Wand
Laughing Matter
- Drag City
- 2019
- 68 minutes
Depuis leurs débuts en 2014, les membres du groupe américain Wand n’ont cessé d’enchaîner les sorties, avec quatre albums et un EP à leur actif, tout ça en seulement quatre ans. Les voici déjà de retour avec un cinquième opus, Laughing Matter, d’une durée de plus d’une heure et qui voit la formation menée par le chanteur et guitariste Cory Hanson accoucher de son œuvre la plus solide et la plus raffinée.
Le son de Wand a considérablement évolué depuis la parution de son premier album Ganglion Reef, il y a cinq ans. Vaguement associé à la mouvance garage-rock de la Californie (Hanson et le batteur Evan Burrows ont fait partie du groupe de Ty Segall), le quintette a tranquillement bifurqué vers un rock psychédélique davantage planant que sale, mais sans perdre sa capacité à construire des riffs de guitare bien ciselés. On les a bien sûr associés au courant néo-psychédélique dans le sillage de formations comme Tame Impala (avant que ceux-ci ne tombent dans le disco), mais il y a aussi chez Wand un versant plus « stoner » qui fait penser à Wooden Shjips.
On a souvent reproché au groupe originaire de Los Angeles de sortir ses disques trop rapidement et de ne pas savoir faire le tri de ses idées. Sur Golem (2015), on avait parfois le sentiment d’entendre un clone de Segall, tandis que 1000 Days, sorti la même année, tirait un peu dans plusieurs directions en même temps. C’est sur Plum (2017) qu’on a senti que la formation commençait à arriver à maturité.
Le premier constat qui s’impose à l’écoute de ce Laughing Matter, c’est qu’il s’agit de l’album le moins rock de Wand. Non pas que les guitares teintées de distorsion et de fuzz ont complètement disparu, mais elles ne servent plus de matière première aux chansons et sont surtout là pour ajouter de la texture. Les deux premiers morceaux de l’album, Scarecrow et xoxo, donnent une excellente idée de cette nouvelle direction. Rien ne semble forcé, et le groupe installe un groove simple sur lequel la douce voix d’Hanson plane délicatement. On se surprend à penser au Radiohead de l’époque OK Computer mais également au minimalisme d’un groupe comme CAN.
Ça ne veut pas dire que Wand a abandonné les riffs qui déménagent. Une des pièces les plus réussies est sans aucun doute Walkie Talkie, qui est portée par une pulsation endiablée et un mur de guitares et de synthétiseurs. Il s’agit peut-être du titre le plus accrocheur de toute la discographie du groupe, du genre à vous rester dans la tête des jours durant. Les nostalgiques des guitares saturées peuvent également se rabattre sur la délirante Lucky’s Sight et sa finale carrément étourdissante qui donne l’impression d’un vaisseau spatial ayant perdu le contrôle et sur le point de s’écraser.
Une des belles qualités de ce Laughing Matter est aussi la place prépondérante accordée à la claviériste Sofia Arreguin, qui assume seule la voix principale sur deux des pièces. Avec une durée de plus de neuf minutes, Airplane se veut le morceau-clé du disque, porté par la voix angélique d’Arreguin jusqu’à ce que la guitare explose en un solo tonitruant. Le diptyque Wonder et Wonder II vient aussi ajouter une belle cohérence à l’album, d’abord en version stoner-rock avec la voix d’Hanson puis en version berceuse avec la voix d’Arreguin, et tout cela sans redondance.
À 68 minutes, Laughing Matter est de loin l’album le plus long de Wand mais c’est pourtant celui où les idées semblent les mieux ramassées. Il y a bien quelques petites longueurs ici et là (un solo qui s’étire, un interlude instrumental qui ressemble à du remplissage), mais ça ne diminue pas la qualité de ce disque qui devrait permettre au groupe de s’affranchir de l’étiquette de disciples spirituels de Ty Segall.