Critiques

Danny Brown

Atrocity Exhibition

  • Warp Records
  • 2016
  • 47 minutes
8,5
Le meilleur de lca

Danny BrownDanny Brown est l’une des voix les plus intéressantes du rap américain depuis la sortie de l’excellent XXX. Une réputation qu’il a solidifiée avec le non moins merveilleux Old paru en 2013 et qui avait reçu des fleurs de toutes parts dont plusieurs collaborateurs au Canal Auditif. Voici qu’il a bien l’intention de cimenter sa position enviable avec Atrocity Exhibition, son quatrième album.

On ne se fera pas de cachotteries, Atrocity Exhibition est une autre offrande de grande qualité de la part de Brown. Moins facile d’approche qu’Old sur lequel les mélodies viraient en vers d’oreille, il prend un peu plus de temps pour convaincre. Cependant, une fois que le déclic est fait, un amour véritable se développe avec l’amoureux de rap d’avant-garde.

Ce n’est pas parce que c’est un peu plus difficile d’approche que les mélodies intoxicantes ne sont pas présentes sur Atrocity Exhibition. Really Doe, sur laquelle Kendrick Lamar, Ab-Soul et Earl Sweatshirt viennent faire leur tour, est la plus puissante pièce de hip-hop parue en 2016. C’est l’équivalent de deux tonnes de C4 pour les oreilles. Les paroles qui se répondent, tissées avec intelligence profite d’une livraison de grande qualité. Chaque rappeur possède une personnalité forte et entre le rap coulant de Kendrick et les rimes décalées d’Earl Sweatshirt, la magie opère. Brown n’a pas beaucoup d’invités sur ce nouvel album, mais il a fait appel à Petite Noir pour la posée et tripative Rolling Stone. Danny Brown se donne avec un débit un peu plus lent qu’à l’habitude, mais rempli de nuances. Il fait aussi appel à la succulente Kelela sur From The Ground, une pièce à l’atmosphère mélancolique où la soul prend toute la place. On y retrouve aussi une collaboration magnifique avec B-Real (Cypress Hill) sur Get-Hi, une chanson d’amour adressée à la «Marie-Jeanne» et ses vapeurs qui élèvent l’esprit.

Sur tout le reste de l’album, Danny Brown y va d’une offensive tel un seul homme. Il fait irruption avec tout le dynamisme dont il est capable. L’explosive Ain’t It Funny possède une trame saturée où les sonorités bizarres et la basse généreuse occupent une place de choix. La champ gauche White Lines semble réussir à mettre en chanson cet état second indu par la cocaïne; un mélange de confiance et de paranoïa. Dance In The Water met plutôt de l’avant des percussions efficaces, des chants quasi africains sur lesquels Brown rentre comme un train avec ses paroles plus vites que l’éclair. On peut aussi parler avec affection de la solide et efficace When It Rains, premier extrait d’Atrocity Exhibition, une virulente critique du mode de vie américain. Notons aussi l’apport du producteur anglais Paul White qui est partout sur la galette. On parle ici vraiment d’un effort collaboratif heureux et totalement réussi.

Vous avez aimé Old? Vous allez sans doute aimer tout autant Atrocity Exhibition. Si vous avez les oreilles frileuses aux mots injurieux, Brown est une mauvaise destination. C’est rempli de mots offensants qui pourraient sans doute faire pleurer cette pauvre jeune femme qui a découvert le rap américain dans son Amérique blanche où les gens de couleurs se limitent à arpenter les ghettos. Brown vient d’un milieu dur et utilise un langage coloré pour traduire une réalité crue, mais authentique. Bref, c’est bon en ta…