Critiques

TRAAMS

personal best

  • Fat Cat
  • 2022
  • 42 minutes
8
Le meilleur de lca

personal best est un album qui a reçu relativement peu d’attention de la presse musicale en 2022, mais qui s’est tout de même hissé dans le top de fin d’année du Canal. C’est l’œuvre de TRAAMS, un trio post-punk du sud de l’Angleterre qui s’était fait silencieux depuis quelques années.

Pour ceux qui connaissaient le groupe, l’attente avait été longue. Son plus récent album, Modern Dancing, lancé en 2015, s’inscrivait à merveille dans le courant post-punk britannique qui est depuis devenu sursaturé. C’était du rock nerveux, clairement inspiré par de grosses pointures britanniques comme Wire, The Fall et Swervedriver. La formation maîtrisait cette sonorité, mais risquait de plus en plus de se perdre dans la masse des nombreux groupes du même genre. 

Il était raisonnable de croire qu’on n’entendrait peut-être plus jamais TRAAMS. Le chanteur et guitariste Stuart Hopkins affirme lui-même ne pas avoir touché à sa guitare pendant environ deux ans de 2017 à 2019, en panne totale d’inspiration. Le groupe a senti le besoin de ranimer la flamme à la fin de 2019, mais cette lancée a été interrompue brutalement au printemps 2020, pour les raisons qu’on sait. Forcé à se réorganiser et à travailler différemment, à distance et à volume réduit, le groupe a dû trouver de nouvelles façons de mener ses idées à bien dans un monde suspendu dans l’incertitude. L’ingénuité forcée l’a aidé du même coup à se démarquer un peu plus.

Et c’est quoi, cette nouvelle approche? Un indice se trouve dans la pièce d’introduction, Sirens, un morceau simplement composé d’arpèges au synthé formant une mélodie jolie, irrégulière, un peu triste. Aucune autre pièce de l’album n’est aussi dépouillée, mais les trames mélodiques ont toujours une ressemblance avec cette intro: le groupe trouve un motif mélodique efficace et évocateur, et l’étend patiemment, sans trop de variation, sur des rythmes motorische parfois joués sur une batterie réelle, parfois assemblés à partir d’échantillons. Je ne serais pas surpris qu’une grande partie des idées sur l’album aient pris naissance sur des synthés, pour ensuite être transposées à une combinaison de guitares, de basse et de voix. Le résultat n’est pas sans rappeler une version glaciale et posée de Spacemen 3.

Autre particularité de personal best: la présence de plusieurs chanteurs invités, dont Joe Casey de Protomartyr, qui apporte à la pièce The Light at Night une espèce de sermon cryptique et enflammé, livré de façon légèrement différente de ce qu’il fait habituellement, comme s’il jouait un personnage conçu expressément pour cette collaboration.

Beaucoup d’albums parus en 2022 ont été analysés et appréciés en les observant à travers le prisme de la pandémie. C’est plutôt normal. Ce bouleversement a changé la routine d’absolument tout le monde, en plus de fragiliser bien des modes de vie. personal best exprime son époque d’une façon particulièrement réussie. C’est un album d’épiphanies discrètes, de petites révolutions personnelles. À grande échelle, la pandémie n’a pas eu les conséquences positives que certains espéraient; on n’a pas globalement réorienté nos priorités pour s’attaquer aux problèmes les plus pressants, on a juste ajouté de nouvelles inquiétudes à celles qui étaient déjà là. À plus petite échelle, par contre, beaucoup de monde soigne sa santé mentale, ou à tout le moins est plus conscient qu’avant il faut en prendre soin. Avec personal best, TRAAMS crée une musique qui exprime à la fois l’anxiété de voir les choses tourner si mal et le souhait de poser un regard bienveillant et calme sur soi-même et sur les autres.

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