Vattnet Viskar
Settler
- Century Media Records
- 2016
- 40 minutes
Voici Settler, le troisième album de la formation américaine Vattnet Viskar, quatuor que l’on associe à la vague post-black métal (Deafheaven, Ghost Bath, Deluge et autres), mais qui s’affranchit ici de l’étiquette mal aimée (ce serait le sujet d’un article de 2000 mots).
Car Settler a certainement une filiation avec le genre – l’omniprésente batterie et le bordel généralisé -, mais pour ma part, il y a sur cet album, des choix stylistiques assumés qui nous entraînent loin de ce constant (mais néanmoins nécessaire) exercice de catégorisation des genres (même cet article ne parvient à n’en sortir).
Ici nous avons une voix assumée – très sludge -, de gros «breakdowns» et beaucoup d’exploration et d’expérimentation dans «l’épaisseur» (thickness, désolé le mot anglais est plus complet, complexe) des compositions.
La grosse basse, lourde, est le premier ancrage dans des sonorités organiques de Vattnet Viskar, en opposition ici avec l’approche plus clinique, distante, du black. La voix aussi, plus grasse, gutturale nous garde à un niveau terrestre tandis que les guitares s’élèvent dans une stratosphère d’effets.
Après deux albums sur lesquels Vattnet Viskar a semblé vouloir tout essayer, voilà que les quatre membres achèvent leur recherche et débarquent enfin avec leur propre son.
Le choix de la pochette est aussi intéressant dans cette optique: la représentation de Christa McAuliffe qui flotte en apesanteur dans quelque chose comme une navette en orbite. Voilà une suggestion qu’on ne saurait voir autrement que calculée. Pour les néophytes, on se souvient de McAuliffe, cette institutrice qui est décédée dans la terrible explosion de Challenger en 1986.
Voilà une autre preuve que Vattnet Viskar jongle avec les codes d’un genre musical, mais aussi avec des référents culturels pour rendre plus saillant son propos: témoigner de cette étrange dualité entre l’espoir et la conscience de la mort tragique, le savoir versus l’arbitraire de la vie humaine.
Bref, Vattnet Viskar explore sur tous les fronts cette nécessaire relation entre science et fiction: ce qu’on peut appréhender, calculer, et ce qui nous dépasse.
Nous sommes certainement plus proches avec Settler d’une proposition post-métal que post-black, ne serait-ce que pour l’incontournable place qu’occupe la trame narrative ici. Les amateurs de Deafheaven s’y retrouveront, mais seront peut-être largués par le côté résolument plus «viking» de la sitedemo.cauction.
Settler est certainement un «grower» comme on dit dans le milieu (!). Un détour s’impose ici pour cet album plus que réussi. Un tour de force stylistique qui assurément, marque un tournant dans la carrière du quatuor.
*Ce texte contenait huit apartés entre parenthèses. Ah bin coudon’.
*Le groupe sera en concert au Théâtre Plaza le 21 février.
Ma note: 8,5/10
Vattnet Viskar
Settler
Century Media Records
40 minutes
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