Critiques

Tim Hecker

No Highs

  • Kranky
  • 2023
  • 51 minutes
7,5

Au début du mois d’avril, le compositeur de musique ambiante Tim Hecker, nous présentait son onzième opus en carrière intitulé No Highs. Sur les trois précédentes créations qu’il nous avait offertes, le Canadien élargissait sa palette sonore, d’ordinaire synthétique, en y intégrant des sonorités dites « traditionnelles ». Il a fait appel à un orchestre associé à la musique japonaise pour les albums Konoyo (2018) et Anoyo (2019). L’artiste a également employé une chorale irlandaise sur Love Streams, disque paru en 2016.

Dans le communiqué de presse remis par la maison de disques Kranky, on peut y lire que No Highs est une création qui s’oppose « au déluge de musique ambiante commerciale et faussement positive présentement en vogue ».

No Highs est une réplique magnifiquement austère à cette musique ambiante bienveillante, dont la popularité s’est accrue avec les confinements pandémiques. Les synthétiseurs remplis de tension côtoient les déluges d’orgues. Les rythmes, eux, à l’évidence minimaliste, sont relégués judicieusement à l’arrière-plan dans le mix accentuant ainsi le caractère « inquiet » de cette production.

En fait, No Highs est un album axé beaucoup plus sur le voyage que sur l’abondance de crescendos. En mettant l’accent sur des ambiances menaçantes, crispées, mais maîtrisées, Hecker prépare l’auditeur à un possible cataclysme à venir.

L’album démarre avec Monotony. Dès le départ, on y entend une seule note syncopée qui mène à l’arrivée de sons subtilement introduits évoquant ainsi les sirènes urbaines avisant la population d’une possible catastrophe. Or, l’apothéose attendue et désirée ne survient jamais laissant place à Glissalia, un parfait anti-climax à la pièce introductive. Et ce jeu entre anxiété et contemplation se poursuit ainsi tout au long de l’album.

Parmi les autres moments forts de cette première production en quatre ans pour l’artiste, on note le diptyque formé de Lotus Light et Winter Cop; deux pièces qui s’imbriquent parfaitement l’une dans l’autre tant ils sont similaires. Monotony II nous sort de notre torpeur grâce au saxophone de l’invité et ami de Tim Hecker, Colin Stetson. Les pulsations itératives, toutes en retenues dans Anxiety, évoquent une crise de panique en gestation. Enfin, Living Spa Water porte bien son titre; un morceau aussi trouble que l’eau tourbillonnante d’une baignoire à remous.

Encore une fois, Tim Hecker fait la démonstration de sa capacité à créer des albums qui s’enracinent longuement en nous après les avoir écoutés avec attention. Menaçant et grisâtre comme notre époque, No Highs est une leçon de musique ambiante qui flirte avec cet apaisement factice que l’on peut entendre dans certaines créations du même genre, mais qui, du même souffle, refuse obstinément d’y adhérer.

Même si l’auteur de ces lignes préfère le compositeur en mode plus volcanique, il n’y a pas à bouder votre plaisir… surtout si vous aimez votre musique ambiante sincère et lucide, à la fois.

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