Critiques

Spirit of the Beehive

ENTERTAINMENT, DEATH

  • Saddle Creek
  • 2021
  • 36 minutes
8
Le meilleur de lca

Je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir une pensée pour le moyen métrage Kung Fury à l’écoute du tout nouvel album du groupe punk DIY de Philadelphie, SPIRIT OF THE BEEHIVE. Je m’explique. Kung Fury est un court film complètement excentrique aux multiples détours narratifs trimbalant le spectateur dans toutes sortes de directions auxquelles il n’aurait jamais été en mesure de prédire la nature. L’album ENTERTAINMENT, DEATH est sensiblement similaire dans sa forme, un trip d’acide imprévisible où l’auditeur se sent dans une voiture décapotable filant à toute allure dans l’espace, accompagné possiblement d’un chat à huit pattes ou d’un Minotaure en chemise carreautée.

Ce n’est plus un secret pour aucun musicien : l’utilisation de cloches synthétiques = musique onirique. SPIRIT OF THE BEEHIVE connaît très bien la formule, l’utilisant en abondance sur ENTERTAINMENT, DEATH. Si la référence semble facile, le quintette s’est toutefois assuré d’être franchement original dans son utilisation.

Les morceaux proposés ne dépassent presque jamais la marque des trois minutes faisant de l’album un projet qui s’enchaîne rapidement et, il faut le dire, très judicieusement. Le résultat permet à l’auditeur de voyager dans plusieurs directions totalement imprévisibles sans toutefois vraiment être déstabilisé. Là réside tout le génie de l’album ; l’opus est rempli de repères communs permettant à l’auditeur de s’y retrouver rapidement, toutefois, chacun des morceaux comprend des détours ainsi que divers moments d’instabilités sonores faisant de l’album un véritable rêve où les instants les plus surréalistes nous semblent tout à fait logiques et sensés. Bref, il est imprévisible, mais chaque fois qu’il divague, ces mêmes écarts nous semblent parfaitement justifiés et compréhensibles, nous amenant exactement où nous voulons être, sans savoir que nous voulions y être préalablement.

Un bon exemple de cette imprévisibilité est l’ingénieuse I SUCK THE DEVIL’S COCK. Ce morceau est le plus long de l’album faisant presque sept minutes. Si la pièce est répertoriée comme étant une seule chanson, on pourrait facilement la diviser en trois morceaux complètement différents, pourtant le tout est extrêmement cohérent dans ses moments transitoires.

L’offrande débute avec ENTERTAINMENT annonçant parfaitement le ton avec un court moment de dissonance caractérisé par des synthétiseurs simulant quelque chose comme un bogue informatique se transformant à leur tour en une mélodie envoûtante et onirique. La pièce est suivie de THERE’S NOTHING YOU CAN’T DO, un morceau dansant pour la première moitié se métamorphosant rapidement en un chorus de noise rock et de scream. WRONG CIRCLE et BAD SON, les deux suivantes, sont exactement de la même durée, elles sont aussi très similaires dans l’ensemble. On remarque une similarité avec la musique de Wild Nothing sur Gemini. En fait, le mot d’ordre sur ENTERTAINMENT, DEATH est synthétiseur – des synthétiseurs à la tonne. En effet, les morceaux comportent plusieurs couches sonores laissant derrière un doux écho de réverbération enivrant. GIVE UP YOUR LIFE est la pièce qui s’apparente davantage à du rock dans son sens le plus traditionnel. La troupe délaisse les boîtes à rythmes usant d’une batterie organique celle-ci accompagnée par des mélodies à la guitare ainsi qu’une basse très lourde. Évidemment, SPIRIT OF THE BEEHIVE allait modifier la formule en découpant la pièce avec des séquences de synthétiseur plutôt cryptique faisant de leur musique un véritable casse-tête à définir. L’opus se termine sur DEATH, un morceau plutôt doux donnant l’impression d’une ascension spirituelle vers les cieux, elle vient achever l’album de très belle façon.

ENTERTAINMENT, DEATH est un album surprenant, où les multiples couches sonores se superposent de manière ingénieuse. L’imprévisibilité et la complexité de la forme est gratifiante à chacune des écoutes. L’album est un énorme high et il est fort probable que l’auditeur y devienne accro suite à la première consommation. Préparez-vous à un véritable voyage.