Lambchop
Flotus
- Merge Records
- 2016
- 18 minutes
Lambchop est un important groupe qui, jusqu’à maintenant, a toujours lancé des disques à cheval entre l’americana et le «soft folk rock» classique; une formation franchement mésestimée. Le meneur de Lambchop, Kurt Wagner, est considéré par la presse musicale spécialisée comme l’un des plus compétents songwriters états-uniens. En 2012, Wagner et ses accompagnateurs proposaient l’excellent Mr. M qui voyait la bande revenir à la vie après une pause de trois ans. Wagner avait alors décidé de prendre ses distances avec l’industrie de la musique pour se consacrer à 100% à la peinture. La mort de son grand ami, l’auteur-compositeur Vic Chesnutt (à découvrir impérativement si ce n’est pas déjà fait), l’avait, à l’époque, complètement chamboulé.
Après avoir remis superbement Lambchop sur les rails avec le précédent effort, Wagner revenait la semaine dernière avec un nouvel album intitulé FLOTUS; un virage assez drastique sur lequel Lambchop modernise grandement son approche. Voix trafiquées, rythmes en toc, guitares bourrées d’effets hypnotiques, le groupe met un pied dans la synth-pop, le krautrock, le folk-électro «à la Bon Iver», mais garde intact l’interprétation toute en retenue et la sophistication sonore qui caractérisent depuis toujours l’œuvre de ce grand créateur chansonnier.
Le vieux sage prend encore des risques, et ce, après 30 ans de carrière. Sur cet aspect, je salue la démarche. Mais au-delà de cette respectable prise de risque, ce FLOTUS est probablement l’un des meilleurs disques de la discographie de Lambchop… et l’un des grands crus de l’année musicale en cours. Pourquoi? Parce que tous les éléments synthétiques utilisés (Auto-Tune, claviers, boîte à rythmes, etc.) sont en parfait équilibre avec les composantes «traditionnelles» de la musique de la formation. Ce qu’on aimait chez Lambchop est toujours présent (la retenue, les textes obsessifs de Wagner, la mélancolie ambiante, etc.) et le «vieux stock» est ainsi propulsé à un niveau supérieur grâce à tous ces arrangements réactualisés. Bref, Wagner positionne impeccablement son art entre le passé et l’avenir.
Et ce qui impressionne par-dessus, c’est que toute cette belle musique coule de source. Ça semble facile, les chansons sont tellement fluides et raffinées, qu’on termine l’écoute de ce disque bouche bée devant autant de talent… et d’expérience, car seul un vétéran compositeur peut réussir pareil coup. Même une pièce-fleuve comme l’hypnotique The Hustler (d’une durée de 18 minutes) passe comme un coup de vent. L’entrée en matière, In Care Of 8675309, ravira aussi les adeptes de la première heure. Sur cette chanson, Wagner prépare habilement ses fans au tournant à venir avec un long soft-rock feutré, à la structure répétitive, mais annonciateur de la suite des choses. Et l’une des pièces maîtresses de cette création se nomme Directions To The Can qui évoque un alliage de Barry White et Bon Iver; une sorte de musique soul trempée dans un enrobage très «lounge». Aussi étrange que beau.
Ce FLOTUS est l’album le plus aventureux, mais aussi le plus langoureux de Lambchop. Après trois décennies de carrière au compteur, Kurt Wagner aurait pu se la couler douce. Eh bien non, le créateur se met en danger et offre une magnifique cure de jouvence autant à son songwriting qu’à sa musique. Si la surenchère d’effets du dernier Bon Iver vous a totalement rebuté (et c’est fort possible…), venez faire un petit tour du côté de FLOTUS. Vous serez subjugués par la finesse créative de Wagner. Gros disque de la part de Lambchop.
Ma note: 8,5/10
Lambchop
FLOTUS
Merge Records
69 minutes