Critiques

Tinariwen

Amatssou

  • Wedge
  • 2023
  • 47 minutes
7,5

Depuis 1982, Tinariwen nous propose une synthèse de blues, de rock et de musique traditionnelle touareg; un alliage qui, à l’époque, a été créé dans l’exil et la souffrance. La formation a joué un rôle prépondérant pendant la rébellion touareg qui s’est déroulée durant les années 1990 en diffusant des messages de solidarité et de résilience à leurs concitoyens.

En 2019, Tinariwen nous avait proposé Amadjar. Ce disque, enregistré dans un camp localisé en Mauritanie, comptait sur les contributions senties de Nick Cave, Warren Ellis, Cass McCombs et Stephen O’Malley (Sunn O)))), entre autres. Le groupe a toujours entretenu une relation étroite avec de nombreux artistes occidentaux. Et le neuvième album studio de la formation intitulé Amatssou perpétue ces liens de manière encore plus soutenue.

Tout juste avant que la pandémie covidienne mette à mal le monde entier, Tinariwen avait enregistré quelques chansons à Nashville au studio privé de Jack White. Lors de ces sessions, les membres de la formation avaient eu l’occasion de rencontrer quelques instrumentistes de renom issus de la musique traditionnelle états-unienne, ce qui a inspiré la bande à explorer les sensibilités similaires entre le « blues du désert » et la musique de l’Amérique rurale. C’est ainsi que Tinariwen a pris contact avec le vénérable Daniel Lanois (U2, Brian Eno, Bob Dylan) qui avait donné son accord pour réaliser le prochain album du groupe en terre d’Amérique.

Or, la COVID-19 a fait son apparition rendant ainsi impossible la venue de Tinariwen aux États-Unis. La bande a donc dû enregistrer ses nouvelles chansons dans le désert, tout près de l’oasis de Djanet, pour ensuite transmettre ces pièces toutes neuves à Lanois qui lui, a fait appel à des musiciens nord-américains pour concrétiser l’intention initiale du groupe.

En grandissant au Mali, les membres de Tinariwen ont eu accès à des enregistrements sur cassettes de Jimi Hendrix et Dire Straits par des vendeurs de rue. Curieusement, ce sont ces ascendants qui dominent comparativement aux subtils arrangements « americana » qui sont éparpillés tout au long de ce Amatssou. En fait, le traditionalisme états-unien sert surtout d’ornementation à la musique du groupe.

L’auteur de ces lignes aurait préféré une osmose plus audible et sentie entre les deux univers sonores. Tout au long de l’écoute, on n’a pu s’empêcher d’imaginer ce qui aurait pu survenir si Tinariwen avait pu enregistrer cette création en Amérique, en studio, avec la présence physique de Lanois; un réalisateur qui aime bien sortir des sentiers battus en ce qui a trait aux prises de son.

Cela dit, les habitués seront de nouveau subjugués par les grooves hypnotiques qui ont fait la bonne réputation du groupe. Parmi les moments où les deux univers s’imbriquent parfaitement l’un dans l’autre, on note les contributions du banjo dans l’introductive Kek Alghalm et celle de la pedal steel dans Arajghiyine. Iket Adjen est le morceau le plus « nord-américain » de l’album. Le penchant « dans les vapes » entendu dans Nak Idnizdjam est totalement réussi et le retour de la pedal steel de Lanois enjolive magnifiquement bien Ezlan. Certaines fines bouches déploreront la répétitivité de la formule « tiraniwenienne », mais ce serait sous-estimé cette musique intemporelle et hautement identifiable.

Amatssou signifie « au-delà de la peur ». Ne serait-ce que pour l’ambition unificatrice qui caractérise cet album, ce nouvel opus de Tinariwen vaut la peine d’être écouté attentivement.

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