Critiques

Ty Segall

Hello, Hi

  • Drag City
  • 2022
  • 34 minutes
7,5

À moins d’habiter sur une autre planète, la plupart des mélomanes sont bien au fait que cette interminable pandémie a complètement chamboulé les projets de tournées et d’enregistrements d’une vaste majorité de musiciens. Le productif rockeur états-unien Ty Segall n’a pas échappé à ce dérèglement. Segall nous avait quand même balancé pas moins de cinq parutions au cours des deux dernières années : un EP hommage à l’auteur-compositeur Harry Nilsson (2020), des albums avec Fuzz (2020) et Wasted Shirt (2020), un long format en mode esseulé — Harmonizer (2021) — et la trame sonore d’un documentaire réalisé par Matt Yoka intitulé Whirlybird (2022).

L’hyperactif Ty est tout simplement incapable de se la couler douce. Puisqu’il était impossible pour lui et ses accompagnateurs de tourner à plein régime afin de promouvoir Harmonizer, notre homme a donc pris la décision d’enregistrer un 14e album en carrière dans son studio maison. Intitulé Hello, Hi, cette nouvelle création voit le Californien d’origine retourner à ses premiers amours, lui qui avait récemment intégré plusieurs éléments synthétiques à son garage rock aux accents psychédéliques.

Dans ce contexte pandémique, seul chez lui, Ty Segall a cru bon nous présenter des chansons dont les bases sont résolument acoustiques. Même si le fuzz n’est jamais bien loin avec le bon Ty — la pièce-titre entre autres — toutes les chansons de ce nouvel album s’appuient sur la guitare acoustique. En fait, Hello, Hi est une création qui vient se positionner tout près de l’excellent Sleeper, disque paru en 2013.

Plongeant en lui-même, fuyant ce monde qui le terrifie — on peut le comprendre — Ty Segall nous ouvre la porte vers un univers enchanteur qui torpille la noirceur et l’absurdité du monde dans lequel nous vivons. Évidemment, quand Segall s’aventure dans son « folk rock de poteux » qu’il affectionne tant, on retrouve également ses habituelles inflexions vocales remémorant feu Marc Bolan, alias T. Rex. Mais on redécouvre aussi le réel talent compositionnel et mélodique qui l’habite. En format rock, l’explosivité des guitares peut parfois nous faire oublier à quel point il est un excellent chanteur doublé d’un faiseur de chansons hautement doué.

Hello, Hi s’amorce avec Good Morning qui s’ouvre comme un jour qui se lève… après une longue nuit d’insomnie. Évoquant le travail mélodique de Lou Barlow, Over est l’une des meilleures chansons en carrière de Ty Segall. La relecture de Don’t Lie, une pièce tirée du répertoire de la formation garage-pop américaine The Mantlers, est réussie. L’hypnotique Distraction, et ses superbes harmonies vocales en conclusion, confirme hors de tout doute que le rockeur est un chanteur compétent. Les friands de Segall en mode abrasif seront sustentés avec la pièce-titre dont les percussions en conclusion évoquent la jouissive Feel, ce joyau rock paru sur l’album Manipulator (2014). Et on salue l’intervention subtile du saxophone, gracieuseté de l’invité Mikal Cronin, dans Saturday Pt. 2.

Certaines fines bouches pourraient renâcler sur le manque d’inventivité caractérisant ce Hello, Hi. Au fond, Ty Segall nous sert un plat qu’il nous a déjà mitonné. Toutefois, l’artiste est tellement en maîtrise qu’on prend réellement conscience du chemin parcouru par ce créateur chansonnier qui s’évertue à garder bien en vie la flamme vacillante du rock.

À ajouter dans vos écoutes paisibles du dimanche matin.

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