Vanille
La clairière
- Bonbonbon
- 2023
- 32 minutes
Hop hop, la chanson instrumentale qui introduit tout en finesse La clairière, plante le décor d’un album nostalgique – dans la forme la plus salutaire du terme – et quasi cinématographique. En quelques secondes, les yeux clos, on perçoit les clichés colorés, tout droit sortis du Peau d’âne de Jacques Demy, dont l’immense compositeur Michel Legrand signait la bande sonore en 1970. Par exemple, les notes de flûte et de clavecin de Rachel Leblanc, connue sous le nom de scène Vanille, convoquent ainsi dans notre imaginaire un enchantement et une féérie d’un autre temps. Ce véritable remède à la grisaille hivernale agit immédiatement et nous enveloppe d’un épais bonheur qui ne nous quittera jamais jusqu’à la remarquable conclusion de l’opus, Quand la neige tombe.
L’atmosphère baroque de La clairière, que l’artiste Kaël Mercader a par ailleurs magnifiquement stylisée sur la pochette du disque, se confirme ensuite avec La rose et Le bois. La voix haut perchée de l’autrice-compositrice-interprète sied à merveille à leurs mélodies architecturales et mélancoliques influencées par un folk délicat, celui dont l’écho se répandait dans tout le Royaume-Uni et au-delà dans les années 1960. Avec Mon petit chemin et Anna, de tels morceaux prouvent également que Vanille a gagné en maturité et pris le temps de peaufiner son identité artistique depuis le très shoegaze et néanmoins excellent Soleil ’96 paru il y a deux ans.
Et le rayonnement des fameuses années 1960 sur l’œuvre de Rachel Leblanc ne s’arrête pas là, bien au contraire. À bientôt est l’illustration que celle-ci manipule la douce amertume avec soin, comme a pu le faire la légendaire Françoise Hardy à l’époque… Les parallèles ont déjà été tracées maintes fois, mais jamais elles ne s’étaient avérées aussi évidentes. Avec un entrain et une bienveillance enrobés dans un écrin de modernité, Vanille chante notamment ces quelques mots, «Tout ce que tu n’as pas pris je l’ai gardé pour moi», que la grande dame yéyé aurait très bien pu écrire et fredonner voilà quelques décennies. Il en va de même pour le contemplatif et bouleversant Maison d’automne qui, grâce à une forte présence de cordes sèches et une sensibilité à fleur de peau, nous ramène aux débuts musicaux de Françoise Hardy. Le refrain nébuleux et entêtant qui commence avec ces paroles «Et une sorte d’intuition me guidait / Et dans une autre chanson je vieillirai» se confond parfois avec ceux de L’Amitié et Le premier bonheur du jour, à la différence près que les chansons de Vanille dévoilent des arrangements musicaux complexes. Soulignons à ce propos que l’ensemble a été co-réalisé par Alexandre Martel (Hubert Lenoir, Alex Burger).
Avec La clairière, Rachel Leblanc continue enfin de répandre avec éclat une naïveté très subtile et dépourvue de quelconque mollesse. Le kitsch et le vintage y sont toujours savamment dosés, comme c’est le cas avec Par delà les monts, agréablement ponctué de pépiements d’oiseaux. L’occasion de mentionner aussi que la nature se cache partout, jusque dans les moindres recoins de ce magnifique disque de Vanille.