Concerts

FIJM : Bokanté, Kendrick Scott Oracle, Robert Glasper et Her

Le FIJM a accueilli au Club Soda le nouveau projet de Michael League (mastermind et bassiste de Snarky Puppy) et de Malika Tirolien intitulé Bokanté. La formation a sorti son premier album il y a seulement deux semaines. Ils en sont aussi à leur deuxième semaine de tournée à vie sous ce nom, et comme on s’y attendrait des excellents musiciens qui peuplent le groupe, c’est comme s’ils avaient joué toute leur vie ensemble. On a eu l’occasion d’entendre chacun d’entre eux en solo, et chaque fois on en sortait bouche bée. La brochette de musiciens est incroyable. Le spectacle est presque parfaitement rodé. Le setlist est bien construit, avec des crescendos et des decrescendos judicieusement orchestrés. Le seul petit hic à la ligne directrice du spectacle est les interventions de Tirolien expliquant les paroles de certaines chansons… Mais son énergie sur scène est indispensable au groupe, qui est assez statique autrement. La musique est bien écrite, on y reconnaît les arrangements complexes et métissés de League. On pourrait définir leur musique comme étant de la world moderne et métissée; on n’est pas tant dans l’expérimentation que dans la redite, mais c’est une redite somme toute assez originale et surtout assez virtuose pour valoir le billet.

Valérie Gay-Bessette

Peu après se sitedemo.cauisait Kendrick Scott Oracle en première partie de Robert Glasper Experiment au théâtre Maisonneuve. La musique de Scott est bien composée, tenant son originalité principalement dans les parties de batteries (Scott étant le batteur du groupe). Le concert n’aurait été que d’un faible intérêt si ce n’avait été d’une pièce consistant seulement en un solo de batterie accompagnant un récitatif de forme cyclique dénonçant le racisme des policiers états-uniens. Le batteur a fait preuve d’une énorme musicalité en interagissant avec le monologue et en suivant de près la courbe d’intensité du discours; le solo en devenait aussi poignant que le texte lui-même. L’œuvre lui valut une longue ovation debout que je trouvai pour une fois amplement méritée (l’ovation debout étant rendue une pratique si symbolique et surutilisée) dès la deuxième pièce de leur déroulement de spectacle.

Sont ensuite arrivés sur scène Glasper et ses six acolytes, qui nous ont offert une performance surprenante. Son dernier album était un peu trop lassant par moments à mon goût, en partie à cause de l’abus flagrant d’autotune sur la voix du chanteur. En concert, l’autotune est encore la grosse lacune, d’autant plus qu’il était désagréable de stridence, mais il est beaucoup moins présent que dans l’album. En effet, la majorité du concert était digne d’un « Experiment » : le tout consistait essentiellement en une grosse improvisation sur le canevas de leur dernier album. On reconnaissait souvent les refrains ou les licks principaux, mais ça s’en allait instantanément ailleurs, avec de l’échantillonnage, du ping-pong de solos entre les musiciens, des références spontanées (ou pas) à d’autres artistes (ils ont par exemple utilisé la progression de How Much A Dollar Cost de Kendrick Lamar pour faire un long solo de batterie), etc. Certaines influences étaient beaucoup plus apparentes que dans l’album, comme celles du rock progressif dans les moments les plus intenses ainsi que dans certains moments plus psychédéliques. Le tout était joué presque sans pauses, ou plutôt avec des pauses imposées par les applaudissements de la foule, qui préférait visiblement que de s’écouter elle-même. Les musiciens étaient excellents, les éclairages étaient très beaux et les transitions entre les différentes pièces coulaient comme de l’eau… Je m’attendais à beaucoup de Glasper, et j’ai quand même été heureusement surpris par l’excellente performance du pianiste et de son groupe.

Valérie Gay-Bessette

La soirée s’est terminée pour moi avec la formation française Her. La petitesse de leur discographie ne leur a pas empêché de surprendre le Club Soda en cette heure tardive. Les cinq membres sont bien connectés ensemble, et bien qu’on puisse dénoter quelques fausses notes et quelques erreurs, la performance était somme toute bien rodée et assez intéressante. L’éclairage était beau, simple, mais en symbiose avec la musique. Her nous a fait entendre de très belles nuances, avec une grille de chansons très bien ficelée pour garder l’intérêt constant de la foule. Ils auraient pu se retenir de nous parler en anglais entre les pièces, mais bon. C’était une bonne fin de soirée pas du tout jazz pour ce premier jour du FIJM.

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