Critiques

Yves Jarvis

The Same but by Different Means

  • Flemish Eye
  • 2019
  • 50 minutes
8
Le meilleur de lca

On dirait bien que Jean-Sébastien Audet n’est jamais totalement satisfait. Ça s’entend dans sa musique, et ça se constate dans l’évolution de ses pseudonymes jusqu’à présent. Installé à Montréal après avoir grandi à Calgary, Audet s’est surtout fait remarquer avec l’album Good Will Come to You, sous le nom Un Blonde. L’album lancé indépendamment en 2016 s’est retrouvé sur la longue liste du Polaris, et avant même qu’il soit réédité par les disques Flemish Eye, Audet en avait déjà assez du nom Un Blonde. L’album a donc été relancé en 2018 sous un nouveau pseudonyme, Yves Jarvis. Et le nom tient encore (pour l’instant) maintenant qu’Audet nous offre l’album The Same but by Different Means.

Cette fébrilité qui ne tient pas en place se manifeste dans l’appellation du projet, mais aussi dans sa musique. Même si les ascendants de soul, de folk et de rock psychédélique sont très forts, il ne faut pas du tout s’attendre à ce que ce soit conventionnel. Le jeune musicien a une approche bien à lui, d’une émotivité à la fois sereine et intense qui donne à sa musique quelque chose d’étrangement spirituel.

Ceux qui ont entendu Un Blonde ne seront pas dépaysés par les compositions de …Different Means, c’est encore les mélodies ensoleillées et les voix superposées d’Audet dans un format à la fois radieux et lo-fi. L’instrumentation est cependant un peu plus fournie et des rythmes percussifs viennent donner la mesure dans une plus grande proportion de chansons. Et quand Audet décide de faire un détour par le hip-hop ou le rock’n’roll, c’est avec plus d’aplomb. Ces détours sont ce qu’Audet fait de plus prévisible, sonnant ici comme un imitateur des Beatles, là comme un fils de Dilla ou de D’Angelo, mais cette prévisibilité réduit beaucoup moins qu’on pourrait le croire l’effet de surprise et d’émerveillement qui éclaire à peu près chaque moment de l’album.

Jarvis a des tics, et c’est ce qui déterminera si vous restez à bord ou non. Il a tendance à abuser de ses effets (notamment de son Space Echo, un son chaud qui tend toujours vers la même oscillation distorsionnée si on le pousse un peu trop fort) et il a le don d’interrompre une bonne idée trop vite (Forward) et de faire durer une idée plus monotone un peu trop longtemps (Blue V, The Truth). Mais si on s’y fait, le foisonnement d’idées et la grande liberté dont fait preuve Audet le rendent à peu près irrésistible.

Quand on sait qu’Audet compose et enregistre depuis l’âge de 13 ans, qu’il s’est déjà donné comme mission de composer une chanson par jour, et qu’il a déjà divers groupes et incarnations derrière la cravate depuis son adolescence, on constate qu’on a clairement affaire à un lifer, à un artiste qui créera compulsivement et qui offrira sa musique que son public soit composé de dix personnes ou de dix millions. Heureusement pour nous, il a trouvé une façon carrément lumineuse de s’exprimer, et tout indique qu’un riche répertoire est en train d’être bâti devant nos yeux.

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