Concerts

FIJM 2017: The Bad Plus avec Rudresh Mahanthappa & Cory Henry and the Funk Apostles

The Bad Plus avec Rudresh Mahanthappa

Le trio The Bad Plus s’est multiplié par 1.33 au Gesù en compagnie de Rudresh Mahanthappa pour nous interpréter un répertoire un peu différent de leur habituel. On y dégustait du répertoire culte pour saxophone alto : Parker, Coleman et Konitzau menu. Les œuvres de Parker furent plus fidèlement resitedemo.cauites que celles des deux autres compositeurs. On a assisté par exemple à une version de Sphynx de Coleman précédée d’un solo microtonal très intéressant de Mahanthappa, ou à une version presque free jazz de Subconscious Lee de Konitz. C’est pendant ces versions très originales que ressortait davantage le génie compositionnel reconnu à Bad Plus. Le déconcertant Dave King (batteur du trio) nous a gâté une fois de plus de ses fameux solos si subtils et texturés, jouant avec sa batterie comme si elle n’en était pas une, réinventant la fonction des cymbales et des tambours. Ethan Iverson, le pianiste, qui joue actuellement ses dernières notes avec le trio, a parsemé pour sa part les standards de ses fortes dissonances habituelles, rendant les pièces d’autant plus appropriées par le groupe.

Somme toute, la moitié du concert a été consacrée à jouer des standards extrêmement déconstruits. S’il avait consisté uniquement de ça, je n’aurais eu pratiquement rien à redire. Par contre, le reste du concert comportait des standards non pas moins travaillés, mais moins originaux et moins saucés à la Bad Plus… Et c’était un peu décevant quand ça arrivait. Voir cet excellent trio (pour la dernière fois à Montréal en formation originale) jouer du swing, c’est comme voir Radiohead au Théâtre Maisonneuve jouer uniquement The Bends. On ne se plaint pas, mais on sait qu’on pourrait avoir bien mieux.

L’autre petit hic à la performance était un peu prévisible : le trio est tellement habitué de jouer ensemble qu’on les sentait beaucoup moins solides quand Mahanthappa jouait avec eux. En effet, quand le trio jouait sans lui, tout se resserrait, tout était au quart de tour. Au contraire, quand le saxophoniste jouait en ping-pong avec ses coéquipiers, on pouvait entendre (pas si rarement que ça) de petits écarts.

Tout ça est un tantinet décevant venant d’un groupe qui est (en formation originale) si inconditionnellement excellent en concert, mais les moments forts du concert étaient tellement forts, subtils et bien exécutés que c’était tout de même loin d’être un mauvais concert.

Victor Diaz-Lamich / Festival International de Jazz de Montréal

Cory Henry & the Funk Apostles

Cory Henry and the Funk Apostles ont remplis le Club Soda à craquer, et ce probablement plus que ce que les organisateurs avaient prévu, le spectacle a dû commencer 40 minutes en retard pour attendre que l’interminable ligne finisse d’emplir la salle. Une salle comble au Festival de Jazz… Ça prend bien des vestiges de Snarky Puppy pour faire ça, par les temps qui courent. Parlant de vestige, la formation en est réellement un; ils n’ont encore aucun album studio à leur actif. Toute leur notoriété repose donc sur celle de Cory.

On voit tout de suite la différence entre Henry et League (principal compositeur et bassiste dans Snarky Puppy) : à l’opposé de ce dernier, qui s’est magasiné avec Bokanté une brochette de musiciens incroyablement talentueux venant d’un peu partout dans le monde (et une salle partiellement vide), Henry semble avoir priorisé des gens proches de lui. Je ne dis pas que ce sont de mauvais musiciens, au contraire, mais on n’est pas du tout au même niveau avec les Funk Apostles. Le batteur, par exemple, avait de la misère à garder le tempo lors de ses fills ou quand la métrique changeait. Les deux choristes étaient bonnes, mais leurs voix n’arrivaient pas à la cheville de celle de Malika Tirolien. Et ce n’est pas comme si le maintenant iconique Cory Henry n’avait pas les moyens de se trouver une meilleure équipe. Au moins, ça rend le groupe plus dynamique et plus près de son public cible, qui n’est pas du tout le même que celui de Bokanté. Eh oui, ce fameux public des plus désagréables qui, à la moindre note rapide jouée par n’importe lequel des membres, vocifère comme s’il venait d’être témoin de la plus grande révolution musicale depuis l’atonalité. Ce fameux public qui vient voir Cory Henry, mais qui ne veut réellement que réentendre son solo dans Lingus, et qui n’écoute au bout du compte que leur propre voix.

Le meneur du groupe est, comme on le sait déjà, un claviériste hors pair. Par contre, il traîne avec lui dans cette formation une lacune que je lui reproche depuis bien avant tout ceci : le manque de recherche sonore. Le claviériste se fait probablement donner n’importe quel Moog en deux temps et trois mouvements. Mais peu importe le synthétiseur qu’il utilise, il n’a plus ou moins qu’un son à son arc, et ce depuis ses débuts avec Snarky. Et ce manque s’étend à l’ensemble de la formation. La composition pour chacun des instruments est intéressante par moment, mais le tout est joué par le même son de guitare, le même orgue et le même son de Rhodes qu’il y a quelques dizaines d’années. Je comprends que ce soit du revival, mais tout est là pour donner une couche d’intérêt de plus. Alors pourquoi pas?

Néanmoins, la salle était bien chaude à la fin du concert; Henry et sa bande savent donner un spectacle pour faire se déhancher la maisonnée. Leur musique est un poil monotone par bouts, mais les moments forts étaient très bien réussis. Si la seule mission de leur musique est de faire bouger les gens, alors c’est chose faite. Et qui sait. Peut-être que le virtuose me fera mentir sur certains points lors de la sortie du premier album desdits Apôtres.

http://www.montrealjazzfest.com/