Critiques

The New Pornographers

In the Morse Code of Brake Lights

  • Collected Works / Concord Records
  • 2019
  • 41 minutes
7,5

Sur la scène indie rock canadienne, les New Pornographers font office de vétérans, symboles de fiabilité et de constance, même si leurs meilleures années sont sans doute passées. Après le correct (sans plus) Whiteout Conditions en 2017, le groupe lançait récemment In the Morse Code of Brake Lights, déjà sa huitième offrande en carrière et qui, malgré de petits écueils, constitue un beau retour en forme.

Si les New Pornographers ont longtemps projeté l’image d’un projet axé sur l’esprit de collaboration (le groupe compte huit membres et mise sur deux chanteurs qui se partagent merveilleusement la tâche), l’influence d’A.C. Newman n’a cessé de grandir depuis quelques albums, au point où il semble s’être imposé comme leader incontesté depuis le départ de Dan Bejar (Destroyer). Ainsi, comme sur Whiteout Conditions, Newman a écrit tous les titres sur In the Morse Code of Brake Lights (sauf un, co-écrit avec Bejar). D’un côté, ça rend le son du groupe plus homogène, sauf que ça permet aussi probablement une plus grande cohérence.

Sans qu’on puisse parler d’un album concept, In the Morse Code of Brake Lights témoigne d’ailleurs d’une certaine continuité dans les thèmes abordés (avec pour fil conducteur les nombreuses métaphores « automobiles » dans les titres) comme dans l’instrumentation. Alors que Whiteout Conditions était dominé par les synthétiseurs et une esthétique proche de la new wave des années 80, ce nouvel opus revient à une facture plus organique, avec les guitares à l’avant-plan et une certaine retenue dans les effets électroniques. Il se veut aussi moins dansant et plus sombre que son prédécesseur, abordant de façon subtile le climat politique actuel et cette « culture de la peur » que la formation dénonce dans la chanson Higher Beams.

Le groupe apparaît particulièrement revigoré sur des morceaux comme You’ll Need a Backseat Driver ou Colossus of Rhodes, des hymnes power-pop qui nous ramènent aux beaux jours de Mass Romantic (2000) ou de Twin Cinema (2005). On ne saurait d’ailleurs ignorer l’immense contribution de la chanteuse Neko Case, dont la voix puissante devient le véhicule par lequel la pop des New Pornographers prend une telle dimension épique. Sa complicité avec Newman reste par ailleurs intacte, comme en témoignent non seulement leurs harmonies, mais aussi cette manière qu’ils ont de compléter les phrases de l’autre, comme sur One Kind of Solomon.

Si Whiteout Conditions faisait pratiquement l’impasse sur les ballades, In the Morse Code of Brake Lights en compte quelques-unes et elles atteignent particulièrement la cible (sauf Opening Ceremony, dont le ton naïf ne trouve pas d’écho ailleurs sur l’album). La délicate et intimiste You Won’t Need Those Where You’re Going met en valeur toute la vulnérabilité dans l’approche de Newman, tandis que Leather on the Seat, qui conclut l’album, est enrobée d’orchestrations luxuriantes.

Ironiquement, une des qualités d’In the Morse Code of Brake Lights est aussi son principal défaut. En effet, le groupe s’est adjoint les services d’un quatuor à cordes pour son nouvel opus. L’idée de départ est bonne, et les arrangements apportent un sentiment de grandeur à la pop des New Pornographers. Sauf qu’ils prennent trop de place, au point de saturer le mix. Ça m’a rappelé d’ailleurs une critique que j’ai déjà lue de l’album WarChild (1974) de Jethro Tull, et dans laquelle l’auteur se plaignait de ces cordes qui « ne veulent tout simplement pas se la fermer ».

Bien sûr, on ne confondra pas In the Morse Code of Brake Lights avec des classiques comme Mass Romantic ou encore Twin Cinema, mais voilà un album qui se compare très avantageusement à une parution telle que Brill Bruisers (2014). Non, les New Pornographers n’ont pas perdu la main et on s’en plaindra pas…

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