schnock à l’endroit de ce happening musical, on ne boude pas notre plaisir… car une bonne bière froide au gros soleil en compagnie d’artistes (et d’amis) judicieusement sélectionnés, c’est toujours divertissant.
Cela dit, la couverture que l’on vous offre cette année ne correspond en rien à celle présentée l’année dernière. On aurait adoré vous faire vivre l’expérience Osheaga dans ses moindres détails et recoins, mais des raisons dites «administratives» nous en ont empêchés… Un jour (que l’on souhaite le plus rapproché possible), soyez sans crainte, on sera en mesure de livrer la marchandise à la hauteur de vos attentes, toujours avec un souci de rigueur et d’objectivité, et ce, exclusivement au service de la musique.
Jour 1
Donc, notre périple «osheagien» a commencé vendredi sur la Scène de la Vallée avec la formation Strand Of Oaks qui avait fait paraître l’été dernier le très solide Heal. À 13h35 précise, le barbu aux allures de motard, Timothy Shoewalter, faisait son apparition sur scène pour nous présenter l’essentiel du dernier disque. Même si la formation américaine propose un rock somme toute linéaire, il y a un je-ne-sais-quoi chez le quatuor qui capte l’attention. Et ça s’est terminé avec la cathartique et émouvante JM; pièce qui évoque un alliage entre The War On Drugs et Dinosaur Jr. Superbe version! Un seul bémol? Le jeu un peu linéaire du batteur, mais rien de bien grave.
La vaste majorité des collaborateurs du Canal Auditif affectionne fortement le rap de Run The Jewels. Pour notre part, malgré l’admiration que l’on a quant à l’inventivité sitedemo.caiguée par ce genre musical, on embarque rarement de plain-pied dans l’univers du hip-hop… Pas cette fois-ci! Run The Jewels, nonobstant une sono déficiente, nous a séduits au moyen de trames minimalistes de même que par le travail rythmique de ses deux meneurs Killer Mike et El-P. Généreux, rassembleurs, les deux rappeurs ont ordonné aux colosses de la sécurité de convoyer sur scène (deux fois plutôt qu’une) des fanatiques qui avaient des cadeaux à remettre aux performeurs. Fort sympathique!
Ensuite, c’est avec un enthousiasme à la baisse que nous attendions la prestation des Kills. Comme dirait notre rondelet maire Denis Coderre: «Low expectations, high results»! Mais ça ne s’est pas passé comme prévu, tant s’en faut. Accompagnés d’un duo de percussionnistes, Jamie Hince et Alisson Mosshart ont offert un concert fort décevant… mais ils ne sont certainement pas les grands responsables de cette séance quelconque. Des problèmes techniques liés au matériel du guitariste ont empêché The Kills d’y aller de ses morceaux plus dynamiques. Problème de métronome, d’amplification, de guitares, peu importe, Hince avait envie de sacrer son camp et même si Mosshart tentait de garder le cap, rien n’y a fait. Une mauvaise journée au compteur.
Après avoir ingurgité un excellent hot-dog 8 pouces au dindon gracieuseté d’Alexis Le Gourmand, on s’est rendu à la Scène des Arbres pour voir de visu le Thurston Moore Band. Le grand efflanqué était escorté par son ex-acolyte chez Sonic Youth, l’excellent batteur Steve Shelley. Tout ça a débuté avec une version allongée de Speak To The Wild tirée de l’album de The Best Day. Tout au long du concert, on se disait qu’ils sont rares les artistes détenant un son aussi distinctif et même si on peut parfois penser que le vétéran âgé de 57 ans tombe un peu en désuétude, on le croit encore capable de tenir son bout.
Mais le clou de la journée fut sans contredit l’explosive performance du groupe canadien Viet Cong qui nous a scié les deux jambes et jeté carrément sur le cul! Section rythmique béton, des arrangements guitaristiques sublimes combinés à une utilisation adéquate des claviers, ce groupe réussit à personnaliser les sempiternels ascendants new-wave/cold-wave (Joy Division et compagnie) avec une éloquence punk qui fait peur. Révérence bien sentie à la folle version de Death menée par un batteur en feu. Impressionnant!
Notre vendredi s’est terminé à la Scène Piknik Électronik Honda avec l’électro tribal/amérindien des Canadiens A Tribe Called Red. C’est avec un dernier rhum & coke bien en main qu’on a assisté à une quinzaine de minutes de la prestation. Difficile de se faire une idée en un si court laps de temps, mais les projections, mettant en vedette différentes représentations de l’imagerie amérindienne, bonifiaient l’offre sonore du trio. À remettre dans nos oreilles en inhalant du tabac qui fait rire…
Jour 2
Sous la chaude recommandation de La Brute du Rock et de l’acolyte LP Labrèche, on a commencé notre deuxième journée du bon pied avec la formation torontoise The OBGMs. Évoquant un Arctic Monkeys/Bloc Party en mode résolument plus punk, les jeunots sont bourrés d’énergie et présentent un concert hyperactif et abondant… un peu trop d’animation de foule à notre goût, mais pas de doute, la bande a du talent. Cela dit, The OBGMs sera encore meilleur le jour où il n’aura plus envie de tout dire dans une seule et même chanson.
On a par la suite pris nos vieilles jambes (mais encore en grandes formes) pour les amener en direction de la Scène de la Rivière pour enfin observer en chair et en os l’une des artistes du moment que l’on respecte le plus: Annie Clark, alias St. Vincent. Que dire? Une grande créatrice ne peut que donner un grand concert. Ponctuée de chorégraphies robotiques, bonifiée d’une musicalité époustouflante, la pop labyrinthique et champ gauche de la dame nous a carrément foudroyés. On a été subjugué par la virtuosité du jeu de guitare de Clark et le compétent groupe qui l’accompagnait appuyait la musicienne avec brio. Les guitaristes masculinistes peuvent aller se faire voir. La jeune dame les domine tous outrageusement. Notre concert du jour haut la main… mais vraiment une main dans le dos!
Petite pause ravitaillement alcool/nourriture pour mieux repartir à la rencontre d’Interpol à la Scène de la Rivière. Le dernier rejeton de la formation, El Pintor, a particulièrement plu à l’auteur de ces lignes. Néanmoins, Paul Banks et ses compères ont pigé allègrement dans le vieux stock des deux premiers disques afin de plaire aux admirateurs de la première heure. Si le début fut couci-couça, on dirait que l’orage a fouetté autant la foule qu’Interpol, comme si la musique spleenétique du groupe s’harmonisait parfaitement au temps maussade qui prévalait à ce moment. Ça s’est terminé adéquatement avec le tandem Slow Hands et PDA.
Un mélomane plus que respectable (et ami du Canal Auditif) nous avait proposé d’aller voir de plus près le groupe punk rageur et incendiaire mené par nul autre que Conor Oberst (Bright Eyes) nommé Desaparecidos… et on n’a absolument pas regretté le déplacement à la Scène de la Vallée. Dans la plus pure tradition américaine de ce genre musical, le quintette a égratigné nos oreilles avec grande conviction proposant l’essentiel de leurs deux albums: Read Music/Speak Spanish (2002) et Payola (2015). Du punk gauchiste? On n’a absolument rien contre ça surtout avec le maître mélodiste Oberst aux commandes!
En attendant de conclure cette journée avec le quatuor shoegaze Nothing à la Scène des Arbres, une mer de monde s’était massée à la Scène Verte pour écouter un maître du recyclage, le très peu inventif DJ Kygo. Semble-t-il que les reprises à peine modifiées de Don’t Stop Believe In de Journey et Sexual Healing de Marvin Gaye (et on en passe!) mystifie encore le dénominateur commun. Plus ça change, plus c’est pareil!
Alors Nothing? Après un début boiteux devant une poignée de mélomanes, les chansons magnifiquement bruyantes et lourdes du groupe ont réussi à gagner notre sympathie, et ce, malgré une performance en dent de scie d’un batteur plus ou moins cohésif. On a estimé Nothing fort courageux d’avoir réussi à livrer une prestation acceptable devant si peu de gens. On essaiera d’aller les voir dans des conditions plus optimales.
Fait à noter, pas de Kendrick Lamar en ce qui nous concerne… malheureusement. On a énormément de considération pour le rappeur et surtout pour son superbe album To Pimp A Butterfly, mais de se faufiler dans cette masse humaine était un défi que votre modeste scribe n’avait vraiment pas envie de relever.
Jour 3
Pour cette troisième journée, notre excursion sonore était nettement moins remplie que les deux jours précédents. Non, les amis. Pas d’Alt-J ni de Black Keys au programme. Pourquoi? Parce que le groupe anglais ne nous a pas impressionnés avec sa deuxième offrande et que le duo blues/rock américain représente à peu de chose près la mascotte du festival tant ils ont été invités à s’y sitedemo.cauire souvent… trop souvent à notre avis!
Avant l’arrivée de Father John Misty, on a assisté à la fin du concert de l’excellent guitariste Gary Clark Jr. Du bon rock très Hendrix et vraiment bien exécuté, mais on doit vous avouer qu’on attendait Joshua Tillman et ses musiciens avec grand enthousiasme. On adore le personnage caustique/sarcastique et un peu décalé que l’homme incarne avec un brio qui ne se dément pas et qui se fait accompagner par un folk rock magnifiquement orchestré. À 15h45, au son de Je t’aime moi non plus de Gainsbourg, Tillman a fait son apparition et s’est lancé dans une interprétation sentie d’I Love You, Honeybear tiré de l’album du même titre. Se dandinant lascivement avec style, tout ça avec une ironie qui a laissé bouche bée une bonne partie des jeunes spectateurs présents, le «pasteur» a donné une leçon sur l’art d’habiter avec classe une scène. On s’est déridé lorsque que notre crooner hippie a demandé au public de brandir leurs poings durant la désinvolte ballade Bored In The USA… un anti-climax parfait! Father John Misty est le personnage scénique le plus intéressant qu’il nous ait été donné de voir au cours des dix dernières années. On en aurait pris encore plus!
Par la suite, la formation Future Islands enchaînait avec à sa tête un autre performeur singulier: Samuel Herring. Musicalement, on est clairement moins adepte de cet électro-pop 80 et encore moins entiché par le meneur du groupe. On ne peut s’empêcher de rigoler à la vue des mouvements scéniques de cet homme que l’on pourrait comparer à une sorte de comptable décoincé… Objectivement, on salue quand même la qualité de la prestation. L’énergie y était!
Retour à la Scène de la Rivière avec The War On Drugs qui a fait paraître l’une des meilleures galettes de 2014: Lost In The Dream. À la sortie du disque, l’ensemble de la faune indie ne se pouvait plus et encensait sans ménagement la formation d’Adam Granduciel. Fin de l’année dernière? Il était devenu quasi honteux d’aimer le groupe. De notre côté, on persiste et on signe. Lost In The Dream est un magnifique album d’Americana contemplatif! Et le sextuor a livré la marchandise offrant de frémissantes versions de Red Eyes et de Eyes To The Wind. Gros coup de cœur pour le solo de guitare de Granduciel dans An Ocean In Between The Waves. Voilà un concert qui aurait obtenu un impact plus imposant en salle, mais rien qui amenuise le travail de la formation. Émouvant!
Et notre Osheaga s’est terminé dans l’ennui le plus complet avec Phil Selway (batteur de Radiohead) qui se sitedemo.cauisait à la Scène des Arbres. Si sur disque, la musique de Selway tient correctement la route, on peut affirmer sans gêne que le bonhomme n’est pas à sa place au-devant de la scène. Quand on obtient le privilège d’être le meneur d’un groupe, il faut offrir une présence scénique minimum. Il ne s’agit pas seulement d’être gentil et sympathique. C’était tout simplement d’un ennui mortel. Disons que Phil Selway devrait s’inspirer fortement de son comparse chez Radiohead: Thom Yorke… Et c’est ce qui a conclut le volet musical de ce 10e anniversaire d’Osheaga.
Ce fut un périple somme toute satisfaisant sans être exceptionnel. Les organisateurs ont voulu célébrer leurs noces d’étain avec les festivaliers en invitant une pléthore d’artistes qui avaient déjà foulé les planches du festival. On comprend parfaitement le choix éditorial des programmateurs, mais puisque nous sommes de grands habitués de l’évènement, notre attrait pour de nombreuses têtes d’affiche était clairement à la baisse. Qu’à cela ne tienne, Osheaga est devenu une destination prisée parmi la foisonnante offre festivalière nord-américaine. Et ça mérite une révérence sentie, et ce, même si l’orientation musicale rassembleuse prend de plus en plus d’ampleur… «business as usual» semble-t-il! À l’an prochain!
Coups de coeur: Viet Cong, St. Vincent et Father John Misty
Coups de gueule: Phil Selway et The Kills (difficultés techniques)
*Veuillez prendre note qu’on vous causera du chapitre «expérience festivalière» d’Osheaga sur Mademoiselle blogue (le blogue de Mademoiselle Rouge). À lire, le jeudi 6 août prochain!