Critiques

Trupa Trupa

B Flat A

  • Glitterbeat Records
  • 2022
  • 39 minutes
7,5

Ce groupe polonais formé d’un poète, d’un peintre, d’un photographe et d’un designer graphique commence sérieusement à attirer l’attention des amateurs de rock du monde entier. Proposant une mixture hétéroclite de post-rock, de rock psychédélique, d’indie rock et de krautrock, ce quatuor se démarque également par l’approche littéraire du guitariste-chanteur Grzgroz Kwiatkowski. Animés par une vision du monde que le parolier qualifie lui-même de « pessimisme vital », les textes de cet écrivain publié en Pologne explorent les « côtés sombres et effrayants de la nature humaine ».

Après la sortie de deux albums indépendants, Trupa Trupa — qui signifie « troupe de cadavres » — a signé avec la maison de disques Blue Tapes. C’est avec les parutions de Jolly New Songs (2017) et Off the Sun (2019) — disque distribué par Sub Pop en Amérique du Nord — que le groupe concrétise son ambition d’internationaliser son rayonnement. Plusieurs critiques ont comparé la formation à des groupes comme Mercury Rev, Can, My Bloody Valentine ainsi que le Tame Impala des débuts.

Il y a environ un mois, quelques semaines avant la terrifiante invasion de l’Ukraine par la Russie, Trupa Trupa nous présentait un nouvel album intitulé B Flat A, l’équivalent de si bémol, la dans la langue de Molière. Cette fois-ci, les Polonais nous présentent un album immersif, légèrement plus accessible qu’à l’accoutumée. En plus des habituelles expérimentations psychédéliques, le groupe ajoute à son arsenal quelques éléments issus du rock gothique. Uselessness, entre autres, est une référence subtile au Cure de l’album Pornography et à Siouxsie & the Banshees. Coup de chapeau au chaos sonore en fin de parcours !

Le son de Trupa Trupa est bien sûr éclectique. Tout au long de ce nouvel album, on note de subtiles alternances entre des expérimentations psychédéliques et de courtes explosions aux allures post-hardcore. Par exemple, une pièce comme Twitch évoque autant King Gizzard and the Lizard Wizard que Fugazi. Si Moving et Kwietnik sont hypnotiques, une chanson comme Lines ou encore la conclusive pièce-titre sont quasi « pink-floydesques ». Uniforms et Far Away auraient pu paraître sur Lonerism ou InnerSpeaker de Tame Impala et All and All sonne comme si les Breeders avaient délaissé l’alcool pour recourir à des atomiseurs oraux de marijuana.

Malgré toutes ces influences — c’est le cas de le dire ! — Trupa Trupa réussit à nous garder captifs grâce ce krautrock qui manifeste toujours sa présence, peu importe la façon. Cela dit, cette « étude de la désintégration et de la décomposition » qu’est B Flat A, souffre d’une certaine faiblesse compositionnelle. Ce n’est pas tout d’épater la galerie avec une évidente maîtrise stylistique, il faut aussi être en mesure de condenser ces excursions sonores pour en faire une œuvre cohérente.

On aurait souhaité une direction artistique plus claire, mais pas de doute, B Flat A est un disque réussi. Cette talentueuse formation, remplie de promesse, pourrait bien nous épater un de ces quatre. Trupa Trupa pourrait bien devenir une importante référence rock de l’Europe de l’Est… à moins que Vladimir Poutine en décide autrement.