Critiques

Wu-Lu

Loggerhead

  • Warp Records
  • 2022
  • 41 minutes
7,5

Wu-Lu est à peu près impossible à caser dans un style, chose peu habituelle pour un artiste dont la musique est aussi facile d’approche. Il pourrait partager l’affiche avec presque n’importe quel artiste. Sa méthode pour la composition est si voracement curieuse, si ouverte à tous les courants musicaux, qu’on n’est pas surpris d’apprendre que sa jeunesse a été baignée autant dans le grunge que dans le grime, et qu’il a d’abord appris la trompette avant de passer à la basse, puis à la table tournante. Loggerhead, son deuxième album (après Ginga, en 2015) et son premier pour le prestigieux label Warp, est à l’image de ces racines musicales : tous les styles y sont les bienvenus tant qu’ils expriment adéquatement la tension, la colère et l’hystérie ambiantes.

Wu-Lu, de son vrai nom Miles Romans-Hopcraft, pourrait aisément faire un album entier tout seul. Il sait jouer de divers instruments et tire d’excellents résultats d’un studio maison, comme on peut le constater dans l’impressionnante séance chronométrée qu’il a enregistrée pour FACT. Son approche pour Loggerhead est sensiblement la même que pour son Against the Clock, mais entouré de divers collaborateurs. La composition se fait spontanément, Wu-Lu s’auto-sample et échantillonne ses musiciens, puis il réarrange les éléments pour faire un morceau fini qui peut être interprété en groupe. Le simple South, lancé environ un an avant l’album, est une démonstration frappante d’où peut aboutir sa méthode.

South et une poignée d’autres pièces de Loggerhead explorent le côté rock et punk de Wu-Lu, mais il consacre autant de son attention au footwork, au dubstep et au hip-hop. Loggerhead pourrait être considéré comme un exercice visant à couvrir un maximum de territoire en un seul album. L’envers de la médaille, c’est que Wu-Lu flirte dangereusement avec le manque de profondeur et le manque de cohérence. C’est un peu inévitable avec les touche-à-tout. Ce qui sauve ses coq-à-l’âne, et ce qui constitue le précieux fil conducteur de Loggerhead, c’est qu’il arrive à apposer une touche personnelle à toutes ses compositions. Reste à savoir pour l’auditeur si vous voulez passer du temps avec les différentes manifestations de cette personnalité.

Mes propres références musicales font que Wu-Lu tombe dans mes cordes. J’entends dans sa musique des relents d’un paquet d’artistes que j’ai aimés pendant les 25 dernières années, mais je reste un peu sur ma faim tout de même. Je soupçonne que la spontanéité dans la méthode de Wu-Lu est peut-être ce qui fait que tout reste plaisant, voire excitant, sans devenir transcendant. Je vois un indice dans les textes, qui se répètent un peu et qui tombent parfois de façon un peu maladroite sur la mélodie qu’il avait en tête. Les accents toniques ne sont pas où ils devraient être. On a l’impression que beaucoup de ce qu’on entend sur l’album est un premier jet, ou n’a pas été retravaillé longuement après le premier jet. Ça suggère que l’album aurait pu être encore meilleur. C’est le petit côté frustrant d’un album plein de vie et de bonnes idées.

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.