Critiques

Yeule

Evangelic Girl is a Gun

  • Ninja Tune Records
  • 2025
  • 32 minutes
8
Le meilleur de lca

Dans la vie, il est difficile de trouver artiste plus polyvalent et plus empreint.e de créativité que Yeule. Entre l’électro avant-gardiste de Serotonin II, le shoegaze de Softscars ainsi que la pop parfois légère, parfois éclectique de Glitch Princess, rien, ni aucun genre, ne résiste à Yeule. Car Nat Ćmiel (de son vrai nom), avec sa voix fragile, ses paroles cryptiques et ses atmosphères anxiogènes, ne laisse personne indifférent, passant de la douceur à la colère et la détresse en un clignement d’œil. À chaque nouvel album, on ne sait jamais à quoi s’attendre, mais ce dont on peut être sûr, c’est de la qualité du produit final. C’est avec cette mentalité que je me suis lancée dans l’écoute d’Evangelic Girl is a Gun, son nouvel album. Qu’allais-je trouver dans la boîte à trésors, cette fois?

Sur Evangelic Girl is a Gun, on a droit à une ambiance trip-hop et une esthétique grunge, mais aussi une pointe d’espoir et d’accessibilité qu’on avait rarement vue jusque-là dans son catalogue. Quand le premier simple, Eko, était sorti, le registre était résolument enjoué et convenu, mais il y avait ce grain, ce je ne sais quoi qui faisait de ce morceau un extrait percutant, entre les paroles et les cris saturés en toile de fond. À ce jour, c’est un des morceaux les plus ouverts au grand public de la carrière de Yeule, mais l’artiste réussi néanmoins à garder cette expérimentation inimitable. Ainsi, cette dualité est présente partout dans le projet, comme pour illustrer une vie toujours en progression, entre les hauts et les bas. En comparaison, la pièce qui débute l’album, Tequila Coma, nous plonge directement dans un trip-hop gras et granuleux. C’est presque du Portishead, et c’est une des plus hautes formes de compliments que je puisse faire à une chanson de ce style. Sur The Girl Who Sold Her Face, l’univers étrange de Yeule brille: on se croirait dans un film d’horreur, surtout avec des paroles comme : « I’ll drink blood and chew on bones and I will, finally, be a star. » Quand de la musique me permet d’imaginer les images les plus grotesques, c’est que c’est bon signe.

Plus tard viennent deux morceaux que j’associe un peu ensemble : 1967 et VV. Avec la guitare acoustique et leur similitude sonore, on pourrait penser que leur apparition est inutile, voire superficielle. Mais en fait, ces chansons offrent un coussinet de réconfort après un début d’album majoritairement froid, et elles nous permettent de respirer, en particulier VV, terriblement efficace avec son folk doux comme tout. Je vous jure, je peux sentir les lucioles flotter autour de moi quand j’écoute VV.

Pourtant, on tombe aussi sur des morceaux comme Dudu, et, honnêtement, jamais je n’aurais pensé qu’une telle piste fasse partie de la carrière de Nat Ćmiel, mais cela me fait IMMENSÉMENT plaisir. C’est un véritable vent de fraîcheur, comme si l’espoir et le renouveau de Don’t Be So Hard On Your Own Beauty (présent sur Glitch Princess) s’étaient rencontrés pour créer une chanson nostalgique et candide comme tout. « I’ll leave a trace before you forget my face », Yeule proclame-t-elle, avec sa voix qui est empreinte d’une énergie nouvelle et contagieuse. Sincèrement, partez en vélo sur le bord du canal Lachine avec ça dans les oreilles. J’aimerais pouvoir faire du vélo, car l’expérience en serait incroyable, j’en suis sûre.

La pièce maîtresse se situe très certainement dans son avant-dernier morceau et également la chanson-titre, Evangelic Girl is a Gun. Chaotique dès le départ, la construction du morceau se conclut par un véritable rave. Le changement s’effectue si vite, mais nous sommes immédiatement happés dans cette frénésie nocturne et cathartique. Pourtant, le dernier coup de théâtre, c’est Skullcrusher, qui, malgré sa courte durée, ouvre une voie encore plus grunge et plus ténébreuse. Les guitares et la batterie entrent en symbiose pour créer une texture qui coule entre les doigts et qui colle à la peau. C’est très sludgy sans être dénué d’espoir, et on en ressort grandi et, étonnement, insufflé d’un optimisme revanchard.

S’il s’avère que l’écoute file très (peut-être même trop) rapidement, et que, malgré les chansons sorties précédemment étant toujours les moments phares de l’album, reste qu’Evangelic Girl is a Gun est un projet doté d’une homogénéité satisfaisante qui convient tant aux mélomanes aguerris et qu’aux amateurs de pop bizarroïde. Peu importe qui nous sommes, Yeule fédère et est là pour nous. Au final, c’est sûrement dans l’étrangeté qu’on trouve le meilleur des réconforts.

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