Critiques

Medora

Ï

  • Boîte Béluga
  • 2017
  • 40 minutes
7,5

Medora est un quatuor de Québec formé de Vincent Dufour à la guitare et la voix, Aubert Gendron-Marsollais à la batterie, Guillaume Gariépy à la basse et Charles Côté à la guitare. Ceux-ci avaient fait paraître deux EP précédemment Ressac et Les Arômes. Avec Ï, ils lancent un premier album en bonne et due forme réalisé par Alexandre Martel (Mauves, Anatole).

Ï est très réussi. On ne se fera pas de cachotterie. Il y a quelque chose de profondément touchant chez Medora. Vincent Dufour réussit à nous communiquer certaines émotions qu’il vit avec une justesse déconcertante. Medora rend le quotidien épique. Il magnifie avec adresse des moments, même banals, qui se révèlent d’une poésie indéniable. Un des bons exemples est cette phrase répétée calmement, mais avec une charge émotionnelle incroyable. On le sent à travers sa voix et il nous fait vivre son moment. On se voit dans la voiture avec le reflet du paysage sur la fenêtre, dans ce moment doux entre le sommeil et l’éveil lorsqu’on est en automobile.

«Je me suis endormi, dans le Maine, assis à l’arrière
Je me suis endormi, dans le Maine, assis à l’arrière
Et dix ans durant je t’ai oublié »
Le Maine, assis à l’arrière

Est-ce qu’on y raconte le souvenir d’un enfant en compagnie de ses parents ou le sentiment d’un amoureux qui revient avec l’être aimé dans un char avec des amis? Rien n’est certain et c’est ce qui est beau dans la plume Charles Côté. Les sens sont ouverts et touchent une certaine universalité. Mïra est un autre moment de beauté implacable. Alors que Dufour nous chante :

«I tréma.
T’aimer.
I tréma.
T’aimer.
Conditions idéales.
I tréma.
T’aimer.»
Mïra

Cette chanson qui vacille entre rock aérien et indie-rock aux influences blues, possède une autre ouverture intéressante. On ne sait qui est I tréma, une amoureuse, un enfant… Encore une fois, c’est à l’auditeur de choisir où il placera son cœur à l’écoute de la chanson. Ça fonctionne très bien. La paire de Côté et Dufour sont parfaits l’un pour l’autre. De plus, la filiation entre les différentes chansons, qui semble partir du début de quelque chose pour terminer sa course dans la proprement nommée et mélancolique Petit Chantier :

«J’y pense tout le temps
Obsession lamentable
Ou pas
Ma vie comme un petit chantier d’illusions et de beauté
Chut»
Petit Chantier

Musicalement, on est devant un indie-rock qui s’ouvre vers des moments plus bruyants et plus art rock à plusieurs occasions. Tsunami nous fait voir le côté plus dynamique de la formation alors que Terasse est une chanson avec une mélodie pop hyper efficace.

C’est une très belle surprise que celle de Medora avec Ï, un album qui comporte beaucoup de beauté. Ce touchant album est peuplé de paroles qui ouvrent le sens et s’adapte donc au passé émotionnel de l’auditeur. Une qualité que peu d’auteurs possèdent. Un premier album totalement réussi de la part de la formation.

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