Critiques

YlangYlang

Interplay

  • Crash Symbols/NO EXIST
  • 2020
  • 38 minutes
8
Le meilleur de lca

La Montréalaise Catherine Debard a fondé YlangYlang en 2012, projet électro qui lui a permis de se faire une place au centre de la scène expérimentale montréalaise, d’abord, et de participer à une multitude d’événements internationaux depuis. Co-fondatrice de l’étiquette Jeunesse Cosmique, le projet a bénéficié d’un accès direct à la publication pour proposer une douzaine d’albums explorant un grand éventail de courants esthétiques, respectant les codes (ou pas) selon l’élan créatif du moment. YlangYlang était de retour à la fin janvier dernier avec un treizième album, Interplay, qui propose un équilibre fascinant entre l’abstrait et le concret, l’acoustique et le synthétique. La première impression nous amène dans un rêve éveillé très bien orchestré, dans lequel une enfant chantonne des paroles à saveur philosophique.

Dualities ouvre de façon méditative, façon bols tibétains, établissant une résonance qui appelle à élever le niveau de vibration. Une boucle arpégée étouffée met en place un rythme par-dessus lequel Debard prend place à la voix, nous menant jusqu’à un pont qui fait croiser le santoor (un instrument d’origine indienne) et le violoncelle. La partie musicale est plutôt harmonieuse en comparaison à la performance vocale qui détonne avec sa dynamique punk nonchalante qui penche vers le no wave. Limitless revient à la délicatesse avec une palette de percussions trafiquées, la voix de Debard, elle, est projetée entre le chant nonchalant et le « parlé », accompagnée par le violoncelle, le saxophone et la trompette. Le mélange a une teinte avant-gardiste, en équilibre entre la beauté harmonique et la dissonance fondante. Une basse monophonique super réverbérée amorce The Key servant de base à la voix incluant une trame synth wave qui prend de l’ampleur à l’arrivée de la contrebasse. La densification de la mélodie est superbe, gracieuse, et crée une présence acoustique qui répond bien à la synthèse plus froide. Lost Realms se développe progressivement dans le genre drone, combinant savamment la contrebasse, la flûte, les cuivres et la synthèse pour former une masse sonore diffuse. Les variations claires/sombres simulent un mouvement de l’aérien vers le souterrain, faisant penser un instant à la micropolyphonie de Ligeti, c’est très joli.

Motion part sur une boucle percussive endommagée, coupée sec par une trame ambiante contemplative au synthétiseur. La mélodie est assurée par des cordes qui se détendent, soutenues par une succession de trames enregistrées dans la nature et des percussions interprétées de façon expérimentale. Our Provisional, quant à elle, tourne d’abord sur une boucle arpégée qui semble inspirée du royaume d’Hyrule, entrecoupée par la guitare acoustique, la boîte à rythmes et la basse électrique. Debard lévite au-dessus de la mélodie sur un ton enfantin, avec la tête dans les nuages et les pieds sur terre. Les cuivres colorent tout ça avec un peu de jazz et donnent un mélange complexe et raffiné. Le violoncelle prend les devants sur Nocturnal, générant une mélancolie à laquelle s’agrippe le reste de la trame, divisée entre le synthétiseur vaporeux et les itérations électriques. Le phrasé gagne en densité musicalement, et en intensité dans la performance vocale, tout en conservant un calme global qui sert parfaitement le thème de la pièce. Perspective rebondit au niveau des percussions, comme un tapement de doigts sur une barre en métal, simple et texturé. Le piano électrique réverbéré combiné au saxophone crée une respiration bien plus lente, laissant à l’instrument l’espace nécessaire pour faire un solo formidable qui joue avec les harmoniques.  

À la première écoute, Interplay désoriente un peu par le nombre d’idées qui convergent dans chaque pièce, donnant l’impression sur le coup de déambuler à travers une série de rêves. Heureusement, l’album est superbement bien ficelé, et chaque pièce révèle sa partie du fil conducteur qui fait en sorte que le tout paraît davantage homogène. Cela dit, il y a tout de même un contraste entre la précision du tissage musical et certains moments de nonchalance vocale qui surprend au début, un peu comme un effet auto-tune, mais sans utiliser l’outil. Pas de souci, ça apporte une dimension expérimentale qui rend tout ça plus intéressant, et moins codé.

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