Critiques

vice E roi

L’enfer chez les autres

  • UniForce Productions
  • 2020
  • 31 minutes
6,5

Un an après la parution de son EP Les heures maladives et sa victoire au concours Chante en français (en plus de sa sélection aux Francouvertes), le duo vice E roi vient de franchir une autre étape dans sa jeune carrière avec la sortie d’un premier album. Intitulé L’enfer chez les autres, ce premier opus aux accents pop folk fait la part belle aux arrangements de cordes pour un résultat à la fois sombre et doux.

À la base de la musique de vice E roi se trouvent les voix de Jayana Auger et de Guillaume Lessard, qui s’entrelacent en de riches harmonies, leurs timbres respectifs s’avérant le parfait complément de l’autre. Leur ADN est indéniablement folk, mais L’enfer chez les autres témoigne aussi d’un désir d’une musique plus aérienne, si bien que les arrangements de cordes signés Gabriel Desjardins (Philippe Brach) occupent une place prépondérante et permettent aux chansons du duo d’aller au-delà de la pop intimiste déjà très bien représentée dans le paysage musical québécois.

Tous deux originaires du Saguenay-Lac-Saint-Jean, Auger et Lessard se connaissent depuis l’adolescence et ont développé une complicité évidente. Les mélodies vocales sont finement ciselées, avec une grande amplitude dans le registre qui les fait passer rapidement de notes graves à plus aiguës. Le type d’intonation demeure toutefois le même pour tous les morceaux, avec les deux voix toujours en synchro et suivant le même motif rythmique, ce qui crée une forme de redondance au final.

Les textes sont très bien écrits et s’inscrivent dans la même veine de poésie sombre à la Pierre Lapointe ou Klô Pelgag. Le duo a d’ailleurs décrit L’enfer chez les autres comme un album « chair de poule » racontant des histoires à glacer le sang. Rien à voir cependant avec la série télé du même nom adaptée des romans de R. L. Stine, car on est ici dans un registre résolument réaliste plutôt que fantastique, ce qui renforce le côté dramatique de quelques chansons, dont la bouleversante Qui aurait cru que des mains ça casse des enfances, qui traite de maltraitance envers les enfants, ou encore Chimie aux urgences, sur le cancer et ses conséquences:

« Elle ne va pas mourir

Elle te l’a dit à toi

Tire les fils, les aiguilles

Son sang ne la trahira pas

Ils sont six devant elle

Et puis 300 déjà, devant son lit

C’est la chimio urgences ».

– Chimie aux urgences

Musicalement, le duo se confine dans des rythmiques plutôt lentes ou modérées qui s’agencent bien avec les univers textuels, mais qui installent une atmosphère uniforme tout au long de l’album. Seule l’entraînante Elie fait exception avec un côté pop plus assumé, créant un contraste intéressant avec le texte moins joyeux qui traite d’une fille ayant du mal à trouver sa place dans la société. Si l’accent est mis sur les cordes, on note un subtil désir de varier l’instrumentation, que ce soit par l’ajout d’effets sur les guitares (du chorus sur La myopie du cœur) ou de glockenspiel (sur Pandore), même si plusieurs chansons baignent dans une atmosphère semblable.

Il s’agit d’un premier album prometteur du duo vice E roi, dont la signature sonore est suffisamment distinctive pour lui conférer une place parmi les artistes québécois de la relève à surveiller de près. Jayana Auger et Guillaume Lessard possèdent un flair certain pour les musiques cinématographiques (comme l’illustre l’introduction instrumentale Les disparus) et les orchestrations élaborées. Ça manque cependant un peu de relief dans l’approche vocale et le type d’ambiances, ce qui entraîne un ton un peu monocorde, malgré toute la sensibilité et la délicatesse des textes.

Inscription à l’infolettre

Ne manquez pas les dernières nouvelles!

Abonnez-vous à l’infolettre du Canal Auditif pour tout savoir de l’actualité musicale, découvrir vos nouveaux albums préférés et revivre les concerts de la veille.